J’éteins ma télé. Sourire béat aux lèvres, baume étrangement apaisant au cœur, sentiment de toute-puissance ou presque. Effet inratable d’un de mes films préférés avec un acteur qui, en plus de partager ma date d’anniversaire – ce qui ne peut que flatter l’amour propre de bibi –, incarne à mes yeux l’essence même de la virilité et de l’aménité: nul autre que le somptueux Denzel Washington dans un rôle qui, comme tous les autres, lui colle si gracieusement à la peau dans The Equalizer.

Je n’entrerai pas dans des considérations hasardeuses sur les mobiles de mes choix de films "préférés", la liste étant longue et digne de la schizophrénie la plus complexe (une valse ésotérique entre The Sound of MusicBehind Enemy Lines, La Grande Vadrouille et une multitude de réalisations de genres viscéralement opposés)! Je dis simplement que ma télécommande refuse toute négociation quand elle se trouve devant des productions dont elle sait qu’elles déclencheront une poussée d’adrénaline chez sa maîtresse – votre humble serviteur.

À bien y penser, cette attirance quasi-hypnotique qu’exerce sur moi notre indéfectible Equalizer, je me dis qu’elle doit sûrement trouver ses sources dans l’indiscutable sensualité de Messire Denzel sans doute, mais aussi et surtout dans ma soif invétérée de justice, ou pour être plus réaliste, mon intolérance absolue de l’arbitraire.

Il est vrai que dès mon plus jeune âge, sur les bancs couleur bois usé de l’école catholique anglophone qui restera à jamais le bercail de mes plus tendres souvenirs, une graine de rébellion – qui ne m’a jamais quittée depuis–  s’éveillait instinctivement en moi à la moindre manifestation tyrannique. Défiant les règles artificieuses de "conduct" en vigueur, je me faisais un point d’honneur de défendre mes arguments – ou quelque timide élève incapable de défendre les siens – au risque d’une visite inopportune chez la terreur de l’époque, le redoutable dean of discipline dont le seul titre nous faisait froid dans le dos, appréhension confortée par son mètre quatre-vingt-dix, sa voix tonitruante et son regard revolver (au sens presque propre!) si étrangement limpide…

Bref. Aujourd’hui, ce film me défoule. Les dents serrées comme si je (re)vivais chaque scène, me laissant entraîner par un suspense curieusement inlassable malgré les innombrables visionnements, je suis transportée dans une dimension chimérique et si funestement inhumaine: un monde où l’équité et le bien seraient instaurés par un justicier (idéalement aussi charmeur que l’ami Denzel, mais également) ingénieux, puissant, infaillible et notoirement intègre…

Dans le meilleur des scénarios et le plus utopique des délires, cet "égaliseur" serait privé… Je pourrais faire appel à lui à tout moment, pour rendre justice dans différents contextes, à bon ou à mauvais escient… j’en serais seule juge! Il serait à mon entière disposition. Un peu comme une bonne fée, mais en treillis camouflage et une mitraillette au bras – à n’utiliser qu’au choix et au besoin bien sûr!

Ma to do list est toute faite. Frankie – c’est le nom que je donnerais à mon héros/ange gardien au parfum de grenades et de berettas parce qu’il devrait nécessairement avoir quelque chose d’américain et un zeste de sex-appeal – n’aurait qu’à mettre à exécution. Non, non, il ne s’agit pas de vengeance, concept intemporel il est vrai, mais à mes yeux fastidieusement prévisible et mesquin! C’est simplement… comment dire… une façon fantaisiste (j’adore faire dans l’anticonformisme) de remettre les pendules à l’heure. Un procédé – utile, admettons-le – pour dire au contrevenant: "Tu as fait ça; ça a déclenché ça; c’est mal; assume!" Le karma dans son sens moderne quoi, mais en forme de personne. Une réplique – loin d’être virtuelle – à la méchanceté dont nous sommes tous si souvent ca(cou)pables envers nous-mêmes et les autres…

Rassurez-vous, je n’abuserais pas de ses pouvoirs; encore moins de sa disponibilité. Frankie serait, en quelque sorte, le garant d’une machine sociale (pour ne pas dire humaine) bien huilée. Un amalgame ultra-moderne de Mère Teresa et de Robin des Bois, qui partage aussi bien leur soif de justice que leur mépris de la calomnie, qui donne une chance aux "méchants" avant de passer à l’acte, qui sait même pardonner en cas de force majeure…

À vrai dire, Frankie pourrait bien être une version "Premium" de vous et moi, une variante (employons des termes "in") de nous qui serait moins encline à agir comme les pathétiques humains que nous sommes, et plus disposée à faire preuve de ce que l’on appelle – très faussement d’ailleurs – "l’humanité".

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