Filiation, a legacy revisited, titre de l’exposition de Leila Jabre-Jureidini, souligne le désir de l’artiste de rendre hommage aux 80 ans de la création de l’usine familiale de tissage, après la décision de sa fermeture définitive. L’exposition de Leila Jabre-Jureidini se poursuit actuellement à la galerie Jeanine Rubeiz jusqu’à fin mars.

Leila Jabre-Jureidini est une artiste libanaise formée en design graphique à Paris, et en beaux-arts et design de communication à New York. Elle a travaillé dans le domaine du design dans ces deux villes et a participé à des expositions collectives au Liban, à Londres et à Paris ainsi qu’en solo à la galerie Jeanine Rubeiz et au salon d’automne du musée Sursock.

Dans son exposition, l’artiste nous invite ainsi par un flash-back nostalgique à porter à travers une sorte de halo lumineux un regard émerveillé sur le monde, celui d’un passé fantasmé et incarné par cette usine entrevue par Leila Jabre-Jureidini à travers le prisme coloré et naïf de l’enfance, dont elle garde un souvenir enchanté…

Une sorte d’arrêt sur image sur la petite fille qu’elle fut, découvrant avec éblouissement l’univers magique et vibrant d’énergie des machines à tisser. Grâce à des photos et le tri d’objets divers provenant de l’usine, fils, outils, échantillons de tissus prennent vie entre les mains de l’artiste pour tisser la trame de la mémoire…

C’est ainsi que Jabre-Jureidini retrouve, par bribes de souvenirs à la fois limpides et flous, ces petites pièces de puzzle, fils ténus du passé qu’elle déroule en enfilade pour décrypter le mystère du temps qui passe, laisser des traces vives ou ternes, sombres ou colorées, à l’instar de ces tableaux-tapisseries, heureuse alliance de peinture et de tissage.

Les œuvres s’affichent ainsi comme des fragments d’histoire, sortes de précieuses reliques dont l’artiste se sert pour réécrire le présent, tisser un nouveau chemin auréolé de joie et d’insouciance faisant fi de tout avatar. La matière joue le rôle de révélateur puisque nacelles en bois, bobines et fils se transforment soudain en œuvres artistiques, en assemblages décoratifs aux couleurs harmonieuses, en compositions à caractère ethnique.

L’artiste finit par s’affranchir de tout lien au passé pour se lancer dans la création de tapisseries aux motifs abstraits et géométriques, inspirés de la théorie des ensembles, ainsi que de motifs, meubles ou affiches des années 50. Ces tapis exécutés par Iwan Maktabi à partir de croquis et dessins en couleur esquissés par l’artiste, nous rappellent par leur joyeuse candeur le style naïf de Miro ou de Kandinsky.

Cette incitation charmante à traverser le temps, à le vivre dans son impact émotionnel et sensoriel grâce à une joyeuse orchestration de formes et de couleurs, est une véritable invitation au dépaysement et au voyage, à ne pas manquer avant la fin mars 2023.

Jocelyne Ghannagé

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