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Juliette Elamine, auteure franco-libanaise, a publié en octobre 2023 son dernier ouvrage, intitulé Les enfants de la vie, chez Sterenn Editions. À Paris, elle poursuit ses tournées de dédicaces, captivant un public avide de culture et d’histoires. Avec un riche mélange de valeurs humaines issues de la francophonie et l’esprit passionné profondément enraciné dans le pays de son père, le Liban, Juliette Elamine explore la mosaïque complexe de sa double origine.

Dans Les enfants de la vie, Juliette Elamine déroule son récit dans le contexte du sud du Liban, de 2006 à 2010. L’histoire se concentre sur Georges, né au Liban près de la frontière sud. Il déambule parmi les ruines archéologiques entourant sa maison, où il partage des moments d’enfance innocents avec sa jeune sœur, Joumana. À un âge tendre, ces enfants sont témoins de la destruction de leur patrie et de la résurgence des traumatismes de la guerre civile. Malgré les épreuves de l’après-guerre, leur innocence devrait les préserver du pire. Avance rapide jusqu’en 2019, à Beyrouth. Georges réside dans la capitale, poursuivant des études en sciences politiques. Son esprit brillant attire l’attention de l’austère Joseph Ramayel, qui le recrute pour le journal de l’université. À travers le processus délicat de l’écriture, un lien unique se forme entre les deux hommes. Il devient évident que le professeur est engagé dans un jeu périlleux dans un pays toujours hanté par des souvenirs douloureux. Georges se retrouve pris dans un récit captivant et imprévisible qui bouleversera le cours de sa vie.

Dans un pays où tout semble prêt à voler en éclats, quelle force soutiendra l’imagination?

Le style d’écriture de Juliette Elamine se caractérise par sa fluidité et sa simplicité. La structure de l’histoire est méticuleusement élaborée, immergeant les lecteurs dans une aventure sans fin. Les personnages principaux de ce roman sont captivants par leurs caractères uniques, chacun portant en lui l’histoire de son passé et de son pays.

L’œuvre se distingue par l’utilisation de la langue française, habilement entrelacée avec des mots du dialecte libanais, transcrits phonétiquement en français. Ces nuances linguistiques reflètent l’ambiance socio-culturelle, introduisant des expressions comme baba (papa), mama (syllabes, nées de la double utilisation du pronom possessif "ma", qui veulent dire maman). Mais aussi ahlan wa sahlan pour dire bienvenue, kifak ya khayé (comment vas-tu mon frère)?

Le style de Juliette évoque celui d’un hakawati, un conteur qui tisse des récits à l’intérieur de récits, de la petite histoire dans la grande, celle d’un pays, puis de la grande au sein de l’universelle, celle de l’humain, englobant l’essence de l’humanité.

Des citations poignantes ponctuent le récit comme des pensées, celles des personnages, de l’histoire, de l’auteur et des lecteurs eux-mêmes. "Nous étions peu préparés. D’ailleurs, personne n’était prêt pour une guerre.", "Le lieu n’avait pas changé, nos âmes d’enfants non plus.", "Nous passâmes de la félicité au chagrin en une nuit."

Ainsi, en une phrase, Juliette retrace le cheminement de la vie d’une femme, destin de toutes les femmes. "Tu es heureuse de te marier?", "Hier encore, elle n’était que ma petite sœur, aujourd’hui, elle est devenue la femme d’un homme, demain, elle sera la mère d’un enfant."

Revenant sur ses débuts de romancière, Juliette Elamine se souvient: "Je connais mes origines libanaises depuis que je suis petite, mais sous l’angle merveilleux de l’enfant qui retourne au pays pour les vacances. Je connaissais aussi l’histoire de mon père et son exil pendant la guerre. Cependant, ce n’est qu’après la guerre de 2006 que j’ai vraiment compris que le Liban pouvait aussi être un endroit dangereux. L’écriture est devenue un exutoire pour moi, j’avais 17 ans à l’époque. En 2018, j’ai ressenti le besoin d’embrasser les souvenirs de mon père et de les raconter, comme pour laisser une empreinte dans l’histoire. Depuis lors, je n’ai pas cessé d’écrire." En ce qui concerne ses publications successives, elle ajoute: "J’ai publié mon premier roman, Le nom de mon père, après l’explosion du port de Beyrouth. Les recettes étaient destinées à aider les victimes de l’explosion. Les enfants de la vie est mon deuxième roman, et j’ai pris la liberté d’en approfondir les personnages et d’explorer le contexte historique du pays. Je suis déterminée à présenter une image différente du Liban. L’histoire est familiale, vue à travers les yeux des enfants, dans un contexte de guerre, mais elle révèle également les aspects rayonnants du Liban – sa géopolitique, sa gastronomie, sa musique."

Juliette Elamine voit le Liban avec les yeux d’un enfant, dont les souvenirs sont inépuisables, et elle embrasse son héritage. Malgré sa prise de conscience reconnue depuis la guerre de 2006, elle souhaite que le merveilleux prenne le pas sur la réalité. Voilà pourquoi son œuvre est parsemée d’éléments de fiction.

Interrogée sur ses inspirations littéraires, Juliette affirme avec franchise: "Pour commencer, Bélinda Ibrahim. Depuis que je l’ai découverte virtuellement et que j’ai lu ses écrits, j’admire sa plume, son humanité, sa poésie, sa maîtrise de la langue française, alors que moi-même, je ne maîtrise absolument pas l’arabe. Cette révélation m’a profondément marquée et a agi comme un miroir. J’admire également les œuvres de Joumana Haddad: Le Livre des reines est sombre, mélancolique, mais écrit avec une telle poésie. D’autres auteurs m’inspirent aussi, pas nécessairement libanais, tels qu’Harlan Coben ou d’autres auteurs contemporains. La diversité m’intrigue. Mon père est une autre source d’inspiration, tout comme le Liban, ainsi que les petites choses du quotidien et le cinéma. À titre d’exemple, le film Incendies, adapté du livre de Wajdi Mouawad."

Juliette Elamine exprime un vœu sincère: que l’Histoire ne soit jamais oubliée et que les éléments lumineux de ses récits perdurent.

Instagram: @mariechristine.tayah