Avant leur séparation en vue de concertations avec leurs gouvernements respectifs, les négociateurs pour un retour à l’Accord de Vienne de 2015 sur le programme nucléaire iranien avaient déclaré la semaine dernière que les pourparlers entraient dans la " derrière ligne droite ". Pour les Européens, les Etats-Unis, l’Iran, ainsi que  la Russie et la Chine, l’heure est aux " décisions politiques " pour parvenir à un accord. C’est dans ce sens que Washington a pris vendredi une mesure en apparence technique, mais qui apparaît comme un geste positif notable en direction de Téhéran. 

Sans annonce officielle, le gouvernement de Joe Biden a rétabli des dérogations-clés qui protégeaient de la menace des sanctions américaines des pays et sociétés étrangers impliqués dans des projets nucléaires non militaires, mais qui avaient été annulées sous la présidence de Donald Trump. " Nous avons décidé de rétablir une dérogation aux sanctions pour permettre une participation externe " afin de garantir la " non-prolifération ", en raison des " inquiétudes croissantes " créées par le développement continu des activités nucléaires iraniennes, a confirmé vendredi un haut responsable américain interrogé par l’AFP. Cette décision doit aussi permettre de " faciliter " des " discussions techniques " qui sont " nécessaires dans les dernières semaines des pourparlers ", a-t-il ajouté, établissant un lien direct avec les négociations qui doivent reprendre dans les prochains jours avec Téhéran et les autres grandes puissances. " La dérogation elle-même serait essentielle pour assurer le respect rapide par l’Iran de ses engagements nucléaires " en cas de compromis à Vienne, où se tiennent les négociations, a-t-il ajouté. Mais même sans accord dans la capitale autrichienne, " ces discussions techniques contribueront tout de même à remplir nos objectifs de non-prolifération ", a-t-il assuré.

Pour autant, Washington assure qu’il " ne s’agit pas d’une concession à l’Iran " ni d’un " signal indiquant que nous sommes sur le point de parvenir à une entente " pour sauver l’accord de 2015 censé empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique.Donald Trump, qui avait retiré en 2018 les Etats-Unis de cet accord et rétabli l’essentiel des sanctions économiques américaines contre Téhéran dans le cadre d’une campagne de " pression maximale ", avait d’abord régulièrement prolongé ces dérogations en invoquant, lui aussi, la nécessité de " réduire les risques de prolifération ". Mais en mai 2020, alors qu’il ne parvenait pas à faire plier la République islamique pour obtenir un " meilleur accord ", son gouvernement avait fini par supprimer aussi ces dérogations. Les Européens avaient " profondément regretté " cette décision, estimant qu’elle supprimait des " garanties " sur la nature " pacifique " du programme iranien.

Les dérogations concernent notamment le réacteur de Téhéran destiné à la recherche, ainsi que le réacteur à eau lourde d’Arak, modifié sous le contrôle de la communauté internationale de manière à rendre impossible la production de plutonium à usage militaire.

En réponse aux sanctions américaines depuis 2018, les autorités iraniennes se sont progressivement affranchies des restrictions imposées par l’accord à leurs activités nucléaires, à tel point qu’elles ne sont plus aujourd’hui, selon les experts, qu’à quelques semaines de disposer de suffisamment de matière fissile pour fabriquer une arme atomique.

Le président Biden veut revenir dans l’accord de 2015 pour garantir que les activités iraniennes demeurent strictement civiles et pacifiques, à condition que l’Iran renoue aussi avec ses engagements.

Selon Barbara Slavin, spécialiste de l’Iran au cercle de réflexion Atlantic Council, le retour des dérogations est " une condition préalable au rétablissement de l’accord " et " donc un bon signal qu’il est possible d’y parvenir ".

Les négociations en cours depuis le printemps dernier à Vienne visent à trouver un compromis sur ce retour mutuel. Les pourparlers, coordonnés par l’Union européenne, se déroulent entre les Iraniens et les autres pays signataires de l’accord (Allemagne, Chine, France, Royaume-Uni et Russie), avec la participation seulement indirecte des Américains. Après des mois d’impasse, des progrès ont été réalisés ces dernières semaines.

Avec AFP