C’est dans un climat pas très démocratique que vont se dérouler, dans quelques jours, les élections présidentielles du Kazakhstan. Alors que le président Kassym-Jomart Tokaïev, qui avait ordonné de " tirer pour tuer " lors de manifestations sanglantes en janvier dernier, est à nouveau candidat, les autorités ont annoncé le 17 novembre avoir arrêté sept personnes, accusées de fomenter un " coup d’État ".

Le Kazakhstan a annoncé jeudi avoir arrêté sept partisans d’un opposant en exil accusés d’ourdir un " coup d’Etat ", à quelques jours d’une élection présidentielle censée tourner la page d’une année noire pour le plus grand pays d’Asie centrale.

Ces arrestations arrivent moins d’un an après la brutale répression d’émeutes sans précédent, en janvier, qui ont coûté la vie à 238 personnes, quand des protestations contre la hausse des prix du carburant ont dégénéré en affrontements entre la police et des manifestants.

Le président Kassym-Jomart Tokaïev, qui avait alors ordonné de " tirer pour tuer " sur les manifestants et émeutiers, briguera dimanche un nouveau mandat, se présentant comme l’homme du renouveau et de la concorde nationale.

Un " groupe criminel " à l’origine du possible complot

Selon le Comité de sécurité national (KNB), les sept personnes arrêtées jeudi font partie d’un " groupe criminel qui a, durant des mois, discuté de plans pour organiser des émeutes, un coup d’Etat et proclamer un gouvernement provisoire ".

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Pour les habitants du Kazakhstan, les résultats des élections ne font aucun doute (AFP)

 

Les suspects " sympathisent avec le banquier en fuite Moukhtar Abliazov ", opposant en exil avec lequel ils " partagent les mêmes vues ", a déclaré le KNB dans une vidéo.

Le KNB affirme que " depuis les événements de janvier, des éléments radicaux ont continué à élaborer des plans pour déstabiliser le pays et s’emparer de villes du Kazakhstan, dont Almaty et Astana ", respectivement la plus grande ville du pays et la capitale.

Cette élection intervient en point d’orgue d’une année qui a vu plonger dans le chaos le Kazakhstan, ex-république soviétique d’Asie centrale riche en ressources naturelles et qui jusqu’ici était réputée stable.

Si, à l’instar de ces arrestations, l’ombre du " janvier sanglant " plane toujours, tout comme les profondes inégalités sociales à l’origine des émeutes, M. Tokaïev, un ancien diplomate de 69 ans, a promis de bâtir un " nouveau Kazakhstan " plus juste et moins corrompu.

Des élections sans enjeu

A cette fin, il a purgé le clan de son influent et encombrant prédécesseur, Noursoultan Nazarbaïev, consolidant enfin sa place, plus de trois ans après son arrivée au pouvoir en 2019.

M. Tokaïev n’a pas pour autant laissé émerger la moindre opposition, et les quelque 12 millions d’électeurs appelés à voter de 01H00 à 15H00 GMT dimanche auront le choix entre lui et cinq candidats sans notoriété.

" Il n’y a pas de candidat crédible, il n’y a pas de choix, je vais voter contre tous ", explique, désabusé, Asset Temirgalïev, retraité rencontré dans les rues d’Almaty, la capitale économique du pays et épicentre des émeutes de janvier.

Les observateurs électoraux internationaux de l’OSCE ont regretté dans un rapport que leurs recommandations " relatives aux libertés fondamentales et aux conditions d’éligibilité et d’inscription des candidats " soient " restées sans suite ".

" Ces élections sont une farce ", lâche Aïdar Ergaly, un architecte, interrogé par l’AFP.

Autocrate

Arrivé au pouvoir à la suite de la démission surprise de M. Nazarbaïev en mars 2019, M. Tokaïev a d’abord prôné la continuité avec son omnipotent prédécesseur et mentor, avant de rompre avec lui à la suite du sanglant mois de janvier.

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Le président Kassym-Jomart Tokaïev devrait sans surprise être réélu (AFP)

 

Si le carnage a, selon le politologue Andreï Tchebotarev, " placé le pays au bord de la guerre civile ", il a aussi servi de " catalyseur pour modifier les fondements de la société et de l’Etat ".

Pourtant pur produit du système Nazarbaïev, Tokaïev a évincé les proches de l’ancien président du pouvoir, et en a emprisonné d’autres.

Des réformes censées libéraliser le régime et assainir l’économie ont aussi été promises.

Selon le Fonds monétaire international, les tensions sociales, à l’origine des manifestations de janvier, pourraient cependant réapparaître en raison notamment des conséquences économiques mondiales de la guerre en Ukraine et alors que le Kazakhstan est très dépendant économiquement de la Russie.

" Nous plaçons de grands espoirs en Tokaïev et pensons qu’il se préoccupe plus du peuple que ne le faisait Nazarbaïev ", espère Janiya Nakizbekova, cheffe d’entreprise de 57 ans.

A l’international où il a assis son autorité, M. Tokaïev compte poursuivre son numéro d’équilibriste, naviguant entre la Russie, la Chine et l’Occident, et recevant nombre de dignitaires: le président chinois, des responsables occidentaux, le chef de l’Etat russe, le président turc ou encore le Pape.

Il a aussi critiqué l’invasion de l’Ukraine ordonnée par Vladimir Poutine, mais s’est gardé de se joindre aux sanctions américaines et européennes qui visent la Russie, principale partenaire économique du Kazakhstan.

Avec AFP