Aux grands maux, les grands moyens. Faisant écho au discours du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, Emmanuel Macron a adopté un ton ferme et enflammé mardi lors de son allocution à la 77ᵉ Assemblée générale des Nations Unies. Le président français a, bien sûr, appelé à la mobilisation internationale pour faire face aux problèmes climatique, énergétique et alimentaire. Mais, il a consacré une bonne partie de son discours pour dénoncer l’invasion russe de l’Ukraine et le " silence " de certains pays face à cette agression.

 

 

" Ne nous résignons pas à la fracture du monde ", a lancé mardi Emmanuel Macron à l’ONU en exhortant les dirigeants du monde entier à rejeter " le nouvel ordre " de division que cherche à imposer la Russie " impérialiste " avec la guerre en Ukraine.

Dans un plaidoyer parfois enflammé, tranchant avec le ton posé des discours à l’Assemblée générale des Nations unies, le président français a appelé à inventer de " nouvelles coopérations " pour relever les défis qui se posent au monde, des conflits au dérèglement climatique en passant par les pandémies.

" La situation de notre planète accroît nos exigences ", a-t-il déclaré, en souhaitant " un sursaut collectif " pour " bâtir un nouveau contrat entre le nord et le sud ".

Cet impératif est rendu d’autant plus urgent par la guerre en Ukraine initiée par la Russie et son président Vladimir Poutine. " Nous avons tous un rôle pour y mettre un terme, car nous en payons tous le prix ", a-t-il affirmé.

" Retour à l’âge des impérialismes "

" Ce à quoi nous assistons depuis le 24 février est un retour à l’âge des impérialismes et des colonies ", a martelé Emmanuel Macron. Or " qui est hégémonique aujourd’hui si ce n’est la Russie? ".

Le chef de l’Etat cherche ainsi à démonter l’idée que la guerre en Ukraine est un conflit régional résultant de l’opposition entre les Occidentaux et la Russie et, au delà, le reste du monde. De ce fait, de nombreuses capitales, en Afrique, en Asie ou au Moyen-Orient, refusent de condamner Moscou.

Le secrétaire général de l’ONU a mis en garde mardi à l’ouverture de l’Assemblée générale annuelle contre un  " hiver de grogne qui se profile à l’horizon " , dans un monde  " paralysé  " par les divisions malgré les crises qui s’amoncellent, de la guerre en Ukraine au réchauffement climatique.

 

" L’impérialisme contemporain n’est pas européen ou occidental et prend la forme d’une invasion territoriale adossée à une guerre hybride mondialisée qui utilise le prix de l’énergie, la sécurité alimentaire, la sûreté nucléaire, l’accès à l’information et les mouvements de population comme des armes de division et de destruction ", a dénoncé Emmanuel Macron.

Face à cela, les pays " qui se taisent aujourd’hui servent malgré eux, ou secrètement, avec une certaine complicité, la cause d’un nouvel impérialisme, d’un cynisme contemporain qui désagrège notre ordre international sans lequel la paix n’est possible ", selon lui.

A plus long terme, Emmanuel Macron prévient que cette " tentative de partition du monde (…) renforce la tension entre les États-Unis et la Chine ", notamment dans la zone indo-pacifique, l’une des priorités stratégiques de la France.

Ces derniers mois, le président français a régulièrement tancé les pays restés neutres, notamment lors d’une visite en juillet au Cameroun où il avait dénoncé le silence face à la " présence hybride " de la Russie en Afrique, notamment au Mali.

Après avoir dîné lundi soir en tête-à-tête avec le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, le président Macron doit avoir une rencontre bilatérale avec son homologue américain Joe Biden mercredi.

 

Il devait de nouveau porter ce message au cours d’un dîner auquel étaient conviés mardi à New York les présidents ivoirien, colombien, argentin et des ministres indien, indonésien ou égyptien.

Intervenant à l’ONU, le président sénégalais Macky Sall a affirmé que l’Afrique avait " assez subi le fardeau de l’Histoire " et ne voulait pas être " le foyer d’une nouvelle Guerre froide " entre la Russie et les pays occidentaux.

Absent à New York, Vladimir Poutine a par ailleurs de nouveau accusé mardi l’UE de bloquer, avec ses sanctions, le don de 300.000 tonnes d’engrais russes aux pays qui en ont le plus besoin. " Le comble du cynisme ", a-t-il dénoncé en recevant des diplomates à Moscou.

L’UE a affirmé à plusieurs reprises que ses sanctions ne concernaient ni les engrais ni les céréales russes.

De son côté, Emmanuel Macron a de nouveau défendu le programme Farm, " qui permet d’approvisionner les pays vulnérables à bas prix ", et annoncé que la France allait financer " l’évacuation du blé ukrainien à destination de la Somalie ", dont une partie de la population souffre de famine, en soutien au Programme alimentaire mondial (PAM).

Réunion Macron-Raïssi

Par ailleurs, Emmanuel Macron s’est entretenu mardi, en marge de l’assemblée générale des Nations unies à New York, avec le président iranien Ebrahim Raïssi sur le dossier du nucléaire et sur les droits des femmes après des manifestations en Iran.

" La balle est maintenant dans le camp de l’Iran ", a réitéré le président français devant la presse après avoir fait le point avec son homologue des difficiles négociations sur une éventuelle relance de l’accord sur le nucléaire iranien.

Il a indiqué lui avoir présenté " le cadre clair " pour un accord " vérifiable par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui préserve la sécurité de la région, c’est à dire de tous les pays voisins ", en particulier " les pays du Golfe et Israël ".

C’est la première fois que M. Macron rencontrait M. Raïssi depuis l’élection du président iranien en août 2021.

 

M. Macron a indiqué que M. Raïssi lui avait " fait part de sa préoccupation " sur le dossier des " garanties ", notamment pour que l’accord soit préservé quelle que soit l’administration au pouvoir aux Etats-Unis. Téhéran souhaite par ailleurs la clôture d’une enquête de l’AIEA concernant des traces d’uranium enrichi retrouvées sur trois sites non déclarés, qui pourraient être le signe que l’Iran a eu un programme visant à obtenir la bombe atomique.

Pour le président français, " l’AIEA doit faire son travail en toute indépendance " et " on ne peut pas jouer avec la confiance et la sécurité ".

Il a en outre indiqué avoir " insisté sur le respect des droits des femmes " alors que des manifestations se sont déroulées dans plusieurs villes iraniennes après la mort d’une jeune femme détenue par la police des mœurs. C’est la première fois que M. Macron rencontrait M. Raïssi depuis l’élection du président iranien en août 2021.

Dans la matinée, il s’est également entretenu avec les Premiers ministres du Pakistan Shehbaz Sharif et du Royaume-Uni Liz Truss.

Après avoir dîné lundi soir en tête-à-tête avec le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, il doit aussi avoir une rencontre bilatérale avec son homologue américain Joe Biden mercredi.

Avec AFP