" La neutralité que nous réclamons est en tout cas un élément structurel de la composition du Liban et inhérente à sa position géographique et son legs pacifique ", a déclaré le patriarche Béchara Raï lors de son homélie à l’occasion de la fête de Saint Maron. 

L’homélie que le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, a prononcée le mercredi 9 février à l’occasion de la fête de Saint Maron a constitué un pas de plus, et non des moindres, dans la lutte menée par Bkerké en vue de sortir le Liban de la crise existentielle dans laquelle il se débat. Le cardinal Raï a renouvelé son appel en faveur de la neutralité du Liban, soulignant à ce propos que l’État libanais n’a pas été fondé pour être " l’ennemi de son environnement et de ses pays frères et amis, et être en définitive l’ennemi de lui-même ", de même qu’il n’a pas été fondé pour être " une rampe de lancement de missiles ", dans une allusion à peine voilée à l’arsenal militaire du Hezbollah.

Le patriarche Raï a en outre évoqué les cinq priorités auxquelles devrait aspirer le peuple libanais : la tenue des législatives et de l’élection présidentielle dans les délais constitutionnels ; la révélation de la vérité sur la double explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020 ; l’accélération du processus de réformes et de l’accord avec le Fonds monétaire international sur base d’un plan réaliste et global susceptible de mettre fin à l’effondrement du pays ; la poursuite de l’application de l’accord de Taëf tout en remédiant aux failles qui en ont résulté et l’application des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies pour que le Liban restaure sa souveraineté sur l’ensemble du pays ; et l’adoption de la neutralité positive comme fondement des relations extérieures, seule garantie de l’unité, de l’indépendance et de la souveraineté du Liban.

L’homélie du patriarche a suscité différentes réactions parmi les responsables politiques, recensées par Ici Beyrouth.

► Pierre Bou Assi, député de Baabda, membre du bloc des Forces libanaises (FL) : " Ce qui m’a le plus retenu dans l’homélie du patriarche Raï aujourd’hui (mercredi 9 février), c’est qu’il a rappelé que le choix de l’État libanais, et plus précisément du Grand Liban, n’a pas été un accident de l’Histoire mais un choix délibéré fait principalement par les maronites à un moment où ils avaient le choix. Ils y tiennent toujours. La liberté et la dignité sont les piliers de l’existence de cette communauté depuis qu’elle existe. La pérennité du pacte de coexistence entre les composantes libanaises, le rôle incontesté de sa communauté chrétienne et la loyauté exclusive au Liban sont les trois piliers de notre Nation. La neutralité du Liban est la garantie de l’immunité du Liban face aux résonances internes des conflits et autres intérêts régionaux ".

► Hadi Abou el-Hosn, député, membre du bloc du Parti progressiste socialiste (PSP) : " Nous saluons les positions purement nationales du patriarche Raï et nous tenons à souligner l’importance de la tenue des élections dans les délais prévus, ainsi que le respect du droit des expatriés à participer au scrutin. Nous appuyons aussi la position de Mgr. Raï concernant la levée des immunités dans l’affaire de l’explosion du port de Beyrouth. Nous soutenons le principe de neutralité sur lequel insiste le Patriarche, mais faisons une exception au sujet de la cause palestinienne car c’est une cause qui est liée à l’intérêt libanais, au même titre que le retour des réfugiés syriens en Syrie. Quant aux résolutions internationales, elles nécessitent un environnement propice à leur application et le Liban est actuellement incapable de l’assurer car leur mise en œuvre ne dépend pas de lui ".

► Farès Souhaid, fondateur du Rassemblement de Saydet el-Jabal et ancien député : " L’Église maronite a voulu rendre une faveur au président de la République lors de la dernière année de son mandat, pour éponger ce qui a été dit l’année dernière par l’archevêque Paul Abdel Sater. C’était une décision préméditée de l’Église et j’en suis mécontent. Cette homélie traitait de thèmes généraux et non pas épineux, en dépit du fait que tout le parterre politique – dont le président de la République, le président de la Chambre et le Premier ministre – était présent pour la Saint Maron. C’était donc le moment idéal pour retenir leur attention. C’était une homélie aseptique, comme un repas à l’hôpital : les quantités de sel, de sucre et de gras sont mesurées et il n’y avait rien de juteux !  "

► Moustapha Allouche, vice-président du courant du Futur et ancien député : " Le patriarche s’est exprimé aujourd’hui au nom de tous les Libanais en quête de paix, de stabilité et de prospérité. Ce projet ne peut être réalisé que si la souveraineté et le monopole de la force armée sont entre les mains de forces légitimes pour entretenir et préserver nos relations avec la communauté internationale ".