L’élargissement de l’Otan en Europe de l’Est a été l’un des fers de lance de la justification de l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine. Bien présente, mais discrète, l’alliance transatlantique organise l’expédition des tonnes d’assistance militaire pro mise à l’armée ukrainienne. Ce ballet s’organise le long des États européens bordant la frontière ukrainienne, ligne rouge à ne pas franchir par Moscou. Sur l’une des pistes de décollage limitrophe de l’Ukraine en guerre, le chef d’état-major américain, le général Mark Milley, a inspecté vendredi ce site dont la localisation est gardée secrète pour des raisons de sécurité, et qui est géré par 22 pays, coordonnés par les États-Unis.

Les quelques journalistes accompagnant le plus haut gradé américain, qui n’ont pas pu prendre de photos, ont vu une centaine de lance-missiles antichars Javelin en cours de chargement à destination de la frontière. Les palettes de missiles simplement recouverts de cellophane étaient déplacées par des chariots élévateurs, manœuvrés par des hommes en civil. Sur la piste d’atterrissage, la soute d’un avion de transport américain C-17 de l’US Air Force venait de se refermer, sa livraison effectuée. Un deuxième C-17 était en train d’atterrir.

Les armes ne restent pas sur les lieux: elles sont immédiatement chargées sur des véhicules d’apparence neutre et expédiées par voie terrestre, expliquent les militaires. Les rotations aériennes peuvent aller jusqu’à 18 par jour. Sur ce nombre, seuls quatre ou cinq chargements sont américains.  Le ballet est coordonné par des soldats et des civils, principalement de pays membres de l’Otan, venus soutenir l’Ukraine dans son combat contre l’armée russe plus nombreuse et mieux équipée.  Outre les États-Unis, qui ont débloqué plus d’un milliard de dollars d’aide militaire à l’Ukraine sur l’année écoulée, de nombreux pays européens fournissent à Kiev des lance-roquettes antichars, mais aussi des missiles anti-aérien Stinger, des blindés, du carburant, des munitions, des fusils d’assaut, des rations de campagne, pour permettre à l’armée ukrainienne de résister. Les États-Unis ont déjà livré plus des deux tiers des armes promises fin février à l’Ukraine, qui en fait un usage " efficace " pour ralentir l’avancée des forces russes, a précisé vendredi une responsable du Pentagone.

Sentiment transatlantique

Alors que l’invasion russe inquiète profondément les pays d’Europe de l’Est qui ont rejoint l’Otan, les États-Unis avaient débuté dès début février le transfert de 3000 renforts supplémentaires pour les rassurer. Parmi eux, les soldats de la 82e division aéroportée, rendue célèbre pour ses campagnes lors de la Seconde Guerre mondiale, ont été envoyés depuis la Caroline du Nord jusqu’en Pologne. Ces derniers ont reçu la visite du général Milley dans le grand camp d’entraînement polonais de Nowa Deba, dans le sud-est du pays.

Pour renforcer l’interopérabilité des forces polonaises et américaines, les soldats des deux pays ont depuis deux semaines multiplié les exercices communs, comme celui présenté vendredi au chef d’état-major américain. Des blindés américains ont simulé une attaque que des soldats polonais à bord de chars de combat Leopard surgissant d’une forêt de bouleaux, épaulés par des blindés américains, ont repoussée.

Ces soldats sont là pour " renforcer l’idée que les États-Unis sont un membre à part entière (de l’Alliance atlantique, fondée en 1949) et que nous avons toute intention de remplir nos obligations selon l’article 5 de l’Otan ", a déclaré le chef d’état-major américain. Cet article prévoit une intervention des autres membres de l’alliance en cas d’attaque armée contre l’un d’entre eux.

Crise humanitaire

Le général Milley a ensuite visité le centre d’accueil mis en place peu avant l’invasion pour accueillir d’éventuels Américains fuyant les combats. Situé dans un centre de conférences de Rzeszow (sud), ce centre d’accueil, capable d’héberger temporairement jusqu’à 2.500 personnes, n’a pas encore été utilisé. Mais il pourrait accueillir des réfugiés si l’exode des Ukrainiens s’aggravait.

Dirigé par le général Chris Donahue, connu pour avoir été le dernier soldat américain à quitter l’aéroport de Kaboul fin août, le centre G2 Arena abrite aussi le quartier général provisoire de la 82e division en Pologne, ainsi qu’un centre opérationnel multinational. De là, les soldats surveillent le flot de réfugiés arrivant aux frontières polonaises et analysent la progression des combats en Ukraine, pour assurer autant que possible la sécurité des envois d’armement occidentaux vers l’armée ukrainienne.

Toutefois, la Russie ne tolère pas cette présence de l’Alliance. Pour preuve, le bombardement le 13 mars d’un complexe militaire ukrainien situé à seulement 20 kilomètres de la frontière polonaise, qui a fait au moins 35 morts et plus de 130 blessés. D’ailleurs, la marge de manœuvre de l’Otan reste limitée: de là son refus de créer une zone d’exclusion aérienne en Ukraine, principale revendication de Kiev, qui serait considéré comme un " acte de guerre ".

Avec AFP