Les coachs sont décidément un phénomène de mode devenu, pour beaucoup, incontournable. Les couples qui vont mal se font coacher, dans l’espoir de différer l’ultime altercation qui mettrait un point final à leur différend conjugal, à savoir la rupture consommée. Les accros de la clope voient en eux des marabouts/guérisseurs qui viendraient à bout de leur addiction. Quant aux personnes qui se cherchent sans se trouver, elles se tournent vers ces nouvelles encyclopédies ambulantes du savoir (bien) vivre, dans l’espoir de se réaliser dans quelque domaine que ce soit, et de trouver enfin un fil conducteur qui les conduira comme de fidèles pèlerins vers des buts qui donneront un sens à leur vie. Les coachs, c’est Alice au pays des merveilles dispensé à un tout un chacun. On les trouve à chaque coin de rue.
En quelques sessions/formations, les voilà catapultés dans le rôle de faiseurs de destin et de défaiseurs de sort. Aujourd’hui, le nec plus ultra, c’est d’avoir un coach, voire plusieurs, dépendamment des faiblesses à doper. La panoplie est en effet très riche et l’action à large spectre. On se propose de prendre en charge le plus faible de vos muscles jusqu’au plus paresseux de vos neurones. Quant à votre affect, il sera régi par des règles planifiées et préétablies (mais attention, on fait dans le sur-mesure) auxquelles il n’est absolument pas question de se soustraire, sous peine de voir la mission tomber à l’eau (et assister live au naufrage de votre vie). Aujourd’hui, il n’est plus question de faire un travail sur soi en profondeur: on veut un soulagement immédiat à une souffrance très enfouie. En effet, pourquoi chercher midi à quatorze heures lorsque la solution se trouve là, en quelques séances chrono? Mais ce que les "coachés" ne savent pas, c’est qu’en pressant sur le bouton "SOS urgence", ils ne font que panser superficiellement des blessures profondes et purulentes qui se réveilleront immanquablement un jour, à la manière d’un volcan endormi, mais toujours en activité, qui crachera sa lave. Les solutions rapides sont synonymes de travail bâclé. Le facteur temps est à prendre en considération, parce qu’il est le seul habilité à démontrer une (véritable) amélioration dans la durée. Seulement, le monde se noie dans un consumérisme affolant, générant une société désormais accro au fast-food, au fast-feet et au fast-feelings. On aspire à des marathons supersoniques alors que l’on peine à franchir le seuil de sa maison. Et comme tout le monde va mal, au Liban encore plus qu’ailleurs, la liste de coachs en tout genre enfle comme une rumeur infondée. On se bouscule pour se trouver le/la meilleur(e)! Et on en devient si dépendant que le fait d’acheter un bouquet de fleurs (lorsque le budget le permet) devient sujet à discussion: vont-elles ou non véhiculer les bonnes énergies? That is the question! Mais là où ça devient pathétiquement risible, c’est que ce phénomène a tellement pris que moult personnes se sont empressées de se jeter dans des sessions de formation accélérées qui feront d’elles des dalaï-lamas en puissance. Le problème, voire la catastrophe, réside justement là: si tout le monde est devenu "coach", qui reste-t-il "coacher"? Cette théorie fait un pied de nez à l’illustre proverbe qui dit que "nul n’est prophète en son pays". Les coachs, eux, ont la vie longue chez nous. Ils promettent de remettre vite fait les pendules à l’heure. Et comme on est devenu, au Liban, beaucoup plus regardant côté bourse, on se tourne du côté de ces druides, qui font néanmoins partie de la liste des superflus luxueux, logés à la même enseigne qu’un dîner bien arrosé dans un bon restaurant… pain inclus.