Les mégacentres électoraux ne seront pas mis en place pour le scrutin de mai 2022. Dans une étude réalisée à la demande du gouvernement et qui doit être examinée demain vendredi en Conseil des ministres, le  ministère libanais de l’Intérieur explique qu’il est impossible de mettre en place cette structure dans les délais impartis, soit en deux mois et deux semaines, affirmant que les préparatifs prendraient au moins cinq mois et coûteraient près de six millions de dollars.

À titre de rappel, l’établissement de mégacentres est réclamé depuis longtemps par le camp aouniste, dans la mesure ils permettent aux électeurs de voter sans avoir à se déplacer vers des régions éloignées. Le président Michel Aoun était revenu à la charge à ce sujet il y a deux semaines, suivi par le groupe parlementaire aouniste qui avait insisté sur le fait qu’il s’agit " d’une réforme fondamentale pour assurer l’égalité entre les électeurs, renforcer la liberté de vote, limiter l’impact de l’argent électoral et augmenter le taux de participation au scrutin ".

Selon l’étude préparée par le ministère de l’Intérieur et publiée jeudi par l’agence locale al-Markaziya, les mégacentres ne peuvent pas être mis en place pour différentes raisons légales, techniques et de ressources humaines. Leur installation, explique le texte commande un amendement des articles 36 et 85 de la loi électorale pour que l’Exécutif puisse établir des bureaux de vote en dehors des circonscriptions électorales définies par la loi. De plus, des cartes électorales biométriques devraient être parallèlement préparées et distribuées – ce qui requiert également un amendement de la loi électorale – pour éviter qu’un électeur ne vote deux fois. Parallèlement tout un dispositif électronique devrait être mis en place pour le vote et le dépouillement des voix, selon le texte.

Au niveau de la logistique, l’étude constate qu’un mois et demi et 120.000 dollars sont nécessaires pour l’inscription des électeurs, puisqu’un logiciel informatique devrait être développé à cette fin. De plus, le ministère souligne que 9 mégacentres (trois au Mont-Liban, deux à Beyrouth, un à Saïda, un à Tripoli et un à Zahlé) doivent être préparés pour y centraliser les différents bureaux de votes et les bureaux de dépouillement, ce qui coûterait 500.000 dollars par centre, soit 4,5 millions au total.

Ces 9 mégacentres commanderaient, toujours selon le rapport du ministère, la création de 3.000 bureaux de votes supplémentaires pour 1,5 million de personnes qui souhaiteraient changer leur lieu de vote. Ces bureaux requerraient au moins 6.000 fonctionnaires supplémentaires qui devront être formés et payés; un coût estimé à plus de 22 milliards de livres libanaises, ou plus de 1,1 million de dollars au taux de change de la plateforme Sayrafa.

Quelle va être la réaction du CPL et du président de la République à ce nouveau camouflet, alors que l’établissement de mégacentres semble primordial pour eux? En août 2019, une conversation privée, mais devant un micro allumé, entre le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil et son allié druze Talal Arslane au sujet des mégacentres avait fait le tour des réseaux sociaux. On y entend clairement une assertion de Talal Arslan selon laquelle les mégacentres permettraient au CPL d’avoir " la moitié " des voix à Aley, ainsi qu’une critique du Hezbollah. Est-ce que c’est parce que la formation pro-iranienne n’est pas favorable aux mégacentres qui l’empêchent de contrôler ses électeurs dans les régions ou parce que le Hezbollah ne soutenait pas assez le gendre de son allié chrétien ?