L’alternance politique en Corée du Sud promet de nouveaux développements dans les relations intercoréennes, alors que le nouveau président Yoon Suk-Yeol a promis d’adopter une ligne dure face à la Corée du Nord. Il s’est même dit prêt à lancer des frappes préventives contre Pyongyang, qualifiant l’approche sud-coréenne actuelle de " servile " ayant débouché sur un échec manifeste. Le dialogue entre les deux Corées est au point mort depuis 2019, malgré les efforts de l’ancien président Moon Jae-In pour relancer les négociations, avec l’intensification par Pyongyang de ses essais d’armes et les tirs réguliers de missiles balistiques nord-coréens vers le Sud. Les tensions sont montées récemment, l’armée sud-coréenne ayant tiré sur un patrouilleur nord-coréen à la suite de la saisie d’un navire provenant du même pays et de ses membres d’équipage.

Le prochain président sud-coréen semble préparer une stratégie radicalement différente de celle en cours à l’égard du Nord doté de la puissance nucléaire, selon les experts, en menaçant notamment de lancer une frappe préventive.

Pendant cinq ans, le gouvernement pacifiste de Moon Jae-In a appliqué une politique de dialogue avec Pyongyang, se faisant l’intermédiaire de Kim Jong Un et du président américain d’alors Donald Trump, tout en freinant ce que le Nord considère comme des " provocations " comme les exercices militaires conjoints avec les Etats-Unis.

Pour Yoon Suk-Yeol, vainqueur sur le fil jeudi de la présidentielle, cette approche " servile " a débouché sur un échec manifeste.

Le gouvernement sortant " s’est porté volontaire pour jouer les intermédiaires entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, mais a été abandonné par les deux à la fin ", a expliqué M. Yoon dans un message Facebook avant l’élection.

Pyongyang a mené une série record de neuf tirs de missiles depuis le début de l’année, dont des missiles hypersoniques et de moyenne portée.

Après le tir samedi de ce que le Nord prétend être un composant de satellite de reconnaissance samedi, et dans lequel Séoul voit un missile balistique déguisé, M. Yoon, 61 ans, a déclaré que le jeune Kim Jong Un devait être repris en main.

" Si vous m’en donnez l’occasion, je vais lui apprendre quelques manières ", a-t-il dit.

Lors de la campagne, il a qualifié Kim Jong Un de " garçon impoli " et a promis qu’une fois au pouvoir, il ferait en sorte que le dirigeant nord-coréen " sorte de ça ".

L’ancien procureur s’est même dit prêt à une frappe préventive contre la Corée du Nord " si nécessaire ", une option que les experts considèrent largement irréaliste. Malgré tout, M. Yoon a promis jeudi, dans ses premières expressions en tant que président élu, de " traiter sévèrement les actes illégaux et irrationnels du Nord ". " Sous M. Yoon, nous verrons probablement des efforts pour reprendre les relations intercoréennes à zéro ", a expliqué à l’AFP Soo Kim de RAND Corporation.

Au lieu du dialogue et de la négociation, M. Yoon adoptera une ligne plus dure, ayant déjà appelé à davantage d’exercices conjoints avec les États-Unis.

" Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela s’écarte de la priorité accordée par l’administration Moon à la négociation intercoréenne ", a ajouté Mme Soo.

" L’amour à sens unique " dont a fait preuve M. Moon va prendre fin, estime le professeur Park Won-gon de l’Ewha Womans University.

" M. Yoon va certainement vouloir inscrire la question de la dénucléarisation à l’agenda ", poursuit-il, en référence à la politique adoptée par les précédents gouvernements conservateurs en Corée du Sud et par les Etats-Unis. " Et il est très probable que la Corée du Nord dira non ", ajoute-t-il

Le futur président a suggéré l’achat de missiles américains supplémentaires THAAD pour contrer Pyongyang, malgré le risque de nouvelles représailles économiques de la part de la Chine, le principal partenaire commercial de Séoul.

" Séoul doit aussi repenser sa relation complexe avec Pékin ", a expliqué M. Yoon dans une déclaration de politique générale parue dans Foreign Affairs en février.

Le président sortant Moon Jae-In a rencontré quatre fois son homologue nord-coréen et a servi d’intermédiaire pour des négociations très médiatisées entre Pyongyang et Washington.

Mais les pourparlers ont échoué en 2019, laissant la diplomatie au point mort pendant que la Corée du Nord intensifiait ses essais d’armes et menaçait d’abandonner le moratoire qu’elle s’était imposé sur les essais de missiles à longue portée et d’armes nucléaires

Le futur président n’a pas écarté l’option du dialogue avec Pyongyang, mais les experts estiment que ses positions bellicistes réduisent considérablement la perspective d’un dialogue substantiel.

Pyongyang jugera qu’il n’y a " rien à gagner " dans des négociations avec un gouvernement sud-coréen sur une ligne dure, prédit Hong Min, chercheur à l’Institut coréen pour l’unification nationale.

Le maintien de fortes tensions dans la péninsule jouera en faveur de Pyongyang, a ajouté M. Hong, en lui permettant de maintenir son élan dans le programme de modernisation militaire voulu par Kim Jong Un.

" La Corée du Nord va accélérer le rythme de son développement nucléaire et de ses missiles et utiliser le gouvernement sud-coréen belliciste pour justifier ses actions ".

Avec AFP