En raison de la courte majorité obtenue par les républicains à la Chambre des représentants, le président américain Joe Biden risque de voir sa politique entravée par leur capacité de blocage. Une menace qui pourrait cependant se révéler une force s’il décide de se représenter en 2024.

Il est condamné à la paralysie législative pendant deux ans, mais se retrouver face à un Congrès divisé pourrait se révéler une aubaine politique pour Joe Biden, si le président démocrate confirme son intention de se représenter en 2024.

Les républicains ont repris mercredi le contrôle de la Chambre américaine des représentants, selon des médias américains, mais le parti conservateur ne disposera toutefois que d’une très courte majorité à la chambre basse.

Les élections de mi-mandat: " un bon jour pour la démocratie ", selon Biden (AFP)

 

 

Le parti du président a en revanche gardé son mince contrôle du Sénat, l’autre chambre du Congrès, au terme de ces élections qui n’ont pas vu déferler la " vague rouge " espérée par les conservateurs.

David Schultz, professeur de sciences politiques à la Hamline University, résume ainsi le tableau pour le président de bientôt 80 ans : " Cela l’aide comme candidat pour 2024, même si cela ne l’aide pas comme président en exercice ".

En clair : Joe Biden va être paralysé sur le plan législatif, mais il peut espérer gagner du crédit politique en rejetant la faute du blocage sur des républicains fragilisés.

 

Faute de contrôler les deux chambres – ce qui était le cas depuis son investiture en janvier 2021, bien qu’avec une très mince majorité au Sénat – le président américain ne peut plus espérer faire passer de législations majeures.

Enterrées, par conséquent, ses grandes promesses d’une loi fédérale consacrant le droit à l’avortement, d’une interdiction des fusils d’assaut, ou d’une vaste réforme électorale pour protéger l’accès des minorités au vote.

Il pourrait aussi être un peu plus difficile pour la Maison-Blanche de faire approuver de nouvelles aides militaires à l’Ukraine : si le soutien à Kiev fait jusqu’ici consensus, certains républicains ont déjà dit qu’ils ne signeraient pas de " chèques en blanc ".

Le chef de la minorité du Sénat Mitch McConnell accueille les nouveaux sénateurs républicains au Capitole (AFP)

 

Jusqu’à l’automne 2024, date de la présidentielle mais aussi des prochaines législatives, " ce sera plutôt une affaire de posture, d’enquêtes, de convocations pour des auditions " de la part du parti conservateur, prévoit Robert Rowland, professeur de communication politique à l’université du Kansas.

Il prédit que " nous allons beaucoup entendre parler de Hunter Biden ", fils cadet du président, homme d’affaires devenu artiste au passé marqué par les addictions.

Les républicains veulent utiliser leur pouvoir de supervision à la Chambre des représentants, notamment pour disséquer les relations d’affaires de Hunter Biden avec l’Ukraine et la Chine, entachées selon eux de conflits d’intérêt.

De nombreux experts estiment toutefois qu’avec une majorité étroite à la Chambre, et sans contrôle du Sénat, les républicains réfléchiront à deux fois avant de lancer une procédure de destitution, ou " impeachment ", contre le président, malgré les menaces plus ou moins vagues agitées dans la campagne pour les " midterms ".

Conserver le contrôle du Sénat permettra aussi au président d’y faire passer des nominations importantes, qu’il s’agisse des très stratégiques juges fédéraux, ou de postes dans son administration.

Au-delà des questions institutionnelles, ce Congrès divisé peut aussi donner à Joe Biden, qui doit dire en début d’année prochaine si oui ou non il se représente en 2024, un élan politique non négligeable.

Les partisans de Trump célèbrent l’annonce de sa candidature pour 2024 (AFP)

 

 

Rachel Bitecofer, stratège politique engagée aux côtés des démocrates, parie ainsi que la faible majorité des conservateurs à la Chambre va " mettre en lumière les dysfonctionnements du Parti républicain ", tiraillé entre une frange radicale et un contingent conservateur plus traditionnel.

Le président va pouvoir faire campagne " contre les républicains " en leur reprochant de faire obstacle à ses projets, analyse David Schultz, et en faisant presque oublier qu’il est, après tout, le chef d’Etat en exercice.

 

Et Joe Biden pourra aussi se poser, comme il l’a fait la dernière fois, en contre-exemple de Donald Trump, maintenant que l’ancien président s’est officiellement lancé dans la course.

Rien ne dit toutefois que cet élan va persister jusqu’à la prochaine présidentielle, ni faire taire les questions insistantes sur l’âge du plus vieux président jamais élu aux États-Unis, ou sur sa cote de popularité d’une faiblesse persistante.

" Deux ans c’est une éternité ", reconnaît David Schultz. Mais " en politique, la perception et la réalité se confondent. Et Biden est perçu aujourd’hui comme plus fort. "

Avec AFP