Ennio Morricone se confie, de l’enfance aux Oscars, et des stars comme Bruce Springsteen témoignent de son influence: Ennio, documentaire de Giuseppe Tornatore (Cinema Paradiso), sort deux ans après la disparition du génie de la bande-originale.

" Ennio m’apprend toujours des choses " souffle Springsteen dans ce film, présenté à la Mostra de Venise en 2021 et déjà sorti en Italie. Le " Boss " raconte, qu’adolescent, il court acheter sa première bande-originale après avoir vu The Good The Bad And The Ugly, mis en scène par Sergio Leone et mis en musique par Morricone.

Ennio, qui a nécessité cinq ans de tournage et plus de 70 interviews, ne se focalise pas sur le tandem Leone-Morricone – six films alors que le compositeur a signé plus de 500 partitions pour le cinéma – mais aborde évidemment cette association légendaire.

Quand Leone, qui prépare For a Few Dollars More (pour une poignée de dollars), se rend chez le musicien pour le démarcher, ce dernier le reconnaît. Ils ont été à l’école ensemble.

Morricone, filmé chez lui, revient sur ce cinéaste qui lui parlait " en détail " en amont. Résultat, la musique collant aux personnages centraux et scènes majeures est enregistrée avant le tournage et diffusée sur le plateau quand les comédiens jouent.

Leone raconte dans une archive que Robert de Niro lui confesse un jour : " Je tiens à la musique, ça m’aide ". On le voit et on l’entend dans un bout de making de Once upon a time in America avec l’acteur américain.

Il y aura d’autres coups d’éclat. Joan Baez se souvient comment Morricone lui dit en passant " qu’il manque quelque chose " pour la B.O. de Sacco et Vanzetti et lui souffle la mélodie de Here’s to you, passé à la postérité.

Une reconnaissance tardive

Pourtant, la reconnaissance fut tardive. Morricone reçoit d’abord un Oscar d’honneur en 2007 avant d’être finalement récompensé à 87 ans en 2016 pour la B.O. des The Hateful Eight (Les huits salopards) de Quentin Tarantino, fan absolu de The ecstasy of gold, titre iconique du Bon, la brute

Morricone révèle au passage que la musique de The Sicilian Clan (Clan des Siciliens) fut la plus difficile à composer alors que celle de Mission -qu’il avait d’abord refusé en visionnant le film, ne sachant pas quoi ajouter aux scènes du massacre des indigènes – ne lui a pris que deux mois.

Les témoignages des cinéastes sont savoureux. Oliver Stone décrit un coup de sang de Morricone, furieux que le cinéaste lui demande de s’inspirer de Tom et Jerry pour la musique de U-Turn

L’Italien rabrouera aussi Tarantino qui en fait l’égal de Mozart ou Beethoven. Pour Morricone, il faut attendre 200 ans pour faire ce genre de comparaison.
Terrence Malick se rappelle d’une séance d’enregistrement en studio où lui et Morricone sont séparés par une vitre. En même temps, ils jouent à distance aux échecs et le compositeur, qui a mémorisé la grille, bat le réalisateur.

Morricone émeut à plusieurs reprises dans Ennio. Comme quand il mentionne le snobisme de ses pairs du conservatoire, pour qui son œuvre est commerciale. Il regrette aussi de ne pas avoir travaillé avec Stanley Kubrick pour Clockwork Orange (Orange Mécanique) car Leone le garde jalousement pour lui.

Et il évoque l' "humiliation " de n’être qu’un simple trompettiste (comme son père) à ses débuts, alors qu’il rêve de grande musique. Il la fera tout de même passer dans ses B.O., en citant Bach ou Stravinsky, y compris dans des westerns.

AFP