S’il y a deux acteurs qui ont brillé par leur charisme lors de la cérémonie tant attendue des César, c’est bien Virginie Efira et Benoît Magimel. La première est devenue la coqueluche du cinéma français et le second porte la gloire en lui, depuis son adolescence.

Quand le cinéma français s’arrache Virginie Efira

Le cinéma français se l’arrache. À 45 ans, l’actrice franco-belge Virginie Efira est devenue incontournable, démontrant à force de travail qu’elle était capable de tout jouer. Le temps semble loin où l’actrice blonde au visage rayonnant pouvait être renvoyée à sa période de pure comédie, il y a une dizaine d’années, voire à ses débuts d’animatrice télé. Hier soir, c’est devant des stars aussi connues que Juliette Binoche ou Fanny Ardant que la Franco-Belge a remporté le César de la meilleure actrice, pour son rôle dans Revoir Paris. Un trophée, pour lequel elle avait déjà été nommée quatre fois, et qui arrive après deux années intenses où elle a capté toute la lumière. Dans le film, Virginie Efira joue Mia, une Parisienne qui ne parvient pas à surmonter le traumatisme d’un attentat dans une brasserie parisienne. Signé Alice Winocour, le film fut l’un des premiers à évoquer de façon quasi directe les attentats de 2015 à Paris, et lui offre un rôle sur le fil, tout en retenue.

Sa capacité à s’immerger dans des personnages aussi divers que marquants lui a permis de s’illustrer en quelques mois aussi bien face à Tahar Rahim, dans Don Juan, qu’à Roschdy Zem, dans Les Enfants des autres de Rebecca Zlotowski, où elle joue une belle-mère cherchant à trouver sa place dans une famille recomposée. Elle était tout aussi convaincante dans un rôle de pure composition, offert par le Néerlandais Paul Verhoeven (Total Recall, Basic Instinct, Black Book), celui de Benedetta, une nonne lesbienne hallucinée dans l’Italie du XVIIe siècle. Un rôle écrit pour faire le buzz, qui a braqué sur elle les projecteurs à Cannes, où elle a ensuite officié, l’an dernier, comme maîtresse de cérémonie. Elle a aussi été membre du jury de la 78e édition de la Mostra de Venise, présidé par le Sud-Coréen Bong Joon-ho.

Outre cette incursion hors de frontières franco-belges, son dernier succès public reste Adieu les Cons (2020) d’Albert Dupontel, film aux sept César où elle incarne Suze, condamnée par une maladie incurable, qui cherche à retrouver l’enfant qu’elle avait eu, adolescente, et confié aux services sociaux.

Elle y insuffle drôlerie, gravité, chavirement et dureté, passant apparemment sans effort d’un état à l’autre. Le rôle n’aura pas déboussolé son public: avant le virage vers la tragédie de ces dernières années, la trajectoire de Virginie Efira a longtemps été associée aux comédies, comme 20 ans d’écart (2013). Ceci lui a permis de mettre un pied au cinéma après ses années à la télé belge, puis française, sur M6 qui lui confia dans les années 2000 plusieurs émissions dont "Nouvelle Star". En 2016, elle bascule vers le cinéma d’auteur grâce au rôle que lui offre la réalisatrice Justine Triet dans Victoria.

Benoît Magimel, la gloire au bout d’un long fleuve intranquille

Star dès l’adolescence, passant des feux de la rampe aux affres de la drogue, Benoît Magimel a définitivement regagné sa place au sommet du cinéma français, en décrochant un deuxième César d’affilée, une première.
Récompensé à 48 ans du César du meilleur acteur pour Pacifiction – Tourment sur les Îles, un an après avoir déjà soulevé la statuette pour De son vivant, Magimel a gagné l’étoffe d’un grand acteur au prix d’un parcours dense et parfois chaotique.

Après presque 70 films, un César dans un second rôle pour La tête haute (2016), un prix d’interprétation masculine à Cannes pour La pianiste (2001), le petit "Momo" ébouriffé de La vie est un long fleuve tranquille (1988) n’a plus besoin de gonfler le torse comme il pensait devoir le faire alors pour en imposer. Dans Pacifiction, du réalisateur espagnol Albert Serra, il livre une performance d’acteur en roue libre, incarnant un haut-commissaire de la République à Tahiti, qui navigue avec morgue et élégance de la haute société aux milieux interlopes, des indépendantistes aux militaires. Un tournage épique: 580 heures de rush et des milliers de pages de dialogue, selon la méthode habituelle du réalisateur qui laisse une liberté sans pareille aux acteurs. "Il y a des situations qui évoluent, qui se créent au fur et à mesure (…) de ce qu’on tourne. Donc, il y a une liberté pour un acteur assez exceptionnelle", avait expliqué Magimel à Cannes, où le film était en compétition. S’il est récompensé pour ce film, il avait aussi marqué les esprits l’an dernier avec Revoir Paris, abordant la question des attentats. Un rôle sur la reconstruction, dans lequel il a pu se reconnaitre: "J’y ai trouvé des choses que je comprenais, comme se réparer à plusieurs, et puis (le personnage) ne se victimise pas", expliquait celui qui a combattu des addictions par le passé.

A 16 ans, il arrête l’école pour le cinéma. Il met quelques années à émerger: il démarre vraiment en 1995 avec La Fille Seule de Benoît Jacquot et La Haine de Mathieu Kassovitz. Le jeune homme prête ses traits fins à Alfred de Musset dans Les enfants du siècle (1999) avec Juliette Binoche, son premier grand amour et la mère de sa fille Hannah.

Vient ensuite la consécration à Cannes avec La pianiste de Michael Haneke où il incarne un séduisant musicien entre les mains perverses d’Isabelle Huppert.
Artisan consciencieux – "J’ai rarement vu quelqu’un approfondir ses rôles à ce point", disait de lui Claude Chabrol –, l’acteur a tout joué, les rois, les voyous, les séducteurs, au cours d’une filmographie parfois inégale.

En 2017, le comédien aux mèches d’or écopait de trois mois de prison avec sursis pour avoir tenté d’acheter de la cocaïne. Lors d’une autre affaire en 2016, il reconnaissait une toxicomanie "ne datant pas d’hier" et confessait au juge "sa honte". Au fil du procès, on découvrait un homme perdu, bien loin de l’image du mâle au regard bleu de sphinx et au menton fendu.

Avec AFP