Au moins 52 personnes, dont cinq enfants, ont été tuées dans une frappe de missile vendredi sur la gare de Kramatorsk, dans l’est de l’Ukraine, tandis que de hauts responsables européens se rendaient à Boutcha, ville symbole des atrocités dont est accusée la Russie.Un " mal sans limites " selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, une " horrible atrocité " commise par Moscou pour le président américain Joe Biden, un " crime contre l’humanité " selon la diplomatie française : le massacre de Kramatorsk a suscité une vague de condamnations occidentales, mais Moscou a nié toute responsabilité. "Au moins 52 personnes sont mortes, dont cinq enfants ", a écrit sur la messagerie Telegram le gouverneur régional Pavlo Kyrylenko.Le missile s’est abattu à l’heure où les candidats à l’évacuation se regroupent depuis des jours par centaines dans la gare de la ville pour fuir le Donbass, désormais objectif prioritaire de l’armée russe.

Les trottoirs étaient maculés de sang, valises abandonnées, peluches et nourriture jonchaient les quais.

Sur le parvis, les restes d’un missile étaient toujours visibles : on pouvait y lire en russe " Pour nos enfants ". Une expression récurrente des séparatistes prorusses en référence à leurs enfants tués depuis la première guerre du Donbass, commencée en 2014.

Dans la gare, une femme, traumatisée, cherchait son passeport dans les affaires abandonnées. " J’ai entendu comme une double explosion, je me suis précipitée contre le mur pour me protéger. J’ai alors vu des gens en sang entrer dans la gare, des corps partout par terre, j’ignore s’ils étaient blessés ou morts. Les militaires se sont précipités pour nous dire d’évacuer la gare, j’ai tout laissé ici ".

 

 

 

 

 

Le président Zelensky a dénoncé des méthodes " inhumaines " de la Russie.  " Sans la force et le courage de nous affronter sur le champ de bataille, ils annihilent cyniquement la population civile. C’est un mal qui n’a pas de limite. Et s’il n’est pas puni, il ne s’arrêtera jamais ", a-t-il écrit sur Telegram.Cette attaque sanglante sur la " capitale " de la partie du Donbass encore sous contrôle ukrainien est une " nouvelle horrible atrocité commise par la Russie ", a réagi dans un tweet Joe Biden.Une " attaque méprisable " selon la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, arrivée en Ukraine pour une visite de soutien, accompagnée du chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell.

 

 

 

 

 

" La Russie va sombrer dans la décomposition "

Tous deux sont allés en fin d’après-midi à Boutcha, près de Kiev, où des dizaines de cadavres portant des vêtements de civils, certains les mains liées dans le dos, ont été découverts début avril après le départ des forces russes, suscitant une vague d’indignation.

" La Russie va sombrer dans la décomposition économique, financière et technologique, tandis que l’Ukraine marche vers un avenir européen ", a ensuite déclaré Mme von der Leyen à Kiev, lors d’une conférence de presse commune avec M. Zelensky. " Je suis profondément convaincue que l’Ukraine va gagner cette guerre, que la démocratie va gagner cette guerre ", a-t-elle ajouté.

" Nous partageons les mêmes valeurs et c’est pour elles que nous nous battons ", lui a répondu le président ukrainien.

Le chancelier autrichien, Karl Nehammer, doit se rendre également à Boutcha, samedi, ainsi qu’à Kiev.

Le chef d’Etat français Emmanuel Macron avait auparavant lui aussi dénoncé le bombardement de Kramatorsk comme " abominable ", son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian parlant même d’un " crime contre l’humanité ".

Plus généralement, M. Macron a ajouté ensuite que la France était en train de " rassembler les preuves " contre " des crimes de guerre des Russes " en Ukraine. " Nous avons envoyé des gendarmes et des magistrats en coopération pour aider (…) à récolter des preuves de la culpabilité de soldats russes et l’identité de ces soldats russes ", a-t-il ajouté.

Moscou accuse de Kiev de " provocations "
Concernant Kramatorsk, Moscou avait immédiatement démenti être responsable de la frappe, affirmant ne pas disposer du type de missile utilisé et dénonçant une " provocation " ukrainienne. "Les forces armées ukrainiennes ont commis le 8 avril un nouveau crime de guerre, en frappant avec un missile tactique Totchka-U ", a réagi le ministère russe des Affaires étrangères, tandis que celui de la Défense a accusé Kiev d’avoir " orchestré " la frappe pour " empêcher le départ de la population de la ville afin de pouvoir l’utiliser comme bouclier humain ".Moscou dénonce régulièrement des " provocations " ukrainiennes pour se défendre des accusations d’exactions et de crimes de guerre, comme à Boutcha.

Le ministère russe de la Défense avait annoncé plus tôt vendredi que l’armée russe avait détruit avec des missiles de haute précision " des armements et d’autres équipements militaires dans les gares de Pokrovsk, Sloviansk et Barvinkove ", des localités situées non loin de Kramatorsk.

Avant le 9 mai

Après avoir retiré ses troupes de la région de Kiev et du nord de l’Ukraine, la Russie a fait de la conquête totale du Donbass, dont une partie est contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses, sa priorité.

De nombreux observateurs estiment que le président russe Vladimir Poutine veut atteindre cet objectif avant le défilé militaire du 9 mai marquant la fin de la Deuxième Guerre mondiale, célébration la plus importante en Russie.

Moscou multiplie donc les attaques dans le sud et l’est de l’Ukraine, les autorités locales s’efforçant, quant à elles, de faire partir les civils.

Les évacuations en train, interrompues en raison de la destruction d’une partie de la voie ferrée, avaient repris dans la nuit de jeudi à vendredi, selon le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, qui encourageait depuis plusieurs jours ses habitants à partir pour ne pas " se condamner à la mort ".

Menacée à son tour de frappes, le grand port d’Odessa, dans le sud sur la mer Noire, va connaître un couvre-feu de samedi soir à lundi matin, ont annoncé les autorités locales.

 

 

 

 

 

L’Onu veut publier un bilan plus réaliste du nombre des victimes

Les Nations unies souhaitent publier un chiffre plus réaliste du nombre de victimes civiles en Ukraine, a indiqué cette semaine un responsable de l’organisation à l’ONG spécialisée Airwars.

Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme publie quotidiennement un bilan humain du conflit. Il évoquait vendredi au moins 1.626 civils tués dont 132 enfants. Mais de l’aveu même de l’ONU, il fait peu de doutes que les bilans réels sont très supérieurs.

Lorsque l’ONU est chargée d’établir un bilan humain, elle doit pouvoir mener dans l’idéal une enquête très poussée sur chaque civil qui pourrait avoir été tué, pour établir le lieu et la date où cela s’est produit, le nom, l’âge et le genre. Les Nations unies cherchent également à déterminer quelle partie au conflit contrôlait la zone, l’arme utilisée et les circonstances du décès.

Mais dans le contexte actuel en Ukraine, " nous ne pouvons pas approfondir chaque incident " étant donné l’énorme quantité de matériel que l’ONU doit traiter en peu de temps, a indiqué Uladzimir Shcherbau, en charge du dossier.

Il indique par ailleurs que l’ONU n’a pas encore publié de bilan concernant les zones qui étaient sous contrôle des forces armées russes – comme les régions de Kharkiv, Tchernihiv ou Kherson. " Mais nous allons également publier ces chiffres assez rapidement ".

 

 

 

 

 

Près de 700 personnes tuées à Tcherniguiv

Près de 700 personnes ont été tuées dans des bombardements à Tcherniguiv, centre régional dans le nord de l’Ukraine, près de la frontière bélarusse qui a été pilonné pendant des semaines par les troupes russes, a indiqué vendredi son maire.

Selon lui, 80.000 à 95.000 personnes vivent toujours dans cette ville située à environ 150 kilomètres de Kiev, la capitale, et qui comptait presque 300.000 personnes avant le début de l’invasion russe fin février.

Un premier grand convoi d’aide humanitaire est arrivé jeudi à Tcherniguiv depuis le retrait des troupes russes de cette région la semaine passée, a indiqué dans la matinée le gouverneur régional.

Il a appelé les habitants de la région à rester vigilants face au risque de nouveaux bombardements russes.

 

 

 

 

L’Ukraine " n’a pas le temps d’attendre les armes "

L’Ukraine ne peut pas attendre davantage de nouvelles armes occidentales et a besoin de sanctions " puissantes " contre la Russie dignes des " cocktails Molotov " popularisés par la résistance finlandaise en 1939-40, a plaidé vendredi son président Volodymyr Zelensky devant le Parlement finlandais.

Le chef de l’Etat ukrainien a critiqué " ceux qui nous font attendre, attendre les choses dont nous avons profondément besoin, attendre pour les moyens de défendre nos vies ", alors que Kiev réclame plus d’armes puissantes et des sanctions économiques plus fortes de l’Occident.

Le dirigeant a appelé l’Europe à prendre un " cocktail Molotov " de sanctions contre la Russie, en allusion au nom des bombes incendiaires popularisées par les Finlandais lors de leur guerre contre l’Union soviétique durant la Seconde guerre mondiale.

Le nom des bouteilles enflammées avait été choisi par les combattants finlandais pour dénigrer le ministre soviétique des Affaires étrangères Viatcheslav Molotov, architecte du funeste pacte de non-agression entre l’Allemagne nazie et l’URSS.

Incidents troublants en Finlande

Volodymyr Zelensky a multiplié les références à la guerre d’Hiver (1939-1940) lors de laquelle la Finlande avait opposé une résistance acharnée à l’invasion soviétique, qui vaut de nombreux parallèles avec l’actuelle guerre en Ukraine.

Son discours devant les députés finlandais a coïncidé avec des incidents troublants.  Vendredi matin, un avion gouvernemental russe, un IL-96-300, a violé durant trois minutes l’espace aérien finlandais au large de la côte sud du pays.

Les sites internet des ministères de la Défense et des Affaires étrangères sont également devenus indisponibles peu avant son intervention.

La Finlande, qui a une frontière de plus de 1.300 kilomètres avec la Russie, envisage de rejoindre l’Otan après l’invasion de l’Ukraine et une décision est attendue prochainement.

Le Royaume-Uni a annoncé vendredi l’envoi de missiles antichars et antiaériens supplémentaires. Et la Slovaquie " fait don " à Kiev de systèmes de défense antiaérienne S-300, de conception soviétique.

Le rouble sous perfusion
A la suite des révélations sur les exactions en Ukraine, la Russie avait été suspendue jeudi par un vote du Conseil des droits de l’homme de l’ONU et a été la cible de nouvelles sanctions économiques occidentales, qui n’empêchent cependant pas le rouble, la monnaie russe, d’avoir retrouvé de la vigueur depuis un mois.Effet de cette bonne tenue, la Banque centrale russe a même annoncé vendredi qu’elle ré-autorisait à partir du 18 avril la vente de devises étrangères, suspendue début mars.

Les filles de Poutine et de Lavrov

Le Royaume-Uni a lui décidé de sanctionner les deux filles du président Poutine et celle du chef de la diplomatie Sergueï Lavrov, disant vouloir s’en prendre au " train de vie fastueux du cercle rapproché du Kremlin ". L’UE a également sanctionné les deux filles du chef du Kremlin, désormais inscrites sur sa liste noire.

 

 

 

 

L’UE a déjà gelé 30 milliards d’euros d’avoirs russes

Les pays de l’UE ont déjà gelé au moins 29,5 milliards d’euros d’avoirs russes et bélarusses dans le cadre des sanctions adoptées contre la guerre menée en Ukraine, selon un décompte encore partiel annoncé vendredi par la Commission européenne.

Ces actifs incluent des bateaux, des hélicoptères, des biens immobiliers, des oeuvres d’art pour près de 6,7 milliards d’euros.

L’UE a approuvé vendredi un cinquième paquet de sanctions contre Moscou, prévoyant un embargo sur le charbon russe et la fermeture des ports européens aux navires russes. C’est la toute première fois que les Européens frappent le secteur énergétique russe, dont ils sont très dépendants.

Ce paquet élargit encore la liste noire frappant au porte-monnaie des centaines d’oligarques et responsables politiques de Russie, du Bélarus et des républiques séparatistes pro-russes de Lougansk et de Donetsk.

Les personnes et entités sur cette liste sont soumises à une interdiction d’entrée dans l’UE et à un gel de leurs avoirs.

Moscou ferme les bureaux locaux d’Amnesty et de HRW

La Russie a annoncé vendredi la fermeture des bureaux locaux de plusieurs ONG réputées de défense des droits humains, parmi lesquelles Amnesty International et Human Rights Watch.

Parmi les autres ONG exclues de ce registre –15 au total — figurent la Fondation Carnegie pour la paix internationale (Etats-Unis), la Fondation Friedrich Naumann pour la liberté (Allemagne) et la Fondation Friedrich Ebert (Allemagne).

Human Rights Watch, implantée en Russie depuis 30 ans, a également assuré qu’elle allait poursuivre son travail dans le pays.

Risque de crise alimentaire mondiale

Les répercussions indirectes du conflit se font par ailleurs toujours sentir dans le monde.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a ainsi souligné vendredi que les prix mondiaux des denrées alimentaires avaient atteint en mars leurs " plus hauts niveaux jamais enregistrés ", la guerre en Ukraine bouleversant les marchés des céréales et des huiles végétales.

Une annonce qui fait craindre une crise alimentaire mondiale et de possibles troubles socio-politiques qui pourraient en découler dans certains pays.

 

 

 

Avec AFP

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !