La guerre en Ukraine est-elle en train de tourner au profit des Russes? Les bombardements et autres raids aériens effectués par l’armée russe ces derniers jours laissent à supposer que Vladimir Poutine est déterminé à poursuivre à tout prix son offensive. Bien qu’il n’ait pas eu ce qu’il voulait au début de l’invasion, c’est-à-dire une guerre éclair avec une capitulation de Kiev en quelques jours, le maître du Kremlin n’aime pas montrer l’échec de son armée. Afin d’arriver à son but, il a commencé d’appliquer la tactique du siège des grandes villes que ses forces ont déjà expérimentées avec succès, hélas, à Grozny et à Alep. Ceci explique l’acharnement de l’armée sur Marioupol, Tchernihiv ou même Kiev, avec la fameuse attaque de dimanche soir.

Le ministre ukrainien de la Défense Oleksii Reznikov a admis lundi que " la situation est très difficile face à un ennemi très supérieur numériquement ". Reznikov a même évoqué la menace " d’une invasion terrestre de l’armée du Bélarus ", l’allié de Moscou. Selon des informations parvenues lundi à Ici Beyrouth, les bombardements de Tchernihiv samedi viennent renforcer cette thèse. En effet, cette ville n’a pas une importance stratégique primordiale comme les villes de la mer Noire. Elle est située au nord de l’Ukraine, à quelques kilomètres du Bélarus. Elle constitue donc un obstacle à surmonter en cas d’attaque terrestre venant du nord.

Sur le plan diplomatique, la semaine s’annonce déjà très chargée: Joe Biden sera en Europe pour des réunions avec l’Otan, le G7  et l’UE. Le président américain, qui a alerté hier d’une éventuelle vaste cyberattaque russe sur les entreprises et les administrations de son pays, cherchera à renforcer l’union de ses alliés face à la Russie. Par ailleurs, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a réitéré lundi soir sa demande d’une " rencontre ", " sous quelque forme que ce soit ", avec son homologue russe Vladimir Poutine pour " arrêter la guerre " en Ukraine.   M. Zelensky, pour qui, comme il l’a récemment souligné, " sans négociations, on n’arrêtera pas la guerre ", a déjà à plusieurs reprises appelé à une réunion au sommet avec M. Poutine, mais son appel de lundi était particulièrement insistant.  L’Ukraine ne peut toutefois " accepter aucun ultimatum de la Russie ", a-t-il prévenu.  Zelensky a martelé que tout " compromis " dans les négociations avec la Russie serait soumis à référendum dans son pays.  " Je crois que la question de la Crimée (annexée par Moscou en 2014, ndlr) et du Donbass (une région de l’est de l’Ukraine où les séparatistes prorusses ont proclamé deux " républiques ", ndlr) est une histoire très difficile pour tout le monde ", a, par ailleurs admis le chef de l’Etat ukrainien.  " Pour trouver une issue, nous devons d’abord faire le premier pas vers des garanties de sécurité et un cessez-le-feu ", a-t-il noté. Le président paraît ainsi offrir de possibles concessions douloureuses en contrepartie de garanties sécuritaires sérieuses de la part des Russes…

La guerre entre dans Kiev: un centre commercial de la capitale ukrainienne a été ravagé par un bombardement meurtrier russe, Moscou affirmant avoir ciblé une cache d’armes, tandis que l’Union européenne a qualifié lundi la dévastation de la ville assiégée de Marioupol de " crime de guerre majeur ".  Le ministre ukrainien de la Défense Oleksii Reznikov a admis que " la situation est très difficile " face à " un ennemi très supérieur numériquement et la menace d’une invasion terrestre de l’armée " du Bélarus, allié de Moscou, a-t-il ajouté.  L’armée ukrainienne a affirmé lundi que les Russes avaient perdu 15.000 soldats, tandis que M. Zelensky annonçait 1.300 militaires ukrainiens tués le 12 mars, des chiffres impossibles à vérifier. Des sources du renseignement américain citées par le New York Times avancent plus de 7.000 Russes tués.Cherchant à mobiliser toujours plus la communauté internationale, M. Zelensky a appelé lundi l’UE à cesser tout commerce avec la Russie, notamment concernant " les ressources énergétiques ". " Sans commerce avec vous, sans vos entreprises et vos banques, la Russie n’aura plus d’argent pour cette guerre ", a-t-il lancé.

Les Européens, très dépendants des hydrocarbures russes, ont jusqu’ici exclu de sanctionner ce secteur, très important pour l’économie de la Russie.  Et le Kremlin a averti qu’un embargo européen sur le pétrole russe frapperait " tout le monde ".Les cours du pétrole ont bondi de plus de 7% lundi, le Brent européen et le WTI américain repassant tous deux le seuil des 110 dollars le baril, stimulés par la perspective d’un possible embargo européen.Réunis à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l’UE ont décidé de doubler leur soutien financier pour les achats d’armements envoyés à Kiev, après l’épuisement d’une première enveloppe de 500 millions d’euros.  " Aucun train de sanctions ne sera décidé cette semaine ", a déclaré M. Borrell. " Mais des orientations seront données jeudi et vendredi lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement et elle sera suivies par des décisions concrètes ", a-t-il expliqué.Craignant des représailles face aux sanctions, Joe Biden a lui appelé les entreprises américaines à se protéger, " se fondant sur des données en constante évolution des services de renseignement, selon lesquelles l’Etat russe envisage différentes pistes de cyberattaques potentielles ".  Pourraient être visées selon la Maison-Blanche des infrastructures essentielles, majoritairement opérées et détenues par le secteur privé américain.Une intense activité diplomatique attend cette semaine le président américain, qui participera jeudi à Bruxelles à un sommet extraordinaire de l’Otan, une réunion du G7 et un sommet de l’UE. Il se rendra vendredi et samedi en Pologne, principal pays d’arrivée des réfugiés ukrainiens.  Près de 3,5 millions de personnes, essentiellement des femmes et des enfants, ont fui l’Ukraine depuis le 24 février, selon le décompte de l’ONU publié lundi.

A Moscou, le ministère russe des Affaires étrangères a lui estimé que le président Biden avait conduit les relations russo-américaines " au bord de la rupture " par ses déclarations " indignes " visant Vladimir Poutine, qu’il a qualifié de " criminel de guerre ". L’ambassadeur américain a été convoqué lundi.

 

Kiev ciblée par une puissante frappe

Au 26e jour de l’invasion de l’Ukraine décidée par le président russe Vladimir Poutine, les bombardements se sont poursuivis sur nombre de villes: Kiev, Kharkiv, Marioupol, Odessa, Mykolaïv…  A Kiev, un nouveau couvre-feu est entré en vigueur lundi à 20H00 (18H00 GMT) jusqu’à mercredi 07H00.  Depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine, le 24 février, " 65 habitants pacifiques de Kiev, dont quatre enfants, sont morts " et environ 300 personnes, dont 16 enfants, ont été blessées dans " les bombardements des militaires russes ", a déclaré lundi le maire de la capitale, Vitali Klitschko.  Tard dimanche soir, une puissante frappe russe, vraisemblablement un missile, a détruit l’immense centre commercial " Retroville ", dans le nord-ouest de Kiev, secouant toute la ville.

Selon Moscou, le centre commercial " inopérant " servait de dépôt d’armements. " Une batterie de lance-roquettes multiples et une base de stockage de leurs munitions a été détruite avec des armes de précision à longue portée ", a déclaré le ministère russe de la Défense.  L’AFP a vu, sous leur linceul de plastique, six cadavres sortis des décombres. Il s’agissait d’hommes vêtus d’effets militaires, laissant à penser que des soldats dormaient sans doute là.  Les restes d’un énorme bloc moteur, fiché dans le sol et des morceaux de carcasses d’acier vert caractéristiques font inévitablement penser à des engins blindés.  " Mon appartement a vacillé sous le souffle de l’explosion, j’ai cru que l’immeuble allait tomber ", s’étonne encore Vladimir, 76 ans.  De l’avis de tous sur le site, il s’agit de l’attaque la plus violente contre Kiev depuis le début de la guerre.  L’explosion a détruit les vitres de tout le quartier et endommagé une dizaine d’immeubles. Débris, véhicules anéantis et ferrailles tordues jonchaient la scène sur des centaines de mètres, a constaté l’AFP.  D’un immeuble de 10 étages carbonisé, il ne reste que la structure en béton – " les bureaux du centre commercial, heureusement il n’y avait personne ", explique un riverain.

A Marioupol, grande ville portuaire du sud, majoritairement russophone, assiégée et bombardée depuis des semaines par les Russes, quelque 350.000 habitants restent bloqués dans des ruines jonchées de cadavres, manquant de tout.  Moscou avait demandé dimanche aux défenseurs de la ville de " déposer les armes ", mais l’Ukraine " ne peut accepter aucun ultimatum de la Russie ", a rétorqué lundi le président ukrainien Volodymyr Zelensky.  Il a par ailleurs affirmé que tout " compromis " dans les négociations avec la Russie serait soumis à référendum en Ukraine.

Marioupol, cible stratégique pour les Russes, constitue un pont terrestre entre leurs forces en Crimée, au sud-ouest, et les territoires qu’ils contrôlent au nord et à l’est.  Selon l’administration militaire de la région de Donetsk, l’un de ces territoires de l’est, " plus de 80% des infrastructures de la ville sont endommagées ou détruites ". La situation humanitaire y est " extrêmement grave ", selon l’ONU, avec " une pénurie critique et potentiellement mortelle de nourriture, d’eau et de médicaments ".  Pour le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, " ce qui se passe à Marioupol est un crime de guerre majeur ".  " Les bombardements indiscriminés dévastent la ville et tuent tout le monde ", a-t-il dénoncé.

Lundi, M. Biden et les dirigeants français Emmanuel Macron, britannique Boris Johnson, allemand Olaf Scholtz et italien Mario Draghi se sont entretenus par vidéoconférence notamment de la " situation humanitaire critique à Marioupol, et l’urgence d’obtenir un accès sans entrave de l’aide humanitaire ", a indiqué la présidence française.  Le président Zelensky a lui accusé la Russie de " tout simplement détruire " la ville. " Ils la réduisent en cendres, mais nous leur survivrons ", a-t-il assuré, dans une vidéo publiée lundi soir.  Dans la journée, 3.007 personnes évacuées de Marioupol sont arrivées à Zaporojie, à environ 200 km au nord-ouest, selon la présidence ukrainienne.

Dans la ville occupée de Kherson, dans le sud de l’Ukraine, une manifestation a été dispersée par des tirs d’armes automatiques et de gaz lacrymogène, qui ont fait au moins un blessé, selon des vidéos de deux médias locaux.

Victime collatérale de la guerre en Ukraine: les négociations russo-japonaises sur le sort de quatre petites îles de l’archipel des Kouriles. Moscou a annoncé lundi abandonner les pourparlers, arguant de la " position inamicale " de Tokyo face au conflit en Ukraine.

En Russie, où les autorités visent un contrôle total de l’information en ligne, ce sont les géants américains des réseaux sociaux Facebook et Instagram qui ont été interdits lundi pour " extrémisme ".  Le régulateur russe des médias a aussi bloqué l’accès au site de la chaîne française Euronews.

Avec AFP