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Le musée de Pont-Aven, situé en Bretagne (nord-ouest de la France), consacre une rétrospective aux Artistes Voyageuses de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Ces exploratrices du monde, peintres, sculpteuses ou photographes, ont souvent été délaissées par la reconnaissance publique. Le travail de ces femmes, dont Alexandra David-Néel, Alix Aymé, Jane Tercafs et Léa Lafugie, est ainsi mis à l’honneur jusqu’au 5 novembre.

artistes voyageuses
Peinture de Monique Cras.
Crédit photo : Fred Tanneau / AFP

Les artistes femmes de l’exposition Artistes Voyageuses au musée de Pont-Aven n’avaient pas les mêmes réseaux que leurs homologues masculins, selon Arielle Pelenc, la commissaire de l’exposition. "Les hommes avaient des réseaux. Ils allaient au café, dans des cercles, etc. Les femmes n’en avaient pas", affirme-t-elle. De plus, les œuvres des femmes étaient souvent sous-évaluées: "Quand on dit d’une œuvre d’art: c’est de la peinture ou de la sculpture de femme, on entend par là: c’est de la peinture faible ou de la sculpture mièvre", regrettait Virginie Demont-Breton, artiste peintre et fille du peintre Jules Breton, en 1896.

Jusqu’au tournant du XXe siècle, les femmes étaient exclues des Beaux-Arts à Paris. C’est seulement en 1900 que, sous la pression, deux ateliers leur ont été ouverts. Le mouvement féministe de cette époque a encouragé les femmes à émerger du milieu domestique. En 1881, l’Union des femmes peintres et sculpteurs (UFPS) a été créée dans le but de favoriser l’accès des femmes aux Beaux-Arts. Cette association aspirait également à favoriser l’exposition des œuvres des femmes et à susciter des achats d’œuvres par l’État, comme cela se faisait pour les artistes masculins. Leur première exposition a été organisée en 1882.

Peinture de Marcelle Ackein.
Crédit photo : Fred Tanneau / AFP

Devenir "artiste voyageuse" a représenté une étape supplémentaire. Nombre d’entre elles ont initialement suivi leurs maris, affectés dans les colonies d’Afrique ou d’Asie, tandis que certaines ont choisi de partir seules. Cependant, le regard des femmes était souvent différent: "Elles ont une plus grande proximité avec les modèles et elles ont accès à l’univers des femmes", note Arielle Pelenc. La peintre française Marie Caire-Tonoir (1860-1934), par exemple, a réalisé de nombreux portraits à Biskra (Algérie), tandis que son mari se consacrait aux paysages.

Certaines de ces femmes ont pu voyager grâce à des commandes passées dans le sillage des premiers voyages touristiques portés par le rêve colonial. Thérèse Le Prat (1895-1966), photographe, a été engagée par la Compagnie des messageries maritimes pour illustrer ses destinations. D’autres, comme Jeanne Thil (1887-1968), ont conçu des décors de paquebots ou des affiches pour des croisières et des expéditions.

Les œuvres de ces femmes se caractérisent par une "grande diversité de techniques et de supports", comme le souligne la commissaire. Certaines artistes ont adopté un style très personnel, comme Marcelle Ackein (1882-1952) dont les scènes africaines sont remarquables pour leur stylisation et leurs aplats graphiques.

Malgré leur talent indéniable, le montage de cette exposition a nécessité une recherche approfondie et patiente. Arielle Pelenc note que la plupart de ces œuvres se trouvent dans des collections privées ou sont stockées dans les réserves des musées publics.

Avec AFP