L’année 2021 était juste une suite de la crise qui a débuté fin 2019. Mais certains chiffres montrent des pertes plus modérées. Pas encore un rebond, faute d’un plan de sauvetage, mais un début de résistance à la descente aux enfers. Explication par thème, basée sur les derniers rapports émis par des organismes locaux et internationaux.

PIB : 22 milliards de dollars. Cette estimation du dernier rapport de la Banque mondiale est le résultat d’une contraction de 11% en 2021, après une chute record de 22% en 2020. C’est la contraction cumulée la plus importante sur 193 pays. L’effet immédiat est que le produit par habitant a été divisé par 2 en deux ans.

Balance de paiement : – 2 milliards de dollars (- 11,6 milliards en 2020). C’est un indicateur de la différence entre les rentrées et les sorties d’argent. L’amélioration relative de cette année provient de la baisse des importations, des droits de tirage du FMI que le Liban a reçu en août dernier, de la vente de quelques filiales de banques libanaises à l’étranger, et de l’ouverture des frontières après le confinement sévère de 2020, ce qui nous a valu un afflux de visiteurs.

Réserves de la BDL : 12.5 milliards de dollars, soit une perte de 6 milliards de dollars en 2021, après une chute de 13 milliards en 2020. Des pertes dues à de multiples raisons, dont la subvention des produits essentiels, dont une bonne partie s’est volatilisée via la contrebande, ou encore le financement de la plateforme sayrafa.

Inflation : 224% (contre 146% en 2020). Le résultat est que les prix ont été multipliés en moyenne par 7 en 2 ans. Il s’agit là aussi d’un record, plaçant le pays parmi les derniers au monde. Le résultat est une paupérisation accrue de la population (jusqu’à 75%).

Dépôts bancaires : -7 % (-12,4% en 2020) pour un total de diminution sur 2 ans de 30 milliards de dollars. Les déposants continuent de retirer leurs dépôts, soit pour éponger des dettes bancaires, soit pour les placer en immobilier, deux pratiques qui ont diminué en 2021 faute de débouchés. Une troisième raison est que, avec l’inflation galopante, les déposants puisaient dans leurs réserves pour financer leurs dépenses courantes.

Actions boursières : +48%. La meilleure performance de la région du Moyen-Orient. C’est l’action Solidere qui a profité le plus (+80%), des déposants ayant préféré sortir leurs actifs des banques et investir ainsi dans l’immobilier, surtout que Solidere a augmenté ses ventes de terrains. Mais les actions bancaires ont également profité de cette embellie, ce qui est paradoxal au vu de leurs pertes récurrentes. En réalité, les actions bancaires ont connu une dévaluation immodérée en 2020 car on craignait des faillites, qui n’ont pas eu lieu en fin de compte.

Immobilier : 110.094 ventes (+34% p/r à 2020). C’est encore une façon pour les déposants de protéger leurs actifs d’un possible haircut. Mais la valeur des ventes a augmenté de seulement 8% à 15,5 milliards de dollars, vu que les transactions se font de plus en plus en dollars frais avec une décote substantielle. Entretemps, les permis de construire, dont les derniers chiffres sur l’ensemble de l’année ne sont pas encore publiés, laissent prévoir un doublement de la surface en mètres carrés. Même si les entrepreneurs ne prévoient pas d’investir dans cette période de marasme économique, c’est une façon pour eux de payer les taxes relatives à un taux minoré, avant une potentielle augmentation en 2022.

Occupation des hôtels : 42%. Tel est le résultat des 11 premiers mois de l’année. C’est mieux que les 23% en 2020. Mais cette amélioration, due à un essor relatif du tourisme, n’a pas profité aux hôtels car le tarif de la chambre s’est effondré, d’une moyenne de 145$ en 2020 à 40$ en 2021, les hôtels ayant été obligés d’agencer leurs tarifs pour leurs clients résidents en LL, qui s’est fortement dépréciée au cours de l’année.

Passagers à l’aéroport : +75% à 4.3 millions. Une amélioration due à un allègement des restrictions sanitaires. Mais on est encore loin de la moyenne de 8 millions de passagers en 2018.

Chèques émis : -32% en valeur et -46% en nombre. Un indicateur de la détérioration des transactions de toute sorte dû à l’effondrement de l’économie, mais aussi à la prédominance du cash dans les transactions.

Endettement public : 99,8 milliards de dollars (+6%). Ce chiffre est cependant peu précis, car il ne prend pas en compte la dépréciation de la LL alors que la dette en LL, qui représente 63% du total, a vu sa valeur réelle diminuer de 95%. Il ne prend pas en compte non plus la dépréciation de la valeur des eurobons sur le marché mondial.

LL en circulation : +48%, atteignant fin 2021 près de 45 trillions de LL. Une augmentation spectaculaire dû aux retraits surévalués des dépôts bancaires, selon les différentes circulaires de la BDL, les déposants pouvant retirer des dollars à 4.000LL, 8.000LL, 12.000LL.

Eurobons détenus par les banques : -50%. Suite au défaut de paiement de l’État en mars 2020, les banques se sont efforcées de se débarrasser de leurs eurobons, même à perte, en faveur des fonds étrangers. Leur montant est passé de 11 milliards de dollars en 2018, à 4,8 milliards fin 2021.

Fonds propres bancaires : -15%. Ces capitaux, qui ont atteint 17.7 milliards de dollars fin 2021, subissent une diminution constante due aux pertes que les banques subissent par l’application de la circulaire 151 qui permet aux déposants de retirer leur argent à un taux majoré, supérieur à la valeur officielle de 1500 LL par dollar.