L’écrivain et poète belge Antoine Wauters remporte la 48e édition du prix du Livre Inter avec Mahmoud ou la montée des eaux, publié aux éditions Verdier. Le jury, composé d’auditeurs et d’auditrices de France Inter, a élu cet ouvrage dont l’action se déroule en Syrie.

L’annonce a été faite lundi 6 juin dans le journal de 8h de la radio publique par l’autrice Delphine de Vigan, présidente du jury: Mahmoud ou la montée des eaux a été choisi parmi les dix romans en compétition.

Dans son récit en vers libre, l’écrivain originaire de la région de Liège place un vieux poète syrien au bord du Lac Assad, formé par la construction d’un barrage dans les années 1960. Avec une plume pleine de nostalgie, son héros raconte l’histoire de son village et de son pays, mais aussi la dictature et les tortures du régime de Bachar el-Assad.

Distingué dès octobre par le prix Marguerite Duras, puis en novembre par le prix Wepler-Fondation La Poste, et aujourd’hui par le Prix des librairies Payot en Suisse, ce quatrième roman de 130 pages n’est pas le seul récompensé. Après avoir commencé une carrière d’enseignant dans le supérieur, Antoine Wauters a été remarqué en 2014 avec Nos Mères, son premier roman, qui raconte l’exil en Europe d’un enfant fuyant une guerre au Proche-Orient, lauréat du prix Révélation de la Société des gens de lettres à Paris et du Prix RTBF Première. En 2022, Antoine Wauters a reçu le prix Goncourt de la nouvelle pour Le Musée des contradictions, un recueil de 12 discours de révoltés, paru aux éditions du Sous-Sol.

Contacté par Ici Beyrouth, l’auteur à succès de 41 ans livre une interview exclusive.

Que reflète l’image de ce poète qui nous embarque pour un voyage dans son passé au bord du lac Assad?

Cette image d’un vieil homme sur ce lac Assad – symbole de l’échec des régimes baathistes – est liée au documentaire Déluge au pays du Baas d’Omar Amiralay, réalisateur syrien décédé en 2011. Quand j’ai fini de voir ce film, l’idée m’est venue de raconter la vie de ce vieil homme. En faisant plonger Mahmoud sous les eaux du lac, j’ai cherché à revisiter l’histoire d’un pays, proposer un contre-discours à la propagande d’État. Cet homme exhume le passé en plongeant dans des souvenirs balayés. Mais je tenais à ce que le récit soit simple et apaisé, vu le sort réservé à lui et sa famille, ainsi qu’à tous les dissidents syriens, à savoir la prison et la mort. C’est un contre-discours à la brutalité, la haine et la colère. Mahmoud incarne une parole humaine et fraternelle, en opposition à la barbarie.

À travers ce roman et vos précédents ouvrages, vous abordez la situation au Proche-Orient. Qu’est-ce qui vous pousse à parler de cette région?
J’ai voyagé au Liban en 2010, invité pour le Salon du livre de Beyrouth. Un monde m’a été ouvert et j’ai essayé de comprendre… J’ai passé une partie de mon enfance à entendre des éléments parcellaires, via les médias, sur le conflit israélo-palestinien qui représentait quelque chose de terrible. J’ai donc décidé de replacer les choses dans un cadre, en le remplissant d’empathie, afin de permettre aux gens en Occident d’avoir un regard moins effrayé. J’ai choisi de raconter tout cela par des moyens inhabituels, des paroles partageables par tous au cœur de la vie humaine.

Quelle est la place de l’engagement dans votre œuvre?

Ce roman n’est pas engagé de manière directe. J’ai voulu parler d’un sujet peu connu, et surtout mal abordé, en remettant l’humain au centre, non pas pour culpabiliser les gens, mais pour dévoiler ce qui se cache derrière les discours. Dès Hafez el-Assad, la propagande d’État a réécrit l’histoire. Je crois que la littérature est là pour éclairer l’histoire différemment. C’est une manière de faire reculer le sentiment d’indifférence qu’on a tous. À travers une parole poétique, un dispositif proche du conte, j’ai cherché à dire les immenses douleurs et à faire circuler l’espoir. Car quand ce foyer de parole – qui seul peut nous réchauffer –  n’est plus possible, alors l’espoir meurt.