Dans un rapport sur quatre assassinats commis depuis 2020, l’ONG internationale HRW a dénoncé jeudi des enquêtes " bâclées " et appelé les pays fournissant une aide financière aux forces de sécurité du Liban à " revoir " leur assistance.

L’ONG internationale Human Rights Watch (HRW) a dénoncé jeudi les enquêtes " bâclées " des autorités libanaises sur quatre assassinats commis depuis 2020, appelant les pays fournissant une aide financière aux forces de sécurité du Liban à " revoir " leur assistance. Elle a notamment relevé qu’aucun suspect ou mobile de crime n’a été identifié, à l’issue des enquêtes menées par les services de renseignements au sein des Forces de sécurité intérieure.

" Les meurtres non résolus et les enquêtes bâclées sur des assassinats rappellent la dangereuse faiblesse de l’État de droit au Liban face à des élites et des groupes armés irresponsables ", a commenté Aya Majzoub, chercheuse à HRW.

L’ONG a examiné les enquêtes préliminaires dans les meurtres de quatre personnes: Lokman Slim, militant et intellectuel critique du Hezbollah, assassiné par balles le 3 février 2021; Joe Bejjani, photographe militaire amateur travaillant dans les télécommunications, tué par balles le 21 décembre 2020 ; le colonel Mounir Bou Rjeily, officier des douanes à la retraite retrouvé mort à son domicile le 2 décembre 2020 après avoir été frappé sur la tête avec un objet pointu ; et Antoine Dagher, chef du département d’éthique et de lutte anti-fraude à la Banque Byblos, poignardé le 4 juin 2020.

Pour établir son rapport, HRW a interviewé les familles des victimes, ainsi que des avocats, des journalistes et des experts en criminologie, a parcouru les dossiers de police disponibles et a consulté des images vidéo des scènes du crime.
Dans les quatre cas, qualifiés de " politiquement sensibles " par l’ONG, les autorités libanaises n’ont pas suivi de pistes d’enquête claires, " même si les meurtres ont été commis à proximité de zones résidentielles et densément peuplées, en plein jour ", et même si l’un des quatre, celui de Joe Bejjani, a été filmé par une caméra de surveillance, selon HRW.

Les avocats et les proches des victimes ont déclaré à HRW que la police ne leur avait posé que " des questions superficielles limitées à des motivations personnelles ", ignorant les pistes en rapport avec les liens entre le travail " politiquement sensible " des victimes et leur assassinat.

Scène de crime non sécurisée

Dans les affaires relatives aux assassinats de Lokman Slim et Joe Bejjani, il apparaît clairement dans les vidéos que les forces de sécurité n’ont pas sécurisé la scène du crime et ont consulté les téléphones et des équipements électroniques des familles, dont elles ont effacé certaines données, selon l’ONG.

Le rapport rappelle que certains médias avaient affirmé que Joe Bejjani avait été l’un des premiers photographes à arriver au port de Beyrouth après l’explosion du 4 août 20200, et que sa famille avait démenti cela. Il publie néanmoins des tweets postés par la victime sur son compte, quelques jours après l’explosion, et dans lesquels Joe Bejjani évoquait le hangar 12 et le fait qu’il avait décidé d’arrêter la photographie militaire au Liban.

Sur le dossier de l’assassinat de Mounir Bou Rjeily, le rapport note que la victime était un ami du colonel Joseph Skaff, " premier officier des douanes à mettre en garde en février 2014 contre les dangers du nitrate d’ammonium arrivé au port de Beyrouth ", et rappelle que ce dernier " était décédé en mars 2017 dans des circonstances suspectes qui avaient poussé certains à croire qu’il avait été assassiné ".

Dans l’affaire du meurtre d’Antoine Dagher, HRW note que sa famille s’était étonnée du fait que les enquêteurs n’avaient pas essayé d’en savoir plus sur le " grand dossier de fraude " sur lequel la victime travaillait avant son meurtre, et dont sa sœur les avait informés. Le document rapporte que lorsque la famille d’Antoine Dagher avait rendu visite au président de la République Michel Aoun en juillet 2020, et lui avait fait part de l’absence de progrès dans l’enquête, ce dernier lui avait alors répondu : " Il semble qu’il en savait trop. "

Par ailleurs, HRW a exhorté les autorités à ouvrir des enquêtes sur les allégations de fautes graves et de négligence de la part des responsables chargés des enquêtes sur les meurtres et à rebondir sur toutes les pistes.

Les pays donateurs ont accordé des millions de dollars d’aide aux autorités libanaises, explique l’ONG. " Les donateurs devraient revoir l’aide qu’ils fournissent pour s’assurer qu’ils ne financent pas des unités engagées dans la dissimulation de meurtres sensibles ", a déclaré Mme Majzoub.