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La fondation Charles Corm, qui a rouvert ses portes en février dernier, invite le public pour la première fois à une exposition de peinture sponsorisée par Nesartune société de conseil et d’expertise fondée en 2014 et dirigée par Alexis Moawad, qui travaille en étroite collaboration avec les artistes et nous convie à découvrir leur univers. L’exposition Baghdad-Beirut, the Uncharted s’y tient du 25 juin au 1er juillet.

L’exposition Baghdad-Beyrouth, the Encharted embarque le public dans une aventure au cœur du Moyen-Orient, à la découverte d’artistes émergents irakiens et libanais afin d’engager un dialogue entre eux et le public sur des questions existentielles et identitaires. Il s’agit d’une tentative d’identifier une histoire et une culture communes, de restaurer la mémoire, de reconnaître la richesse culturelle d’une région malmenée aujourd’hui et de réaliser que l’Orient fut jadis le berceau des civilisations afin de lui restaurer sa dignité.

Cette démarche vise, d’une part, à promouvoir les talents encore méconnus du Moyen-Orient, leur offrir conseils et expertise, leur donner l’opportunité d’évoluer, d’explorer les différentes facettes de leur art, les aider durant ce cheminement à explorer toutes leurs potentialités, les guider, les assister, les revaloriser pour leur permettre de garder leur liberté d’expression et leur autonomie tout en les aidant à sortir de leur enclos local. D’autre part, il s’agit de connaître, certes, la valeur des écoles d’art de Damas, de Baghdad ou de Beyrouth au niveau technique de l’art, mais aussi de renforcer le bagage culturel qui permet à l’œuvre d’art d’atteindre sa vraie dimension, de sortir de la superficialité pour accéder à plusieurs niveaux d’interprétation, d’éveiller les sens, de transmettre l’émotion, de s’ouvrir au monde tout en s’affranchissant des codes et critères artistiques occidentaux, et d’assumer une identité orientale propre, riche de son histoire, en lui reconnaissant des outils d’expression et un langage artistique propre.

On part ainsi à la rencontre de Selim Moawad, ancien chef de mission humanitaire en Afrique et peintre libanais engagé qui brandit sur ses toiles aux couleurs stridentes des slogans politiques tels que "La résistance est à la pointe du sabot", à travers son taureau minautore, animal tout droit tiré de la mythologie, symbolisant le dieu phénicien Baal jetant un regard désolé sur son phœnix aux ailes déchiquetées, un Liban qui renaît de ses cendres, mais qui ne peut plus voler.

Le langage semi-figuratif de l’artiste se sert ainsi de la représentation mythique du passé pour délivrer un message clair: se rappeler que l’Europe est fille de Tyr, qu’il faut puiser à la source, celle des racines phéniciennes, se nourrir de la richesse de l’héritage historique et culturel pour reconstruire sur des bases solides une patrie unifiée prête à affronter l’avenir.

Dans une autre œuvre intitulée Le linteau et le corbeau, le peintre présente, à l’instar d’une fable, une pièce à double face tout en verticalité, posée sur le sol comme une porte sur un seuil pour rappeler, dès l’entrée, les valeurs orientales d’accueil et d’hospitalité, de chaleur humaine et de dignité, destinées – côté verso – à s’éteindre sous la menace du corbeau rapace prêt à les dévorer.

Wadih Ayoub, autre peintre libanais, nous charme par son regard contemplatif sur l’univers, la dimension spirituelle, quasi mystique de ses toiles.

Un style qui hésite entre abstraction et surréalisme, une maîtrise de la peinture à l’huile pour un travail d’introspection et de minutie jusqu’à labourer la toile dans une représentation de paysages lunaires, un amour de la terre, comme une prière qui pousse à en saisir les moindres rides, à en partager le souffle, à se pencher sur ses sillons et inclinaisons, en partager le rythme, en répéter les motifs comme on égrène un chapelet, entrer en transe en hypnose. S’arrêter sur une image poignante  sur une toile comme une complainte de l’exil, celle d’une femme qui tourne le dos à la lumière en s’éloignant de sa maison, de sa culture, de sa patrie, tenant précieusement entre les mains quelques reliques du passé…, une promesse d’aller-retour.

Jacques Vartabédian, lui, peint et rêve en bleu. Il nous transporte dans un monde onirique pour un voyage en apesanteur, une odyssée pleine d’espoir à bord d’un vaisseau porteur d’un avenir meilleur! Rappel douloureux de l’urgence de l’exode et son cortège de vagues d’émigration successives.

Haidar Jabbar, artiste irakien, nous renvoie à la situation en Irak faite de divisions, de guerre et d’oppression durant et après la période de Saddam Hussein. Sur ses toiles défilent des images éloquentes. Dans un style expressionniste, il représente des têtes animalisées, des personnages vidés de toute substance sur chaises roulantes ou lit d’hôpital, une humanité sous perfusion et réduite au silence.

Sabah Hamad, également peintre irakien, nous fait pénétrer à l’intérieur de paysages abstraits et minimalistes animés par de larges coups de pinceau qui s’élèvent vers le ciel. De l’opposition entre les formes géométriques, l’ombre et la lumière, émanent douceur et transcendance, une sorte d’appel vers un ailleurs.

Laissez-vous tenter par cette expérience envoûtante à ne pas rater… jusqu’au 1er juillet.

joganne.com
Instagram: @jogannepaintings

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