Rebirth Beirut au Gallerist à Gemmayzé a brandi, avec sa nouvelle exposition Lights of Hope, le drapeau de l’espoir avec comme symbole l’appareil photographique. Cet objectif révélateur d’images qui, dans la chambre noire, réalise la précieuse alchimie qui fait naître la lumière. C’est le motto de Gabriel Ferneiné, fondateur de l’association Rebirth Beirut dont l’initiative et le dynamisme ont permis à Beyrouth, plongée dans le noir, de s’auto-illuminer.

Cette exposition composée essentiellement de photos a mis ainsi à contribution plusieurs artistes libanais de talent, lesquels, dans un même élan d’espoir et d’optimisme, ont apporté à travers leurs œuvres des lueurs d’espoir dans l’obscurité de notre quotidien.

Eddy Choueiry, philosophe et psychologue de formation, a rallié par la suite la musique et la photographie. Il travaille à intégrer toutes ses compétences sur le terrain, en enseignant l’art de la photographie à des adolescents dans des ateliers à l’école, à l’université ou à la Fapa (Académie de photographie), les aidant à développer leur confiance en eux-mêmes afin de déployer leur capacité artistique. En effet, pour Eddy Choueiry, l’espérance n’est pas une attente, mais elle se réalise par l’action et le don de soi à travers l’échange.

Cet artiste humaniste et éclectique expose, à travers ses photos en noir et blanc, des mains à effet stylisé portant des grappes de raisin, prises sous différents angles et comme nimbées de lumière. Ces raisins aux formes rondes et généreuses, métaphore du cycle d’échange et de partage, rappellent aussi la main ouverte en guise d’offrande dessinée par Gebran Khalil Gebran.

Le photographe Jad Habib, quant à lui, saisit des clichés représentant des situations extrêmes ou dramatiques tempérées par un faisceau lumineux en guise de baume, d’espérance et de compassion: les gradins dans un dégradé de noir et blanc dans le bâtiment coquille ayant abrité quelques révolutionnaires pour un bref moment avant leur liquidation semblent tout d’un coup habité par la grâce. L’escalier en contre-plongée à l’intérieur de la villa de Lady Cochrane dévastée par l’explosion du 4 août est éclairé par l’intrusion du soleil dans le trou béant du mur. Un bâtiment abîmé par la guerre de 1975, dont les portes ouvertes nous plongent dans une obscurité glauque, interdit d’entrée parce que miné, retrouve sur sa façade rénovée toute la légèreté de l’enfance grâce à la représentation sur ses murs d’un petit garçon qui joue avec insouciance. Un immeuble vidé de ses habitants et plongé dans le noir retrouve soudain la vie grâce à une seule lampe allumée au dernier étage.

De même, le photographe Noir Barakat joue les oppositions entre ombre et lumière, reflet et réalité comme dans la cave de Platon.

Mohamad Mansour s’amuse aussi des paradoxes et dévoile un moi dans tous ses états passant du "feel blue" au "feel free", et fait s’envoler des poubelles, une nuée d’oiseaux vers le ciel.

Samara Daniel

Samara Daniel s’intéresse à la femme dans toutes les étapes de son évolution, qu’elle soit représentée recroquevillée sur elle-même, nue sur une terre aride et desséchée, ou debout, la tête ornée de fleurs dans toute la gloire de sa féminité.

Une belle série d’artistes qu’on ne peut tous citer ici nous ont entraînés, l’espace de quelques courts jours, dans un monde de rêve et d’enchantement. Le passage obligé en noir et blanc était nécessaire, car il est vrai que dans l’univers de la photographie, de l’ombre naît toujours la lumière.

Jocelyne Ghannagé
joganne.com