Une conférence internationale pour le Liban serait en voie de préparation, à en croire les rumeurs en provenance de hautes sphères politiques.

" À tout instant, il se passe quelque chose… " Une expression rendue célèbre par un centre commercial français et qui décrit parfaitement la situation politique et diplomatique au Liban. Les développements de ces dernières semaines ne font d’ailleurs que se multiplier face à la persistance des pays arabes et de la communauté internationale à exhorter L’État libanais à se ressaisir et à mettre en œuvre les réformes et mesures nécessaires pour une sortie de crise.

L’appel le plus récent a revêtu la forme d’une déclaration présidentielle émanant du Conseil de Sécurité de l’ONU, rendue publique par le président actuel du Conseil de sécurité, le représentant de la Fédération de Russie, Vassily A. Nebienza. La déclaration, d’une portée politique et diplomatique indéniable, presse les autorités libanaises d’entreprendre des réformes, d’organiser des élections libres, justes et transparentes dans les délais impartis, de mener une enquête sur les attaques répétées contre la FINUL et de poursuivre les investigations sur les explosions du 4 août 2020 de manière rapide, indépendante, impartiale, approfondie et transparente.

La portée de la déclaration

Cette déclaration présidentielle revêt une importance particulière pour une multitude de facteurs. Fait hautement symbolique, elle a été rendue publique par un diplomate russe (alors que la Russie et la Chine sont considérés comme faisant partie de l’axe obscurantiste de la " moumanaa " aux côtés de l’Iran). Elle reflète en outre l’insistance de l’ONU à appliquer la résolution 1559 de l’Onu que le Hezbollah tente par tous les moyens possibles de mettre en sourdine. La position avancée définie par la déclaration présidentielle à cet égard n’est pas anodine. En effet, la résolution 1559 constitue à elle seule un point de litige sur la scène libanaise, dans la mesure où elle requiert que " toutes les milices libanaises et non libanaises soient dissoutes et désarmées ". Les milieux du 8 Mars soutiennent que cette clause est " impossible à mettre en application puisqu’il n’est pas question actuellement de désarmer le Hezbollah ". Le Liban officiel a pris position à ce sujet à travers sa réponse à l’initiative koweïtienne, réponse transmise par le chef de la diplomatie, Abdallah Bou Habib, la semaine dernière à son homologue koweïtien, cheikh Ahmad Nasser al-Mohammad al-Sabah. Dans sa réponse, le Liban souligne que bien qu’il soit d’accord sur les principes du respect et de la mise en application de ladite résolution, il est toutefois incapable de l’appliquer, car sa mise en œuvre ne dépend pas de lui. Le gouvernement libanais a ainsi formulé une réserve officielle à ce propos.

La position officielle du Liban sur ce plan est jugé inacceptable par l’ancien ministre Séjaan Azzi, qui déplore la justification et la couverture assurée par l’État à l’armement illicite du Hezbollah : " La légalité soutient la non-légalité, tout en étant de connivence avec elle ! ", souligne-t-il à Ici Beyrouth.

Par ailleurs, il est important de noter que la déclaration onusienne rejoint la " Déclaration de Baabda " (juin 2012), la déclaration de Bkerké (février 2021), l’initiative franco-saoudienne (décembre 2021), l’initiative koweïtienne-arabe (janvier 2022) quant à sa teneur, puisqu’elle met en exergue la nécessité pour le Liban d’être neutre et de se distancier des conflits régionaux, ainsi que l’importance d’appliquer les résolutions 1559, 1701 et 1680, surtout après les nombreuses attaques faites par des partisans du Hezbollah contre la FINUL au Liban Sud et pour lesquelles le Liban devra rendre des comptes devant l’instance internationale.

C’est d’ailleurs l’avis du député démissionnaire Marwan Hamadé, qui explique à Ici Beyrouth que cette déclaration est " une forme de " 1559 atténuée " qui puise sa force dans le rappel de la " Déclaration de Baabda " et dans l’énoncé des résolutions du Conseil de sécurité ". Et d’ajouter : " Il y a une sorte d’harmonie entre la position de Bkerké, celle du Vatican (manifestée par la visite à Beyrouth du chef de la diplomatie du Vatican, Mgr Paul Gallagher la semaine dernière), l’initiative koweïtienne et l’ensemble de l’activité diplomatique dans le pays, ce qui laisse penser que les intérêts locaux et régionaux sont enchevêtrés et que le sort Liban va se décider dans les mois à venir, indépendamment de la tenue ou non des élections législatives ".

Cependant, des critiques ont été émises à l’encontre de la déclaration onusienne, jugée pas assez ferme vis-à-vis des " lacunes " libanaises, malgré la grande mobilisation internationale dans le sens d’une souveraineté étatique. " Les communiqués de l’ONU sont traditionnels et classiques, bien qu’exhaustifs et complets et ont pour seul but de rappeler l’application des résolutions et de donner des recommandations, souligne une source de l’opposition. La communauté internationale devrait être stricte, voire même intransigeante, pour pouvoir obtenir des résultats tangibles aux niveaux local et régional " .

Il n’en demeure pas moins qu’il apparaît de plus en plus que la communauté internationale porte un intérêt particulier pour le Liban et ne semble pas prête – du moins pour le moment – à le placer à l’écart de la scène régionale et internationale, en dépit de ses nombreuses erreurs et de son indécision à adopter une politique concrète de dissociation de tout conflit régional, conformément à toutes ses déclarations précédentes qui s’inscrivent dans ce sens.

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