Dépendante des armes russes, l’Inde a adopté une position réservée vis-à-vis de l’invasion de l’Ukraine, refusant de condamner la Russie aux Nations-Unies et n’imposant aucune sanction envers le Kremlin. En effet, entre 60% et 70% de l’armement indien serait d’origine russe, le pays dépense des milliards chaque année pour faire face à la menace chinoise et pakistanaise, une donne régionale qui n’a pas changé avec les évènements en Europe de l’Est. 

Les frontières que l’Inde protège avec de l’armement russe contre ses voisins pakistanais et chinois, expliquent, selon les experts, qu’elle paraisse " hésitante ", aux yeux du président américain Joe Biden, dans sa réponse à l’invasion de l’Ukraine.

Contrairement aux autres membres du " Quad " (Australie, Japon et États-Unis), l’Inde continue d’acheter du pétrole russe et a refusé de se joindre aux votes condamnant Moscou aux Nations unies.

New Delhi qualifie Moscou, " ami de longue date ", de " pilier essentiel " de la politique étrangère indienne en raison de son " partenariat stratégique " pour sa sécurité nationale.

L’Inde dépense des milliards de dollars chaque année pour l’achat et l’entretien d’armements russes déployés tout le long de ses frontières communes avec le Pakistan et la Chine.

En dépit de récentes importations d’armements en provenance des États-Unis, d’Israël, de France et d’Italie, entre 60% et 70% de l’arsenal militaire indien reste russe.

Selon un rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), 46% des importations indiennes provenaient de Russie entre 2017 et 2021.

La Russie " est toujours restée non-affectée par les pressions extérieures et nous a approvisionnés quand nous en avions besoin, sans manquement ", explique à l’AFP Nandan Unnikrishnan, de l’Observer Research Foundation, groupe de réflexion basé à New Delhi.

" La guerre en Ukraine ne change pas le contexte de notre voisinage, alors pourquoi devrions-nous envisager de remplacer notre fournisseur de confiance éprouvé de longue date et sans remplacement réaliste ? ", interroge l’expert.

Selon l’Institut international d’études de sécurité, l’Inde possède environ 3.500 chars de combat d’origine russe, fabriqués en Inde sous licence, et une flotte d’avions de chasse Sukhoi et MiG. Le seul porte-avions opérationnel de l’Inde est l’Amiral Gorshkov, un navire de l’ère soviétique remis à neuf. Quatre de ses dix destroyers sont d’origine russe, tout comme huit de ses quatorze sous-marins à propulsion non nucléaire.

L’Inde a également d’importantes commandes russes en cours, notamment un contrat de 5 milliards de dollars portant sur huit systèmes de défense antiaérienne S-400 longue portée, qu’elle a commencé à réceptionner l’an dernier, mais aussi sur quatre frégates et un sous-marin à propulsion nucléaire.

" Une telle dépendance rend très difficile pour l’Inde d’adopter une autre position vis-à-vis de la Russie ", souligne auprès de l’AFP Manoj Joshi, expert en politique internationale.

La fourniture d’armements implique d’évidence des engagements pour des décennies qu’exigent notamment la nécessité de révisions d’entretien et de maintenance périodiques et les remplacements de pièces, ajoute-t-il.

L’armement russe est en outre relativement bon marché. Et puis, les pays occidentaux sont eux beaucoup plus pointilleux que Moscou sur le transfert de technologies permettant la fabrication d’armes en Inde, notent aussi les experts.

L’Inde prévoit d’augmenter sa propre production d’armements, grâce notamment à une collaboration avec Kalachnikov pour la fabrication d’AK-203. Le groupe russe a annoncé l’an dernier avoir conclu un accord en vue de la fourniture de plus de 600.000 fusils d’assaut, qui seraient fabriqués sur place.

Les deux pays ont déjà co-produit le missile de croisière BrahMos. L’un d’eux, qui a été tiré " accidentellement ", selon New Delhi, a atterri au Pakistan ce mois-ci.

Avec AFP