Le ministre de l’Énergie et de l’Eau Walid Fayad a annoncé, après avoir mené une série de contacts avec de hauts responsables tout au long de la journée de jeudi et après une rencontre avec le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé dans l’après-midi, que ce dernier est toujours engagé à assurer des liquidités aux entreprises importatrices de carburant en fonction du taux de change de la plateforme Sayrafa et qu’il n’y a donc aucun problème dans la livraison d’essence aux stations-service.

Du coup, le ministre Fayad a appelé toutes les entreprises importatrices à s’engager à assurer les carburants aux stations afin de répondre aux besoins du marché local, selon le prix officiel fixé par la direction générale du Pétrole au ministère de l’Énergie et de l’Eau.

Ces contacts ont été menés après la panique qui s’est produite consécutivement aux propos du porte-parole des propriétaires de stations-service Georges Brax. Ce dernier avait annoncé la fermeture des stations d’essence sous prétexte qu’elles ne peuvent plus payer l’essence en dollars et le vendre en livres libanaises.

Jeudi, toutes les stations d’essence avaient rabattu leurs tuyaux le matin, privant les citoyens d’un de leurs droits les plus élémentaires, à savoir se déplacer librement. Cette nouvelle crise a ravivé les mauvais souvenirs de l’été 2021. En effet, les importateurs de carburant exigent d’être payés en dollars frais et les propriétaires de stations ne peuvent pas le faire.

Contacté par Ici Beyrouth, un responsable chez Total avait expliqué : " Nous (les sociétés importatrices) ne livrons pas d’essence parce que nous souhaitons être rémunérés en dollars puisque nous payons en dollars. Et les propriétaires de stations ne le peuvent pas ".

Et de poursuivre : " Le problème se situe au niveau des banques commerciales qui lors du paiement du carburant aux distributeurs bloquent un montant de l’ordre de " 10 % " de la facture, prélèvent des commissions entre 1 et 2% de celle-ci sans compter qu’ils mettent 2 à 3 jours pour effectuer les opérations, ce qui entraine des coûts insupportables ! "

De plus, les importateurs sont obligés d’acheter eux-mêmes des dollars depuis la plateforme de la Banque du Liban. Ces achats de dollars ne sont pas " garantis et impliquent des commissions supplémentaires ".

Les pertes par bidon

De leur côté, les propriétaires de stations d’essence ont affirmé qu’ils subissent en permanence des pertes du fait qu’ils paient l’essence en dollars et encaissent en livres libanaises.

Un propriétaire de station d’essence a exposé la situation à Ici Beyrouth. " Le prix de l’essence est défini par le ministère de l’Énergie (434 000 LL les 20 litres), et de ce fait la station d’essence ne peut pas afficher un prix plus élevé. Or aujourd’hui, les importateurs vendent le bidon à 19 dollars et 15 cents. Le taux de change du dollar au marché noir tourne autour de 24 500 LL pour un dollar. À ce taux, les 19,15 dollars correspondent à 469 000 LL. Comment, donc, vendre le bidon à 434 000 LL ? La station accuse une perte sèche de 35 000 LL. Où sont les gains ? Et le manque à gagner ? En réalité, le propriétaire de la station d’essence perd entre 40 000 LL et 50 000 LL pour chaque 20 litres ".

Une solution en vue ? " Soit la BDL continue d’assurer les dollars au prix de la plateforme Sayrafa qui est aujourd’hui de 21 000 LL pour un dollar, soit l’essence devra être tarifée en dollars. Ils ne peuvent pas faire supporter tout le poids aux stations d’essence ".

Et de rappeler qu’avant la levée des subventions, les autorités ont fait ouvrir les stations d’essence par la force et leur ont fait vendre tout leur stock en prétextant que c’était de la marchandise subventionnée.  " Nous avons tout vendu à 70 000 LL le bidon et nous l’avons racheté à 300 000 LL, ce qui signifie que le capital a disparu entièrement. Par ailleurs, les banques ne donnent pas d’argent. Alors d’où va-t-on se procurer les devises pour acheter la marchandise ? Vont-ils une fois de plus nous enlever notre capital ? ", se demande-t-il. Un cercle infernal qui conduira nombre de stations à fermer leurs portes, si le problème n’est pas réglé.

La BDL n’a plus de réserves

Lors du Conseil des ministres, mercredi après-midi, le ministre de l’Énergie, injoignable au téléphone, avait affirmé que " la BDL a imposé de nouvelles restrictions sur les transferts en dollars à l’étranger, ce qui va causer des queues devant les stations d’essence ". Le gouvernement a donc demandé au ministre des Finances de coordonner avec la BDL pour continuer à payer les stations d’essence via la plateforme " Sayrafa ", comme c’était le cas auparavant, pendant encore deux mois.

Le ministre Abbas Halabi, contacté par Icibeyrouth, explique que " la BDL a informé les importateurs de carburants qu’elle n’entretiendra plus le transfert par le biais de ses comptes en banque à l’étranger. " Le gouverneur leur a dit qu’il fallait effectuer cette opération par le biais des banques commerciales, c’est-à-dire changer tout le cash en dollars et le payer à la banque afin d’effectuer le transfert ".

Pour M. Halabi, " il semblerait que la BDL arrive au point de ne plus avoir de réserves et de dollars pour financer le commerce des carburants ".

" Nous en avons parlé en Conseil des ministres, ajoute-t-il, et nous avons décidé de convier le gouverneur à la prochaine réunion du conseil qui n’aura pas lieu à Baabda mais au Sérail, bien évidemment ".

Jeudi, il n’ y avait toujours pas de réponse définitive du ministère de l’Énergie concernant la fermeture des stations, mais une promesse (une de plus) aux citoyens, selon laquelle la " solution est proche ".