Cela se jouerait en une poignée de secondes.

Pile: il me repousserait parce que sa décision était irrévocable.

Face: il s’accrocherait à mes lèvres et nous ne nous quitterions plus jamais.

La dernière soirée que j’ai passée avec Khalil était largement teintée de tristesse. Mon amoureux était complètement perdu, déchiré entre l’appel de ses racines et la réalité de la situation. Sa décision n’appartenait qu’à lui et c’était peut-être ce qui était le plus difficile à gérer. Personne ne pouvait choisir à sa place. Pas même sa petite sœur qui y voyait beaucoup plus clair que lui. Oui elle voyagerait au Liban et profiterait de sa famille et de son pays bien-aimé le temps de deux mois de vacances. Non elle ne retournerait pas y vivre.

Khalil était parfaitement conscient de cette chance qu’il avait que de pouvoir décider. Nombreux étaient les jeunes Libanais qui n’avaient pas les moyens d’émigrer et encore moins de vivre en Europe dans le confort relatif qui était le sien. Il s’était enraciné ici… était-ce ce qui rendait sa décision si difficile? Sans doute. Il me disait qu’il avait l’impression de trahir le Liban en le quittant et de trahir la France en y restant. Cette France qui lui avait tant donné. Là-bas sa famille, son foyer, sa terre. Ici son indépendance, ses études et moi.

Je regrette parfois de n’avoir pas su rester objective… Mon cœur a été le premier à pleurer, je refusais qu’il me laisse, je l’aimais, je ne pouvais pas me résoudre à un départ sans retour. Je me suis montrée la plus empathique et raisonnée possible, mais j’étais moi-même emportée par le tourbillon émotionnel que nous imposait son absence de décision. Nous étions tous les deux sous l’épée de Damoclès, attendant notre sort. Comment réussirais-je à attendre cet homme que j’aimais sans savoir s’il ne me reviendrait jamais?

Son vol pour Beyrouth était le lendemain en fin de journée. Cette nuit-là nous avons préféré ne pas dormir dans les bras l’un de l’autre, le réveil n’en aurait été que plus violent. Quand il m’a embrassée pour la dernière fois, notre étreinte a fait exploser mon chagrin. Je n’avais jamais pleuré aussi fort de toute ma vie. J’avais ce mal dans le fond de mon cœur qui me dévorait. J’aurais voulu l’arracher pour ne plus rien ressentir et tout oublier de Khalil. Derrière ma vue brouillée par les larmes, j’ai plongé mes yeux dans ses pupilles profondes une dernière fois.

Le lendemain matin, après une courte nuit tourmentée, mes sentiments avaient pris un tournant radical. Je me suis levée à la hâte, j’ai enfilé les premiers vêtements qui me sont tombés sous la main et je suis partie. J’ai attrapé mon vélo et j’ai roulé tout au long du chemin du halage jusqu’à la cathédrale d’Amiens où je l’ai attaché. La ville baignait dans la lumière claire de l’été et les rayons du soleil qui dardaient sur mes joues me donnaient encore plus d’énergie. J’ai traversé le petit parc derrière Notre-Dame et j’ai dévalé les quelques marches de bois pour atteindre la ruelle de son immeuble.

J’ai repris mon souffle et je suis montée.

Quand j’ai pressé le bouton de la sonnette de Khalil, je n’avais jamais été plus sûre de moi.

J’ai lu la surprise dans ses yeux juste avant de me jeter sur lui pour l’embrasser fougueusement. Mon acte était impulsif, amoureux, désespéré, plein de promesses.

Face: Khalil s’est accroché à mes lèvres et nous ne nous sommes plus jamais quittés.

Il a attrapé ma lèvre inférieure et l’a caressée de sa langue avec délicatesse. Ses lèvres étaient faites de sucre et de miel. Gourmand de moi, il a englouti ma bouche tout entière et je me suis fondue dans ce tourbillon passionné. Il a posé ses deux larges mains sur mes hanches et a attiré mon bassin tout contre lui.

Mes yeux ont croisé ses iris flamboyants et notre appétit l’un pour l’autre n’a jamais faibli jusqu’à aujourd’hui.

Juliette Elamine

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