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Dans sa conférence du 15 mai 2024 à la galerie Rebirth Beirut de Gemmayzé, Aïda Cherfan a rendu hommage à l’artiste Hussein Madi et expose jusqu’au 28 mai 2024, en collaboration avec la fondation H. Madi, les œuvres de l’artiste à travers ses différentes périodes. Le public peut ainsi redécouvrir le brillant parcours de cet artiste prolifique aux multiples facettes et talents.

Hussein Madi est un touche-à-tout, à la fois peintre et dessinateur, graveur et sculpteur. Il se définit lui-même comme un artiste contemporain marqué par son héritage oriental qui puise dans les principes conceptuels de l’art islamique comme l’arabesque et la calligraphie et dans ceux des hiéroglyphes pour en faire la substance même de son art. Cette influence se manifeste par la simplification à l’extrême des figures picturales, la géométrisation des représentations humaines, animales ou végétales. L’anatomie de la femme, celle des oiseaux, poissons ou chevaux s’articule en demi-cercles ou triangles, se traduit en lignes ou arabesques stylisées, emprunte à l’écriture arabe ses courbes, cercles et entrelacs.

La répétition quasi obsessionnelle des formes, des angles et des traits crée le mouvement et installe le rythme scandé à la manière d’une incantation ou d’une prière. L’abstraction ou synthétisation n’empêche pas toutefois de reconnaître les caractères distinctifs ou signes identitaires des formes représentées. La rigueur structurelle et esthétique de l’œuvre s’accompagne aussi d’un choc sensoriel, celui d’aplats de couleurs vives et saturées, de tons orange vif et de rouges cadmium qui viennent heurter les tonalités profondes des bleus électriques ou verts sombres. Une dissonance chromatique de notes sonores ou assourdies crée la tension et diffuse une énergie vibratoire chargée d’émotion.

L’artiste s’amuse à multiplier scènes et ambiances, plante son décor dans un lit ou sur une plage, dans un salon ou sur le dos d’un cheval et d’un taureau. Néanmoins, le thème de prédilection de Madi est celui de la femme dans tous ses états. Triste ou langoureuse, échine courbée ou corps recroquevillé, cette dernière s’abandonne au regard du spectateur en prenant des poses alanguies dont la sensualité est accentuée par la torsion du torse ou du bassin. L’artiste la fait trôner aussi sur un canapé de salon, ne négligeant aucun détail de son élégance vestimentaire ou de celle du mobilier.

Les nus monochromes se conjuguent ainsi à l’infini en différentes postures et attitudes, se traduisent en lignes ou arabesques qui se fondent dans le décor. Ils participent ainsi au graphisme de la chaise, de la table, du vase ou du rideau, rappelant par moments certaines œuvres de Matisse. La même tendance minimaliste se retrouve dans les sculptures en fer ou en tôle quand l’artiste saisit au vol le trait distinctif de l’animal ou de l’objet afin d’en garder la substance, en capturer l’essentiel.

Cette exposition inédite offre ainsi un voyage à travers le temps et l’espace et laisse sur son sillage comme un parfum de départ. En effet, dans la dernière œuvre de Hussein Madi, des oiseaux stylisés semblent prendre leur envol pour s’échapper de la toile afin de rejoindre un espace infini de liberté. Un adieu de l’artiste au public, laissant le souvenir impérissable d’une quête de perfection et de vérité, la conscience d’un ailleurs, un goût d’éternité.

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