La réponse des Forces libanaises concernant les informations faisant état d’une éventuelle rencontre entre le leader des Forces Libanaises, Samir Geagea, et le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, visant à parvenir à un accord sur la présidentielle autour d’un seul candidat, a été sans appel. Les FL affirment que "leur décision est définitive et catégorique et le Patriarche Raï en a été informé".

Les raisons qui justifient la position des FL sont pléthore. Selon le parti, s’entendre sur un troisième candidat dans le cadre de cette potentielle réunion, équivaudrait à affaiblir et à saper l’opposition "à un moment où nous cherchons à resserrer les rangs et à rallier plus de soutien en faveur de notre candidat, Michel Moawad". Les mêmes cercles soulignent que tendre la main à M. Bassil constitue également un affront à l’opposition, avec laquelle "nous essayons de rapprocher les points de vue. Nous tendons la main uniquement à la ligne politique que nous suivons".

Et les sources F.L. d’ajouter : "Comment pouvons-nous envisager une entente avec M. Bassil, alors que ce dernier vient d’annoncer une prochaine visite en Syrie, et qu’il appuie dur comme fer la complémentarité entre l’État et le mini-État, que représente le Hezbollah ?" Les milieux FL insistent sur le fait qu’ils ne partagent ni la politique, ni les projets ni les positions du chef du CPL.  Ainsi, ils rappellent que "nos alliances se font seulement avec ceux qui partagent nos convictions, qui nous ressemblent politiquement, et qui soutiennent nos objectifs, notre projet et nos positions politiques".

Mais pour en revenir à 2016 et au soutien apporté à l’époque à l’accession de Michel Aoun à la présidence de la République, ces milieux affirment que le parti avait accordé son appui à Michel Aoun, après que les deux parties s’étaient mis d’accord sur les dix points qui ont constitué l’accord de Meerab. Cet accord se fondait sur des fondamentaux tels que la souveraineté, le respect de l’accord de Taëf, l’application de la Constitution, et le rejet de toute assemblée constituante visant à modifier l’accord de Taëf, ou la Constitution, ou le système en place, dans le but d’instaurer un nouveau système.

Par ailleurs, les responsables FL insistent sur le fait que rencontrer M. Bassil pour discuter d’un troisième candidat, reviendrait à faire élire un président d’un bord politique qui ne respecterait ni ses promesses, ni les accords signés, comme ce fut le cas en 2016 avec l’accord de Meerab. Sans compter que le CPL soutient le Hezbollah. Preuve en est:  Michel Aoun a protégé et défendu le parti chiite tout au long de son mandat, tant au niveau local qu’auprès des instances internationales.

Et ces sources de considérer que l’élection d’un président proche du camp du 8 Mars se traduira par un isolement accru du Liban sur la double scène régionale et internationale, perpétuant en quelque sorte le mandat de Michel Aoun; alors que l’opposition se démène pour aboutir à l’élection d’un président souverainiste, sans provoquer de crise, ou de vagues avec qui que ce soit. En d’autres termes, un président qui œuvrerait à redresser le pays, le replacer sur la carte régionale et internationale, et rétablir les ponts avec les pays arabes, notamment les pays du Golfe.

Rappelons que lors de la signature des dix points de l’accord de Meerab, le président Michel Aoun s’était engagé à rapprocher les camps du 8 et du 14 Mars, et à mettre un terme à la bipolarisation politique, et ce, dans l’intérêt de l’État et de l’édification d’un État dans lequel se fonderait le Hezbollah. Cet accord entre les deux plus grands pôles chrétiens s’articulait autour du projet de l’État, avec un président qui respecte son rôle et sa position, qui applique la loi de manière équitable, qui n’agit pas comme le chef d’un clan, d’un groupe ou d’un parti, et qui ne se comporte pas de manière partisane et vindicative comme l’a fait Michel Aoun.

Cependant, les cercles proches des FL ont clarifié que leurs positions ne visent pas la banlieue sud (le Hezbollah en d’autres termes), même s’ils aspirent à voir disparaitre le mini-État du parti chiite, ainsi que son rôle et sa mission, au profit du renforcement de l’État.  À noter que ce dernier point figure dans la quatrième clause de l’accord de Mar Mikaël, conclu en 2016 entre le mouvement aouniste et le Hezbollah, et que la formation chiite n’a jamais respectée. D’ailleurs, Michel Aoun y avait fait référence lors de son dernier discours télévisé avant de quitter le palais de Baabda.

Les cercles susmentionnés révèlent que l’antagonisme de Gebran Bassil n’est pas dirigé en réalité contre Samir Geagea, lequel rejette l’instauration d’un front chrétien, mais plutôt contre   le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et le tandem chiite, notamment suite à l’annonce par le député Ali Hassan Khalil que le chef des Marada, Sleiman Frangié, reste le candidat présidentiel du tandem chiite.

Cette annonce est intervenue après l’échec de la tentative de Hassan Nasrallah de persuader le chef du CPL de soutenir M. Frangié, ou à défaut de s’entendre sur un troisième candidat, lors d’une rencontre qualifiée de "houleuse" entre les deux protagonistes. D’autant que M. Bassil avait fait part de son opposition à la nomination de M. Frangié, et que la rencontre entre lui et le secrétaire général du parti chiite n’était pas supposée porter sur le dossier présidentiel. Des propos perçus comme une réponse au tandem chiite, qui a aussitôt lancé une série de consultations menées par le député Ali Hassan Khalil, mandaté par Nabih Berry, avec un certain nombre de dirigeants, dont le patriarche Raï et Hassan Nasrallah.

Au terme de ses consultations, le député Khalil a annoncé que M. Frangié reste le candidat de Nabih Berry ainsi que du tandem chiite. Néanmoins, cette candidature nécessite une acceptation nationale. Ainsi, M. Khalil a gardé la voie ouverte à un dialogue et à des consultations afin de s’entendre sur un président consensuel.

Des milieux du camp du 8 Mars proches de Damas ont révélé que suite à ces faits, et dans le cadre d’une démarche visant à freiner la possible accession de M. Frangié à la Première Magistrature, Gebran Bassil aurait entrepris des contacts avec Damas via des canaux du CPL, entre autres, en vue d’organiser une rencontre avec le président syrien, Bachar el-Assad. Un message clair de M. Bassil à l’adresse de la Banlieue Sud, pour prouver "qu’il est en mesure d’avoir accès au président Assad, faisant de la Syrie son allié dans l’étape à venir, au cas où le parti chiite persisterait à soutenir M. Frangié. "

En réalité, le vrai problème du chef du CPL réside dans sa relation avec ses alliés politiques, notamment le tandem chiite. Son volte-face vers Damas, la rue chrétienne, et Bkerké en particulier, ainsi que vers les FL, est de l’avis de ces derniers, rien plus qu’une démarche intéressée, qui n’est fondée sur aucune constante ni aucun principe. En soi, M. Bassil ne sert que ses propres intérêts, guère plus.