En 2015, deux années après des fouilles menées de manière soutenue dans des grottes à proximité de Johannesburg, en Afrique du Sud, grottes désignées par le nom de Rising Star Caves, le paléoanthropologue américain Lee Rogers Berger et son équipe de spéléologues et d’archéologues révèlent au monde la découverte d’une nouvelle espèce d’hominines, nommée dès lors Homo Naledi.

Qui est l’Homo Naledi ?

C’est donc dans les grottes de Rising Star, situées sur le site archéologique du "Berceau de l’humanité" classé par l’UNESCO comme patrimoine mondial, que le paléoanthropologue et ses coéquipiers découvrent plus de 1.700 fossiles. Cette découverte se fait, en l’occurrence, dans une cavité souterraine desdites grottes, nommée "chambre de Dinaledi", à laquelle on accède par une sorte de chute verticale d’une trentaine de mètres, très étroite et bien difficile à emprunter. Les fossiles en question appartiennent à une vingtaine d’êtres de tous âges, dont des nouveau-nés. Le plus intrigant a été alors de se rendre à l’évidence de l’existence de sortes de sépultures parsemant le sol, sépultures livrant ces différents fossiles. Ce qui amène Lee Rogers Berger et son équipe à s’interroger sur l’identité anthropologique de ces êtres dont ils croiront, à un premier abord, qu’ils auraient vécu il y a deux millions d’années. Ce qui étonne au plus haut point est, en effet, le fait même de l’enterrement des morts dont l’anthropologie enseigne qu’il est le strict propre de l’Homo Sapiens, seul être doté de spiritualité et porté dans ses croyances à considérer la possibilité d’une vie après la mort. Il va sans dire que cet étonnement ne manque pas de soulever des questions sur la nature profonde de l’humanité.

En tout cas, en 2017, après maintes analyses menées au travers de diverses méthodologies et dans différents laboratoires, il sera révélé qu’Homo Naledi aurait entre 200.000 et 300.000 ans. Homo Naledi aurait donc bien pu coexister avec Homo Sapiens. Or, bien que tous deux partagent certaines caractéristiques telles que la dentition, les mandibules, la morphologie du crâne (un crâne quasi complet ayant été découvert parmi les fossiles retrouvés), la forme des mains, etc., il n’en demeure pas moins que leurs volumes endocrâniens diffèrent: celui d’Homo Naledi étant petit, il révèle un bien faible volume du cerveau, détail qui suffit à lui seul à le distinguer, voire littéralement à le séparer d’Homo Sapiens, le cerveau étant le ferment de la survie de l’espèce et de l’avènement de la civilisation.

Quoi qu’il en soit, le documentaire filmique Dans l’inconnu. La Grotte aux ossements, du metteur en scène américain Marc Manucci, qui vient tout juste de sortir (en date du 17 juillet 2023), vaut bien le détour pour de plus amples informations sur les fouilles, l’étude des fossiles et, plus encore, sur ce qui nous sépare de l’Homo Naledi.

Homo Naledi : un pseudo-ancêtre de l’Homme

De la question de la taille de notre cerveau…

De récentes études, menées entre autres par des chercheurs de l’université de Cambridge en Angleterre, de l’université Tübingen en Allemagne, des universités de Dartmouth et de Boston aux États-Unis d’Amérique, ou encore par des chercheurs du Musée d’histoire naturelle de Californie, apportent la preuve du lien entre la taille du corps humain, plus particulièrement encore du cerveau humain, et le climat. Dans ce sillage, après avoir défini les climats régionaux de la terre au cours du dernier million d’années, les chercheurs ont émis des résultats montrant que les hommes ayant vécu dans des climats froids étaient grands et corpulents, alors que ceux ayant vécu dans un climat plus chaud étaient petits et minces. Il en va de même du cerveau humain dont la taille aurait rétréci en 3.000 ans d’environ 10%, passant de 1.500 à 1.350 cm3, les températures moyennes de la terre s’étant réchauffées, et bien dangereusement, au cours des dernières décennies. Toutefois, il va sans dire, affirment les chercheurs, que le changement climatique ne saurait être considéré comme l’unique responsable de ce rétrécissement: la complexité de plus en plus grande de la vie humaine, les grands défis sociaux, intellectuels, cognitifs, technologiques, les régimes alimentaires de plus en plus industriels, le niveau fort élevé de stress, etc. en seraient tout autant responsables.

Quoi qu’il en soit, le rétrécissement de la taille du cerveau humain, s’il se poursuivait, pourrait bien nous amener à questionner notre projet de pérennisation de l’humanité. Non? Y aurait-il là à voir un signe avant-coureur d’une marche vers la décivilisation? Et si, au final, Homo Sapiens finissait par régresser, en dépit de tout ce qui illustre brillamment son évolution, et par s’éteindre, à l’instar d’Homo Naledi, dévoré par des chaleurs insupportables et acculé à l’impossibilité de l’action à cause d’un cerveau de plus en plus réduit et, peut-être, de moins en moins capable de lucidité, de conscience?

https://netalkolemedia.com/un-niveau-de-stress-eleve-peut-endommager-le-cerveau-et-causer-son-retrecissement/

De la question du cerveau libanais

Bientôt cinq ans depuis le début de la crise économique. Bientôt quatre ans depuis la révolution blanche avortée. Bientôt trois ans depuis la double explosion du port de Beyrouth et la destruction quasi totale de notre capitale. Bientôt un an sans président de la République. Et j’en passe. Le seuil du stress à plusieurs niveaux est aujourd’hui intenable au Liban. Cela sans compter l’impact du réchauffement climatique et d’autres facteurs évoqués plus haut qui joignent tous les Libanais au reste de l’humanité dans un destin partagé. Qu’en est-il de nos cerveaux? de leur rétrécissement incontournable?

Celui des soi-disant autorités du pays, autorités usurpatrices et criminelles, est sans aucun doute celui d’abrutis avérés. Mais celui du peuple alors? Si nous remontons vers le début de cet article pour retrouver l’Homo Naledi d’il y a 300.000 ans et ses coutumes d’enterrement des corps qui lui valent d’être qualifié de "spirituel" par les chercheurs, force est de constater que nous, Libanais, sommes bien sur la voie de la perte de notre esprit. En effet, il suffit de penser au nombre d’enfants en très bas âge, de nouveau-nés récemment abandonnés sans vie dans les bennes publiques, sous les ponts, en pâture aux bêtes affamées. Peut-être sommes-nous en train de perdre la mémoire de nos coutumes spirituelles à force de rétrécissement de nos cerveaux ravagés par la violence et les traumatismes? dévorés par un feu intérieur destructeur, pareil à celui qui ravage à l’heure actuelle moult forêts dans le monde?

Qu’en est-il du cerveau libanais à l’aune de tous nos concitoyens qui choisissent de noyer leur misère morale dans l’alcool, les substances, les interminables nuits de musique et de transe, la vitesse vertigineuse et funeste sur les autoroutes, etc., au lieu de se poser et de réfléchir à la manière d’écrire autrement l’avenir du Liban? Ou encore à l’aune de la résignation collective et de la passivité morbide face à l’écroulement de toutes nos institutions? Peut-être est-il trop tard? Peut-être le cerveau de l’Homo Libanus est-il somme toute moins développé que celui de l’Homo Naledi, en dépit de la très petite taille de celui-ci, et, par conséquent, fatalement voué à la disparition. D’une disparition, peut-être aussi, bien plus précoce que prévu…

À bon entendeur, salut! Si tant est qu’il nous reste, nous Libanais, quelque entendement que ce soit.