En Allemagne, des rassemblements prorusses controversés et la commémoration de la libération par les troupes soviétiques du camp de concentration de Buchenwald ont vu l’agora être investie par plusieurs initiatives de l’importante communauté russophone du pays. Elle s’estime victime de discriminations depuis l’invasion de l’Ukraine par les troupes de Moscou, alors que les autorités allemandes ne souhaitent pas voir la guerre d’Ukraine être importée dans le débat public .
" Contre la haine et le harcèlement "
Ne pas importer le conflit
Les autorités allemandes craignent une importation du conflit russo-ukrainien sur le territoire de l’Allemagne. L’Allemagne compte 1,2 million de personnes originaires, elles ou leurs familles, de Russie et 325.000 d’Ukraine, auxquelles s’ajoute l’arrivée depuis un mois de plus de 316.000 réfugiés ukrainiens. La multiplication de manifestations dénonçant la " russophobie " qui aurait gagné l’Allemagne a provoqué un vif débat dans le pays, car les autorités y voient un danger d’instrumentalisation et de propagande pour les thèses défendues par Moscou dans la guerre. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, la police a répertorié 383 délits anti-russes et 181 délits anti-ukrainiens.
Les autorités de sécurité " surveillent de près dans quelle mesure les citoyens russes, mais aussi ukrainiens, sont en danger en Allemagne ", a déclaré la ministre allemande de l’Intérieur Nancy Faeser. Ajoutant: " nous devons veiller très attentivement à ce que cette guerre ne soit pas importée dans notre société ". Une hypothèse dont doute le chercheur Tobias Rupprecht de l’Université libre de Berlin: " la plupart des Russes ici ont une image beaucoup plus critique du conflit, ils ont tendance à être beaucoup plus occidentaux que les Russes en Russie ". Toutefois, " plus la guerre dure, plus le risque est grand de voir un nombre plus élevé de délits commis dans ce contexte en Allemagne ", redoute M. Töpfer.
Entre actes anti-russes et propagande
De magasins russes barbouillés de peinture aux injures dans la rue, les agressions envers la communauté russe en Allemagne se multiplient depuis l’invasion de l’Ukraine, faisant redouter aux autorités une importation du conflit sur leur territoire. Pour s’y opposer, des manifestations sous forme de cortège de voitures " contre la russophobie " arborant des drapeaux russes s’organisent dans le pays, qui abrite la plus importante diaspora de l’Union européenne. Mais elles créent la polémique pour leur manque de distanciation face à l’agression militaire russe.
" Cortèges de la honte "
A Berlin, le quotidien Bild a parlé de " cortèges de la honte ". Dimanche il accusait les participants aux nouvelles manifestations d’être des " fans de Poutine " qui " nient les crimes de guerre ". " Pour l’amour du ciel, comment avez-vous pu autoriser ce cortège de voitures de la honte en plein Berlin? ", s’est offusqué en s’adressant à la maire de Berlin, Franziska Giffey, l’ambassadeur d’Ukraine en Allemagne Andrij Melnyk. Elle lui a répondu " comprendre " sa colère mais indiqué qu’elle ne pouvait pas interdire une manifestation où étaient brandis " des drapeaux russes ".
Quelque 2.500 contre-manifestants à Francfort et 3.500 à Hanovre ont exprimé leur soutien à l’Ukraine, selon la police. Des organisations russes ont aussi condamné les défilés. " Nous ne tolérerons pas que les quelques cas de discrimination soient utilisés comme couverture pour des événements propagandistes pro-Poutine ", a prévenu la communauté d’intérêts des Allemands de Russie en Hesse (IDRH).
Avec AFP