Dans les premières minutes de Costa Brava, Lebanon, la caméra suit le trajet d’un camion chargé d’une statue colossale. Le convoi soulève la poussière d’une route de montagne libanaise, reculée des hommes et de la civilisation. Toutefois, une famille, celle des Badri, s’est établie dans ce paradis terrestre où la nature est luxuriante et appelle à la contemplation. Les parents, Walid (Saleh Bakri) et Souraya (Nadine Labaki), vivent dans leur chalet, en autarcie depuis plusieurs années, avec leurs deux filles, l’intrépide Rim, neuf ans, et son aînée Tala, adolescente rêveuse. La grand-mère indocile et émancipée complète le tableau d’une famille soudée qui passe ses journées dans la quiétude et le bonheur simple de l’autosubsistance. Mais voilà, les Badri ont fui Beyrouth qui est devenue irrespirable à cause de la pollution. Et la statue annonce l’installation imminente d’une décharge, soi-disant écologique, de l’autre côté de leur clôture. Leur passé douloureux dans la capitale les rattrape incontestablement. De multiples doutes les tourmentent: doivent-ils fuir à nouveau la pollution et la corruption inhérente à ce projet dévastateur, ou bien lutter ensemble pour ne pas se laisser envahir par la décharge et ses relents nauséabonds? À mesure que l’intrigue se tisse, la décharge gagne aussi du terrain sur leur vie intime. Les regrets, les non-dits et les tensions entre les membres de la famille viennent s’amonceler aux tas d’ordures qui les encerclent désormais.

Mounia Akl, jeune et talentueuse réalisatrice libanaise, nous offre de beaux moments chargés de poésie et empreints de réalisme magique. Mais c’est aussi un cinéma engagé. Le film fait écho à une crise que le Liban a subie en 2015. Beyrouth s’était en effet retrouvée sous des tonnes de déchets, par manque de décharges, révélant des autorités corrompues et incapables de gérer la situation sur le long terme. La question écologique est devenue une réelle problématique au Liban, s’ajoutant aux difficultés politiques et économiques. L’explosion de 2.750 de nitrate d’ammonium dans le port de la capitale le 4 août 2020 nous l’a tristement rappelé.

Costa Brava, Lebanon a été primé par le Jury lycéen à l’occasion du 39e Festival international du premier film d’Annonay (Ardèche) en 2022. C’est une preuve supplémentaire de sa qualité, tant il est difficile aujourd’hui de séduire un jeune public. Le film sort en salle le 29 juin 2022. Nous ne pouvons que conseiller d’aller le voir pour le plaisir, mais aussi afin de soutenir un cinéma libanais libre et indépendant.

Marine Moulins