Le Festival du cinéma américain de Deauville, qui fêtera cette année sa 50e édition, se retrouve au cœur d’une polémique après l’éviction du trompettiste Ibrahim Maalouf de son jury. Cette décision, annoncée par la nouvelle directrice Aude Hesbert, fait suite à un "malaise dans l’équipe" lié à la vague #MeToo et à une ancienne affaire d’agression sexuelle impliquant Maalouf, pourtant relaxé par la justice en 2020.

En 2013, Ibrahim Maalouf avait été accusé d’avoir agressé sexuellement à deux reprises une stagiaire de 14 ans, en l’embrassant et en mimant un acte sexuel. Condamné en première instance en 2018, il avait fait appel et avait finalement été relaxé par la cour d’appel de Paris en 2020. Malgré cette décision de justice en sa faveur, cette affaire continue de le poursuivre dans l’opinion publique et a resurgi lors de l’annonce de sa présence dans le jury de Deauville le 8 août dernier.

Une décision pour préserver la sérénité du festival

Aude Hesbert, qui a pris la tête du festival après le départ de l’ancien directeur Bruno Barde suite à des accusations d’agressions sexuelles, a expliqué que la présence de Maalouf devenait "problématique pour la bonne tenue sereine" de cette édition anniversaire qu’elle souhaite "porter avec clarté et transparence". L’annonce de la participation de Maalouf au jury avait en effet suscité de nombreuses réactions négatives sur les réseaux sociaux et un malaise au sein de l’équipe du festival, déjà éprouvée par les récentes turbulences.

Maalouf et son avocate dénoncent une "éviction injuste"

Face à cette décision, Ibrahim Maalouf et son avocate, Me Fanny Colin, ont vivement réagi. L’avocate regrette que "le festival de Deauville sacrifie un innocent sur l’autel du principe suprême ‘The show must go on’ pour des intérêts mercantiles". Elle révèle que le festival a demandé à Maalouf de se "retirer en toute discrétion", ce qu’il a refusé et affirme que "relaxé et reconnu publiquement innocent, c’est tout aussi publiquement et devant les tribunaux qu’il combattra cette éviction injuste et déshonorante pour ses auteurs".

De son côté, Ibrahim Maalouf a exprimé sa colère sur son compte Instagram en écrivant "TROP C’EST TROP. Rdv devant les juges", annonçant ainsi son intention de contester cette décision devant la justice.

Un débat qui illustre les tensions post-#MeToo

Cette polémique autour de l’éviction d’Ibrahim Maalouf du jury de Deauville met en lumière les tensions qui persistent dans le monde de la culture depuis l’émergence du mouvement #MeToo. Même relaxées par la justice, certaines personnalités peinent à se défaire des accusations portées contre elles et voient leur réputation entachée durablement dans l’opinion publique.

Ce cas illustre également la difficulté pour les institutions culturelles de naviguer dans ce contexte post-#MeToo, tiraillées entre la présomption d’innocence, la pression de l’opinion publique et la volonté de promouvoir des valeurs de respect et d’égalité. La décision du Festival de Deauville, si elle se veut un geste fort pour préserver la sérénité de l’événement, n’en reste pas moins controversée et soulève des questions sur la place accordée à la présomption d’innocence dans notre société.

Reste à savoir maintenant si Ibrahim Maalouf mettra ses menaces à exécution et portera cette affaire devant les tribunaux, prolongeant ainsi un débat qui, au-delà de son cas personnel, interroge sur l’équilibre délicat entre justice, réputation et responsabilité des institutions dans un monde profondément transformé par le mouvement #MeToo.