Ils sont loin de former un cercle, poètes à leurs heures perdues, mais sont surtout disparus. Ces messieurs appartiennent à une génération immature qui ne veut absolument pas vieillir, se nourrissent, à l’instar des vampires, de la chair fraîche de jeunes filles en fleurs, qu’un simple poème mettrait en émoi. Histoire de conclure un coït qui leur donnera l’illusion de toute-puissance qu’ils ont l’intention de maintenir, il y va d’ailleurs de leur réputation!
Ces septuagénaires draguent à bout portant, servant à chacune de leurs proies le discours qui lui plaira: courtois et chevaleresque lorsque la belle est romantique; libidineux, limite obscène lorsque la partie de jambes en l’air s’annonce avec des sous-titres en arabe; sado-maso lorsque l’échange se passe en dessous de la ceinture, entre organes génitaux à fouetter… histoire de doper leur libido (défaillante)? À les écouter raconter la panoplie de leurs ébats, le temps n’aurait pas altéré leur fougue (sexuelle s’entend).
Ils bassinent la gent féminine d’histoires à dormir debout résultant d’une étude comparative pratiquée in vivo auprès des femelles de différentes strates de la société. D’après eux, certaines se seraient senties "bénies" d’avoir eu pour partenaires ces étalons qui, juste après le droit de cuissage, les "upgradaient" de la classe économie à la classe affaires. Oui, comme dans les avions, après tout il s’agit bel et bien de s’envoyer en l’air…
Ce qui est désolant, c’est de voir ces bien-pensants, pourtant dotés d’une matière grise conséquente, se retrouver à ce point esclaves de leurs pulsions.
À croire que leur cerveau est placé bien plus bas que celui des plus communs des homos sapiens.
Après avoir fait une cour assidue à celles qui sont dans leur collimateur, à coup d’échanges de messages calibrés à la mesure des attentes des "élues", étayant leurs propos de rencontres dans des cafés à l’abri des regards (il faut ménager l’épouse, la maîtresse et les conquêtes en devenir), voilà qu’ils les font très vite déchanter en déployant la triste panoplie de leur face cachée: celle de sombres individus imbus de leur personne.
Colériques, instables et anguleux, ils entendent mener la barque eux-mêmes. Ils s’imposent dans la vie de leurs conquêtes quand bon leur semble, tenant leurs victimes scotchées à leur messagerie, pour ensuite disparaître lorsqu’une urgence sulfureuse pointe à l’horizon; généralement une nuit en week-end, passée dans la capitale en pleine canicule, mais qu’importe un thermomètre  au zénith lorsque les porte-jarretelles font office de courant d’air…
Comble du comble, arrive un moment où ils demandent crûment d’évaluer la " marchandise " avant de s’aventurer plus loin, un peu comme pour les pastèques (3al sekkine ya battikh!). Ce passage au scanner sera l’apanage des conquêtes pudiques friandes de robes amples qui ne mettent pas leurs formes en valeur.
Les voilà tenues de prouver qu’elles ont de quoi remplir la main d’un honnête homme, alors que leurs bonnets 85C ont déjà remporté tant de trophées qu’elles n’ont plus rien à prouver. Histoire de jouer le jeu avant d’inverser les rôles, elles leur balancent des photos d’elles en maillot de bain, afin qu’ils se rincent l’oeil. Fortes d’avoir repris le dessus sur l’avenir de cette pseudo romance étouffée dans l’oeuf, elles leur signifient que leurs atours ne passeront pas par leurs détours tactiles, à l’instar du french kiss apposé furtivement sur leurs lèvres, qui les a laissées de marbre…
Pour finir,mille excuses à Baudelaire pour avoir travesti ses mots, mais pour rendre justice aux chromosomées XX, tout est permis:

À des passants
Le soleil rayonnant autour d’elles les aveuglaient.
Petits, minces, au grand œil, couleur rieuse,
Des hommes passèrent, d’une main hasardeuse
Soulevant, à tout vent, festons et ourlets;
Habiles et roublards, lorsqu’il s’agit de prendre leur pied.
Elles, elles regardaient, calmes comme une eau dormante,
Dans leurs yeux, ciel vif où s’égarent les boussoles,
La vindicte qui pactise avec la suffisance qui tue.
Un rayon… puis le jour ! – Fugitifs égarés
Dont le baiser les a fait soudainement détaler,
Elles ne les reverront plus dans aucun café!
Ni ailleurs, ni près d’ici! Il est trop tard ! Jamais!
Car ils savent ce qu’ils font, elles savent ceux qu’elles fuient,
Ô eux qui mentent comme ils respirent, Ô elles qui l’ont (si) vite deviné!"