Leos Carax débute sa carrière cinématographique en tant que critique et réalisateur de courts métrages. Il impose son esthétique audacieuse avec son premier long métrage, Boy Meets Girl, en 1984, puis avec Mauvais sang en compétition à la Berlinale, dans lequel il continue d’explorer les difficultés d’aimer dans le monde contemporain. En 1991, Les Amants du Pont Neuf est un véritable succès critique. Le film qui suit, Pola X, adapté du roman de Melville – Pierre où les ambiguïtés – marque son entrée dans un type de cinéma de plus en plus expérimental. Holy Motors signé Leos Carax, fait sensation au Festival de Cannes en 2012. Il réalise Annette, qui remporte, entre autres, le Prix de la Mise en Scène à Cannes vu qu’il  jongle entre théâtre, opéra et cinéma. Découpages, obliques, jeux de lumière et notes déchaînées font partie de cet univers onirique qu’il crée.

Dans les films de Leos Carax, les éléments se marient harmonieusement et de façon surréelle : la théâtralité, les mouvements de caméra, le décor, la psychologie des personnages qui nous entraînent dans leur tourbillon déstabilisant, la mise à nu, la complexité des émotions et l’équilibre instable. Marionnettiste d’un monde aussi imaginaire que réel, Leos Carax n’aime pas particulièrement répondre aux questions concernant ses films ; il affirme qu’au lieu des questions-réponses, il devrait y avoir plus de questions et de doutes.

" Aucun de mes films n’est un succès ". Le cinéaste français Leos Carax revient sur son parcours cinématographique en dents de scie, acclamé pour sa virtuosité, mais aussi conspué pour sa démesure, en marge du Festival International du film de Marrakech. " Aucun de mes films n’est un succès dans la mesure où un succès c’est générer de l’argent et des entrées ", a asséné Leos Carax, derrière ses habituelles lunettes fumées, lors d’un échange avec des étudiants marocains en cinéma. " Très peu de bons cinéastes ont la science du public comme Chaplin et Hitchcock. Je n’ai pas ça ", a ajouté le réalisateur, lors d’une masterclass du FIFM qui se déroule du 11 au 19 novembre.

Un succès commercial mitigé qui ne l’a pas empêché de réaliser des films grandioses comme son dernier Annette qui a remporté le prix de la mise en scène au festival de Cannes en 2021. Cet opéra rock, avec à l’affiche la Française Marion Cotillard et l’Américain Adam Driver, a été son " tournage le plus heureux ". " J’ai beaucoup aimé filmer Adam ", qu’il a découvert dans la série Girls, description sans fards de la vie d’un groupe d’amies new-yorkaises. Il a trouvé dans la nouvelle coqueluche d’Hollywood ce qui l’a longtemps attiré chez son acteur fétiche Denis Lavant. " J’aime beaucoup les singes et ce sont des hommes singes. Ils sont très intéressants à l’arrêt comme en mouvement ", a expliqué le cinéaste. C’est pour son premier long-métrage Boy meets girl  en 1984 qu’il croise " presque par défaut " le chemin de M. Lavant qui deviendra son alter ego au cinéma. " On s’est lancés dans ce film sans conviction, ni de sa part ni de la mienne ", s’est remémoré Leos Carax. Ils enchaînent avec le polar poétique Mauvais sang en 1986 avant la descente aux enfers des Amants du Pont-Neuf  en 1991. Tournage chaotique, budget explosé, délais de livraison dépassés, ce film, pourtant aujourd’hui culte, " m’a empêché d’en faire d’autres pendant dix ans ", admet Leos Carax. Il revient huit ans plus tard avec Pola X en 1999, l’accueil est circonspect. Pola X est un gros échec, c’était difficile de continuer après ", raconte-t-il. Le salut viendra de Holy Motors en 2012, une sublime ode au cinéma qui incarne, à ses yeux, " la rage de ne pas avoir fait de films depuis longtemps ".

Marie-Christine Tayah avec AFP

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