Yoshi Oïda est né en 1933 à Kōbe et est formé en philosophie et au théâtre japonais. Il est metteur en scène, écrivain et acteur et avait laissé derrière lui ses expériences de théâtre nô au Japon et suivi Peter Brook 40 ans durant, dans ses recherches expérimentales théâtrales ainsi que ses innovations, performances et créations scéniques notamment dans son Théâtre des Bouffes du Nord. Lors d’une croisée de chemins à Paris, Yoshi Oïda avait partagé ses idées sur le théâtre et la vie, avant que Peter Brook ne déserte… Des mots intemporels qui resteront. 

" Je l’ai rencontré en mai 1968. Je fus son disciple depuis. Il est parti sans moi. Je n’ai plus l’énergie de continuer à travailler. Je veux juste suivre maintenant. " Ces mots sont ceux que Yoshi Oïda partage sur les réseaux sociaux, après le décès de Peter Brook, le metteur en scène britannique installé en France depuis 1974 et récemment décédé à 97 ans, visionnaire, géant du théâtre et dompteur de " L’espace vide ".

Yoshi Oïda entre au CIRT, Centre International de Recherche Théâtrale, fondé par Peter Brook et participe à ses spectacles renommés au Théâtre des Bouffes-du-Nord. Il joue aussi au cinéma pour Peter Greenaway et Martin Scorsese… Il met en scène théâtre, danse et opéras. Lui-même auteur inspirant et philosophe, il écrit trois livres autobiographiques portant théoriques et guides de l’acteur ; L’acteur Flottant, L’acteur Rusé et l’acteur Invisible. Comme le décrit Peter Brook, " Il montre que les mystères et les secrets du jeu de l’acteur sont inséparables d’une science très précise, concrète et détaillée, acquise dans le feu de l’expérience. "Il participe à des conférences et ateliers et joue dans du théâtre contemporain comme Sleeping, un spectacle onirique basée sur une réécriture du roman Les belles endormies de Yasunari Kawabata et mise en scène par Serge Nicolaï au Théâtre du Montfort dans lequel il tient le rôle principal, s’adonnant à une expérience onirique contemporaine imprégnée de l’art japonais, celui des masques, du Nô et du Kabuki.

À l’issue de cette pièce, Yoshi Oïda atteste qu’il n’existe pas de limites entre les civilisations… ni entre la vie et la scène. Le théâtre non plus ne connaît pas de frontières et tout revient à une seule et même expérience : être Humain.

Interview express avec Yoshi Oida

Où est la limite entre le théâtre et la vie ?

Autrefois toute ma vie était théâtre. Je vivais pour le théâtre. Actuellement, le théâtre m’apprend à vivre quotidiennement. C’est une étude de la vie.

Vous avez longtemps fait du théâtre avec Peter Brook et joué au cinéma avec Peter Greenaway et Michael Scorsese. Y a-t-il une différence pour vous entre un acteur de théâtre et un acteur de cinéma ?

Au théâtre on cherche à expliquer qu’est-ce que l’être humain, quelle est sa beauté. Le cinéma relève aussi le même but ; une recherche perpétuelle sur l’humain. Pour moi, il n’y a pas de différence.

Ayant écrit des livres de témoignages sur la philosophie du théâtre (L’Acteur Flottant, L’Acteur Rusé, L’Acteur Invisible), comment décrivez-vous votre expérience de comédien sur scène ?

J’étais comédien durant 70 ans et ai gagné de l’expérience au théâtre. J’ai mis sur papier, tout mon ressenti et mon vécu, comme un documentaire. Mon expérience est écrite pour guider les comédiens des jeunes générations. Au théâtre, on ne s’arrête pas, on apprend toujours…

Quelles sont vos réflexions sur la vie, l’être humain ?

L’être humain est très mystérieux. Je ne saurais ni l’imaginer, ni le comprendre, ni le définir. Mais je suis sûr d’une chose ; être humain c’est formidable.

Quel est votre rapport à la vie ?

Je ne pense pas au passé, c’est fini. Le futur, on ne le connaît jamais. La vie c’est maintenant, c’est ce que l’on fait à cet instant précis, au présent. Il y va de même pour le théâtre. Le théâtre c’est le maintenant.

Qu’est-ce qui vous reste de votre expérience avec Peter Brook ?

Comment on peut aller plus loin et ce qu’on peut arriver à comprendre encore plus. Je ne sais pas quelle est la vérité absolue, mais c’est sûr qu’elle existe (j’espère). Le travail avec Peter Brook consistait d’ailleurs à chercher la vérité et à éviter les clichés culturels et les habitudes.

A-t-il été facile pour vous d’aller vers la culture occidentale, ayant été formé au Japon ?

J’ai travaillé presque 50 ans dans chacune des deux cultures…

Vous gardez donc les deux en vous ?

Avec Peter Brook, le travail s’est surtout fait à l’international. Je n’ai plus conscience de ce qui est oriental ou occidental ; tout se rejoint. Seule l’essence demeure : comment être humain. C’est donc au-delà des limites et des frontières… Au fait, pas au-delà, bien en dessous. C’est chercher dans les profondeurs de l’être et des choses comment être vraiment humain.

Quelles sont les clés de la réussite de l’adaptation théâtrale ?

C’est très difficile de répondre à cela parce qu’il n’existe pas de méthode particulière. Le point de départ est libre. Ensuite, il faut aller au théâtre ! Mais il n’y a pas de méthode guide à suivre.

Quel est votre conseil aux jeunes acteurs ?

Tout est possible, il n’existe ni lois ni méthodes. Chaque personne doit trouver son propre chemin. Bien sûr, le théâtre classique existe. Il se plie à des formes. Mais pour chaque création, il existe une réponse spécifique. Ne restez pas prisonniers de ce qui existe déjà.

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