Allant quémander le soutien de son allié, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rencontré son homologue chinois Wang Yi mercredi à Shanghai en marge de réunions portant sur l’Afghanistan.  Moscou cherche désespérément l’appui de Pékin après son enlisement dans l’invasion de l’Ukraine et alors qu’elle croule sous le poids des sanctions internationales. La Chine, elle, s’est empressé de ne pas condamner la Russie, tout en abondant de termes panégyriques envers son amitié et sa coopération avec Moscou, avec qui elle partage l’aversion pour les Etats-Unis et les autres pays démocratiques. Surtout quand celles-ci " s’immiscent " dans " ses affaires intérieures ". Des affaires qui peuvent porter sur des génocides, répression politique, actes de tortures, etc.

Tout ça n’a rien de nouveau. Mais, que l’émule de Voltaire, l’héritier de Rousseau, l’enfant des Lumières, on parle ici de Lavrov, annonce un monde nouveau " plus juste et plus démocratique "… Il y a de quoi observer une minute de silence non sollicitée.  Pour une personne normale jouissant de toutes ses capacités intellectuelles, le discours de Lavrov peine à passer alors que le ministre représente un pays qui vient d’attaquer un autre pays souverain. Une invasion qui a mal tourné, pour le moment il faut bien le dire, et qui a provoqué des milliers de victimes et des millions de réfugiés, sans parler des destructions qui se chiffrent en milliards.  Inutile d’essayer de se mettre à la place de M. Lavrov pour sonder le fond du personnage. Il convient plutôt de s’adonner à quelques lectures sur l’histoire soviétique pour tenter de percer ce mystère. Les auteurs ne manquent pas, Soljenitsyne, Sakharov, Boukovski, ou Havel sont largement préconisés dans ce cas.

Un ordre mondial " plus juste ". Cinq semaines après l’invasion de l’Ukraine, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a obtenu mercredi auprès de son allié chinois une réaffirmation de l’amitié " sans limite " des deux pays face aux Etats-Unis.

Face à la résistance ukrainienne et à l’unité des démocraties occidentales, qui ont pris des sanctions sans précédent contre elle, la Russie ne peut compter que sur la puissance chinoise pour échapper à un isolement économique total.

Dans ce contexte, Sergueï Lavrov a profité d’un entretien bilatéral dans l’Est de la Chine avec son homologue Wang Yi pour annoncer l’avènement du nouvel ordre mondial rêvé par les deux pays.  " Nous vivons une étape très sérieuse dans l’histoire des relations internationales ", a-t-il déclaré, dans une vidéo de l’entretien diffusée par Moscou.

" Je suis convaincu qu’à l’issue de cette étape, la situation internationale sera nettement plus claire et que nous (…) nous dirigerons vers un ordre mondial multipolaire, juste, démocratique ", a-t-il lancé à son hôte.  " Les relations sino-russes ont bien résisté à l’épreuve du changement de la situation internationale ", lui a répondu ce dernier, selon des propos rapportés par son ministère.

Dans un communiqué publié par Moscou, les deux pays ont annoncé vouloir " poursuivre l’approfondissement de la coordination en politique étrangère " et " élargir l’action commune ", mais sans annoncer de mesures concrètes de soutien de la Chine à la Russie.

Anti-Occident

Les puissances occidentales ont mis en garde Pékin contre tout soutien au régime du président russe Vladimir Poutine qui permettrait à Moscou d’atténuer l’impact des sanctions.  Les entreprises chinoises font preuve de prudence dans leurs échanges avec la Russie, de peur d’être frappées par ricochet par ces sanctions.

M. Lavrov a donc dû se contenter d’une réaffirmation du caractère illimité de l’amitié entre les deux pays face au rival américain commun.  " Notre opposition à l’hégémonie est sans limite ", a assuré un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin, interrogé sur la visite du ministre russe.

Depuis le 24 février, Pékin s’est refusé de condamner l’invasion de l’Ukraine.  Début mars, Wang Yi avait même salué une amitié " solide comme un roc " avec Moscou et défendu les préoccupations " raisonnables " de la Russie pour sa sécurité.

Quelques semaines avant la guerre, Vladimir Poutine avait lui-même été chaleureusement reçu par son homologue chinois Xi Jinping à Pékin. Les deux pays avaient déjà célébré une amitié " sans limites " et dénoncé " l’extension " de l’Otan.

Réunions sur l’Afghanistan

Sergueï Lavrov doit participer en Chine à deux jours de réunions sur l’Afghanistan, durant lesquelles il devrait côtoyer un diplomate américain.  Pékin et Moscou ont vu dans le départ des forces américaines de Kaboul une preuve de l’affaiblissement de l’Amérique.

La réunion, organisée à Tunxi, dans la grande région de Shanghai, rassemble sept pays voisins de l’Afghanistan. Le chef de la diplomatie des talibans au pouvoir à Kaboul, Amir Khan Muttaqi, est également attendu, selon l’agence Chine nouvelle.

Parallèlement, doit se tenir une réunion d’un " mécanisme de consultation " sur l’Afghanistan, avec la participation de diplomates de Chine, de Russie, du Pakistan, mais aussi des Etats-Unis.  Selon un porte-parole du département d’Etat américain, le représentant spécial de Washington pour l’Afghanistan, Tom West, doit assister à la réunion.

Ces réunions surviennent une semaine après une visite de Wang Yi à Kaboul, pour la première fois depuis l’arrivée au pouvoir des fondamentalistes islamistes en août dernier.

La Chine partage une petite frontière de 76 km à très haute altitude avec l’Afghanistan.  Pékin craint depuis longtemps que son voisin ne devienne une base de repli pour les séparatistes et islamistes de l’ethnie ouïghoure, majoritaire dans sa vaste région du Xinjiang, nom chinois du Turkestan oriental.

Avec AFP