L’écriture économique semble être pleine de jargon impénétrable, avec des termes intimidants comme ‘’préférence temporelle’’, ‘’utilité marginale’’ ou… ‘’élasticité-prix’’. C’est à ce dernier terme que nous allons consacrer une petite analyse, car cela touche chaque consommateur.

Qu’est-ce que l’élasticité-prix ?

En gros, l’élasticité-prix mesure la sensibilité de la variation de la demande d’un bien avec la variation de son prix. Pour simplifier, supposons que le prix d’un bien augmente de 1%, mais suite à cette augmentation, la quantité achetée diminue de 5%. Dans ce cas, la demande du bien est élastique, c’est-à-dire que la variation de son prix entraine une variation plus importante de la quantité. C’est un cas dit normal ou inférieur, car ces 2 paramètres varient inversement. Dans certains cas, si le prix augmente, la quantité consommée augmente encore plus, et on dit là aussi que la demande est élastique ; il s’agit généralement des biens de luxe (le terme savant, si vous insistez, est dans ce cas le ‘bien de Giffen’).

Inversement, si une variation du prix d’un bien entraine une variation de la demande moins que proportionnelle, on dira que la demande de ce bien est inélastique. Les biens vitaux ou de première nécessité ont généralement une demande inélastique puisqu’ils sont urgemment voulus par les individus, quel que soit leur prix. Prenons le cas de l’essence. Même si le prix de l’essence augmente, les conducteurs continueront d’en acheter, peut-être moins qu’avant dans une première période, mais la diminution ne sera pas enflée, comme l’exemple ci-dessus, et la quantité consommée reviendra à son niveau précédent au bout d’un certain temps. La demande de l’essence est alors inélastique.

Une étude de l’élasticité-prix de la demande est toujours nécessaire pour essayer d’anticiper comment va varier la demande d’un bien ou service si son prix augmente ou diminue.

A quoi bon tout ce baratin ?

Ce phénomène est important dans plusieurs cas de figure, dont par exemple la décision d’un entrepreneur de hausser ou non le prix d’un bien donné… ou encore la décision d’un gouvernement d’augmenter les taxes. Si la taxe de 10% sur un produit donné rapporte 100 millions de dollars, relever la taxe à 20% ne rapportera pas normalement 200 millions de dollars, car l’élasticité fait que la demande va diminuer dans une proportion supérieure à l’augmentation du prix.

Toujours les mêmes sophismes

Le sujet de l’élasticité est particulièrement pertinent au Liban parce qu’il est question de relever les taxes douanières, entrainant une hausse inévitable des coûts.

Deux théoriciens éminents, David Ricardo et Frédéric Bastiat, nous avertissaient, il y a déjà 2 siècles, que ces mesures protectionnistes sont vouées à l’échec alors que le libre-échange est bon pour tous. Les politiciens diront qu’une hausse des tarifs douaniers est essentielle pour encourager la production nationale, mais il faut voir plus loin que le bout de son nez.

Supposons que cette hausse des tarifs stimule réellement la production locale. Dans ce cas, quelles seraient les conséquences ultérieures à long terme ? Pour répondre rapidement : les entreprises locales, ainsi que leurs employés, bénéficieront des mesures protectionnistes… mais au détriment des consommateurs. Ces derniers pourraient à court terme préférer le produit local moins cher. Mais sur le long terme, l’innovation sera étouffée, le progrès sera limité, et les industries locales seraient incapables de rivaliser avec les industries plus développées dans les exports. In fine, les consommateurs locaux finiront par se lasser des sous-produits locaux car leur qualité sera moindre, et ces derniers auront des difficultés à s’imposer sur les marchés extérieurs.

Etude de cas : les États-Unis

Il est consensuel, chez les économistes, que la hausse des taxes douanières est néfaste, mais il y aura toujours des Thomas qui douteront des faits. ‘’America First’’ : la politique économique de Donald Trump était essentiellement protectionniste et consistait à hausser les tarifs. Les premiers tarifs imposés par l’administration Trump concernaient les panneaux solaires et les lave-linge. Les premiers 1,2 million de lave-linge importés seraient taxés à 20 %, puis 50 % au cours des deux années suivantes. Pour les composants de panneaux solaires importés, ils seraient taxés à 30 %, avec un taux dégressif sur quatre ans.

Les résultats étaient prévisibles. Une étude de CNBC a révélé que les tarifs de Trump, en réalité, nuisaient considérablement aux consommateurs. Les chercheurs ont également découvert que ces tarifs réduisaient non seulement le revenu réel des travailleurs américains, mais la croissance du PIB également. D’autres études ont suggéré que les consommateurs américains ont payé environ 817.000 $ de prix surélevés attribuables aux tarifs pour chaque emploi créé dans l’industrie des machines à laver, et 900.000 $ dans l’industrie sidérurgique. Alors qu’il existe des moyens moins coûteux – et moins destructeurs – de soutenir la production locale.

La dernière chose dont le peuple libanais a besoin aujourd’hui est une hausse des taxes douanières engendrant une hausse des coûts et des prix, accompagnée d’une paupérisation encore plus importante. L’inflation qui ne fait que s’aggraver chaque jour est amplement suffisante.

Lire aussi : Liban : Eco-chiffres 2021