La Coupe d’Allemagne s’offre mardi en quart de finale un choc entre deux clubs cultes, l’Union Berlin et St Pauli (21h45, Beyrouth), où passion sportive et vision politique se mêlent pour refuser un football vendu aux puissances d’argent.

Le défi oppose deux formations en pleine confiance: St Pauli joue les premiers rôles en deuxième division, et s’est payé le luxe d’éliminer Dortmund au tour précédent (2-1).

L’Union réalise sa meilleure saison depuis son accession en Bundesliga en 2019, et occupe actuellement la septième place à trois points seulement du Top 4, qualificatif pour la Ligue des champions.

C’est pourtant avant tout par le profil de leurs supporters que les deux clubs se ressemblent. Socialement engagés, en pointe dans la défense des droits des minorités, nostalgiques d’un football à l’ancienne où l’argent ne faisait pas forcément le bonheur, mais aussi rebelles et parfois indisciplinés, les fans de l’Union et de St Pauli cultivent des valeurs décalées dans le football moderne.

L’antre de St Pauli est le mythique stade de la Millerntor, à deux pas de la Reeperbahn, l’artère palpitante du " quartier rouge " de Hambourg, où sex-shops et maisons de prostitution ont pignon sur rue.

 

" Pas de vin pour les fascistes "

Au sommet de la grande tribune, les trois drapeaux noir des pirates, arc-en-ciel des LGBT et brun et blanc de l’équipe claquent toute l’année au vent de la Mer du nord. Dans le bar des supporters sous la tribune, un slogan s’affiche sur les verres: " Pas de vin pour les fascistes ".

" Pour moi, la politique joue un rôle très important dans ma passion pour le FC St Pauli ", assure Michael Pahl, membre de la direction du club. " Les fans de Sankt Pauli ont été les précurseurs d’une nouvelle culture des supporters en Allemagne" , dit-il avec fierté.

La renommée du FCSP dépasse largement ses exploits sportifs. En 2020, il comptait plus de 400 groupes enregistrés de supporters, dont certains au Canada, à Liverpool, Glasgow, Manchester, Barcelone, New-York et même Jakarta.

A Hambourg, les fans sont actifs dans plusieurs actions sociales ou humanitaires. Ils sont notamment à l’origine de la fondation du FC Lampedusa, un club de réfugiés nommé d’après l’île italienne où tentent de débarquer nombre de migrants d’Afrique.

Mais mardi, c’est dans le pittoresque stade de l’Union Berlin, la Alte Försterei (Vieille maison forestière) qu’aura lieu le duel. Petit écrin de 22.000 places, il est connu pour son ambiance fabuleuse de chaudron.

Seul club de l’ex-RDA en première division allemande, l’Union a hérité son esprit rebelle des temps difficiles du régime communiste et du Mur de Berlin. Il était alors le Petit Poucet face à l’ogre du Dynamo Berlin, le bras sportif de la Stasi, la redoutable police secrète est-allemande.

 

" M…, on monte! "

Après la réunification allemande, le club s’est trouvé confronté à de graves soucis financiers. Ses fans, une nouvelle fois, ont pris l’initiative: en 2004, pour aider à combler des dettes, ils ont littéralement versé leur sang pour rembourser. En allant faire des dons dans les centres de transfusion et en reversant au club leurs dédommagements.

Quelques années plus tard, en 2008, ils se sont de nouveau mobilisés pour aider à reconstruire le stade. 2.500 personnes ont offert au total 140.000 heures de travail pour faire avancer le chantier.

Lors de l’accession en première division, certains fans avaient redouté d’y perdre un peu de leur âme. " M…, on monte! ", proclamait alors avec ironie une pancarte brandie dans le stade, pour rappeler que les valeurs conviviales étaient plus importantes à l’Union que le succès sportif pur.

L’Union a déjà joué une finale de coupe en 2001, perdue contre Schalke (2-0). St Pauli n’a jamais fait mieux qu’une demi-finale, contre le Bayern en 2006.