Les manifestations se poursuivent en Iran, malgré les menaces proférées par l’ayatollah Ali Khamenei, qui a déclaré: "Nous devons tous affronter l’ennemi et ses agents traîtres et ignorants." Les propos du Guide suprême de la Révolution iranienne sont venus en réponse à l’attaque perpétrée à Chiraz, dans le principal sanctuaire musulman chiite du sud de l’Iran et revendiquée par le groupe djihadiste Daech (ou État Islamique-EI), faisant au moins 15 morts.

Cet attentat et sa condamnation n’ont rien d’inhabituel, pour ne pas dire qu’ils ont même un air de "déjà-vu", notamment au Liban, en Syrie et en Irak. Indépendamment de la partie qui se tient derrière le concept du terrorisme extrémiste, il semblerait que l’Iran et son axe soient les plus habiles à instrumentaliser ce terrorisme, au service du régime, afin de le protéger et de mettre en œuvre les stratagèmes qui servent ses intérêts.

Cette impression de "déjà-vu" s’apparente conjointement à une fatwa et à un ordre intimé par le commandant du corps des Gardiens de la Révolution islamique, Hossein Salami, aux manifestants. En effet, Hossein Salami avait fixé il y a une dizaine de jours une date limite pour mettre un terme aux manifestations à travers l’Iran. Cette annonce, restée sans suite, s’était accompagnée d’une intensification de la répression exercée par les forces de sécurité à l’égard des protestataires qui déferlent sur le pays après le meurtre de la jeune Mahsa Amini, dont le hijab avait "porté atteinte" aux mesures restrictives imposées par la République islamique en la matière.

Cependant, attaquer est la meilleure défense pour affronter la "théorie du complot", et par conséquent, juguler les mouvements de protestation dans les pays sous emprise iranienne. Ainsi, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, a déclaré que l’Iran "ne permettra pas que l’attaque visant à déstabiliser le pays reste sans réponse". Et d’ajouter : "Nous disposons d’informations fiables concernant les projets mis en place par nos ennemis à plus d’un niveau, afin de déstabiliser la sécurité de l’Iran".

À noter que les ennemis qui visent "les intérêts et la sécurité nationale de l’Iran, et s’immiscent dans les affaires du pays sous le prétexte de préserver les droits de l’homme", n’ont pas changé. En revanche, ce qui change, c’est la relation ambiguë avec ces ennemis en question, notamment le "Grand Satan", soit les États-Unis. Sachant que les deux parties n’ont pas hésité à former une alliance tangible sur la question de l’invasion de l’Irak et du renversement de Saddam Hussein, mus par les intérêts communs pour saboter ce pays, le disloquer et le dépouiller de toutes ses ressources, pour en faire ce qu’il est devenu aujourd’hui.

Cette même ambiguïté se manifeste également dans la position du Hezbollah à travers son soutien à l’État libanais et son consentement donné au médiateur américain Amos Hochstein qui, dans un texte officiel, a réuni les parties libanaise et israélienne pour achever la démarcation de la frontière maritime entre le Liban et Israël. De plus, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a défendu ce dossier crucial en usant de ses compétences topographiques pour justifier le renoncement par le Liban d’une partie de ses richesses pétrolières et gazières maritimes. Le tout dans le but d’absorber la colère populaire libanaise, d’éloigner tout soupçon et de calmer le mécontentement au sein de sa base populaire chiite.

Les deux parties ont par ailleurs en commun un fil conducteur, "l’islamophobie" qui permet à l’Iran, grâce à un aval occidental, d’affronter ce danger, en échange d’une indulgence à l’égard de ses ambitions régionales. Ainsi, l’Iran bénéficie du privilège de manipuler l’extrémisme de manière à servir les projets qui servent ses agendas, notamment après les bouleversements du 11 septembre 2001.

Partant, ce privilège a encouragé la création de groupes islamistes extrémistes, avec le " parrainage " des dirigeants d’Al-Qaïda, qui bénéficiaient de la protection iranienne. En outre, les cadres supérieurs des groupes en question ont été libérés des prisons irakiennes et syriennes, sous des prétextes plus que suspects, voire illégaux. D’ailleurs, c’est avec effroi que le monde a été témoin de l’annonce faite par Abou Bakr al-Baghdadi de la naissance de " l’État Islamique ", qui a mené des opérations terroristes sans précédent en Europe, au Liban, en Irak et en Syrie. La révolution syrienne en a d’ailleurs fait les frais sous prétexte de vouloir combattre l’EI, et renflouer Bachar el-Assad, pavant ainsi la voie au déploiement de la Russie au Moyen-Orient, à la lumière de positions américaines équivoques et totalement inefficaces, sans mentionner la légitimation de la présence illicite de l’organisation Hachd al-Chaabi -anciens paramilitaires chiites pro-iraniens-en Irak.

Apparemment, cette stratégie est toujours de mise. Mais la nouveauté réside dans le fait qu’elle a atteint l’Iran dans sa profondeur, et ceci pour justifier les combats par le fer et par le feu menés contre la population iranienne. Cette stratégie en question serait couplée d’assassinats ambulants, d’invasions, et de l’anéantissement d’une culture au profit d’une autre, qui repose sur la vénération de portraits et de slogans, dénuée de toute rationalité, et sur un suivisme d’un autre âge qui prime dans les milieux sectaires et idéologiques. D’ailleurs, quiconque ose s’en écarter risque d’être tout simplement éliminé… en toute liberté par ses assassins.

La "liberté" des victimes, quant à elle, reste une autre affaire. Les messages qui leur sont adressés ne nécessitent rien de plus qu’un ordre émis par le Guide suprême et les Gardiens de la Révolution, liant les manifestations pour les libertés à l’État Islamique, lequel œuvre avec une loyauté sans faille pour le Wali al-Fakih.