Dans le contexte du retrait annoncé de l’armée française du Mali, après neuf années d’Opération Barkhane, la guerre de l’information a débuté: l’armée malienne a indiqué avoir découvert " des dépouilles en état de putréfaction avancée " près de la base de Gossi, dans le nord du Mali. Seulement voilà, l’armée française a filmé ce qu’elle affirme être des mercenaires russes du groupe Wagner en train d’enterrer des corps dans le but, selon elle, d’accuser les Français d’avoir laissé un charnier derrière eux.

" Attaque informationnelle "

Dans une vidéo prise par drone à laquelle l’AFP a eu accès, et que l’état-major français qualifie d' "attaque informationnelle ", on peut voir des soldats s’affairer autour de cadavres qu’ils recouvrent de sable. Dans une autre séquence, on voit deux de ces militaires filmer les corps à moitié ensevelis.

L’état-major assure qu’il s’agit de soldats blancs qu’il a identifiés sur des vidéos et des photos prises à d’autres endroits. Certaines photos montrent par ailleurs des véhicules sortir d’une base dont la structure et l’environnement correspondent à l’emprise de Gossi, où une équipe de l’AFP s’est déjà rendue à deux reprises.

Cette séquence intervient quelques jours après le départ des militaires français de ce camp, dans le cadre du désengagement français du Mali, annoncé en février. Les clés de cette emprise qui accueillait 300 soldats français ont été remises mardi aux forces armées maliennes (FAMa).

Manœuvre structurée

L’état-major malien a annoncé, de son côté, avoir découvert " un charnier, non loin du camp anciennement occupé par la force française Barkhane ", du nom de l’opération française anti-djihadiste au Sahel.

" L’état de putréfaction avancée des corps indique que ce charnier existait bien avant la rétrocession. Par conséquent, la responsabilité de cet acte ne saurait nullement être imputée aux FAMa ", a-t-il indiqué dans un communiqué. Le ministère de la Défense a été " saisi pour l’ouverture d’une enquête en vue d’établir toute la lumière sur ledit charnier ".

Au départ de l’affaire, des images diffusées jeudi sur le compte Twitter d’un dénommé Dia Diarra, qui se proclame " ancien militaire " et " patriote malien ". Ce compte a été créé en janvier 2022, a constaté l’AFP. " On assiste à une manoeuvre informationnelle structurée ", reposant sur la " montée en gamme d’un premier tweet ", a commenté vendredi le porte-parole de l’état-major français, le colonel Pascal Ianni.

L’implication du groupe Wagner ?

Le compte de Dia Diarra " est très probablement un faux compte créé par Wagner ", la société militaire privée russe, a estimé l’état-major français. " Cette manœuvre de décrédibilisation de la force Barkhane semble coordonnée. Elle est représentative des multiples attaques informationnelles dont les militaires français font l’objet depuis de nombreux mois ".

Selon l’armée française, " la comparaison des photos publiées sur Twitter et des images recueillies par le capteur spécialisé permet de faire un lien direct entre ce que font les mercenaires de Wagner et ce qui est faussement attribué aux militaires français ".

Selon elle, ces " exactions témoignent des modes d’action mis en œuvre par les mercenaires de Wagner, qui sont observés en Centrafrique depuis (son) déploiement et qui ont été dénoncés par de nombreuses organisations internationales et ONG ".

Paris a décidé en février son retrait militaire du Mali, dans un contexte sécuritaire dégradé et sur fond de tensions entre la France et la junte militaire au pouvoir, accusée par les Occidentaux d’avoir recours aux services du groupe Wagner. Bamako évoque pour sa part de simples conseillers russes.

Avec AFP