Lorsque le médiateur américain Amos Hochstein, chargé du dossier de la délimitation des frontières maritimes entre le Liban et Israël, a entamé sa mission à Beyrouth, mardi dernier 8 février, le commandement du Hezb avait déjà pris position sur ce plan, rejetant d’emblée les nouvelles propositions de l’émissaire US. Cette attitude négative a été exposée par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a affirmé, dans sa dernière interview accordée à une chaîne de télévision iranienne, qu’il ne saurait être question " de normalisation, de coordination ou de coopération " avec l’État hébreu.

Le rejet de toute normalisation avec Israël pourrait d’ailleurs être le leitmotiv de la campagne électoral du Hezbollah lors des prochaines élections législatives de mai prochain. En prélude à cette campagne, le Hezb a lancé ces derniers jours des attaques frontales contre tous ses adversaires, les accusant d’œuvrer en coulisses en vue d’engager le pays sur la voie de la normalisation avec Israël. Les dirigeants du parti pro-iranien affirment que la nouvelle mission de l’émissaire américain avait précisément pour but de relancer les négociations libano-israéliennes à Nakoura, sous l’égide des Nations-Unies et avec le soutien du médiateur américain.

Ces négociations avaient été suspendues à la suite de la modification de la position officielle libanaise qui a affirmé que la délimitation des frontières maritimes ne doit plus se faire sur base de la ligne 23 mais plutôt de la ligne 29. À la demande du président Michel Aoun, une lettre en ce sens a été envoyée aux Nations Unies.

En adoptant ainsi la ligne 29 comme point de départ pour la délimitation des frontières, la zone litigieuse s’agrandit de 1460 de kilomètres carrés, auxquels s’ajoutent la superficie de 860 kilomètres carrés autour desquels étaient axées les négociations avant que le Liban joue la carte de la ligne 29.

Subit revirement de Aoun

Mais coup de théâtre à la fin de la semaine dernière : dans une interview au quotidien al-Akhbar reflétant la ligne politique du Hezb, le président Aoun a lâché une véritable bombe en soulignant que la frontière maritime est basée sur la ligne 23.

Le fait que le chef de l’État ait adopté cette position après la nouvelle mission de l’émissaire américain a laissé libre cours à toute sorte de supputations portant sur les raisons de ce subit revirement de la position du président Aoun. L’un des officiers supérieurs de l’armée qui conduit la délégation libanaise aux négociations (indirectes) avec Israël, le brigadier à la retraite Bassam Yassine, a publié à ce sujet un communiqué dans lequel il exprime son étonnement concernant le revirement de la position du président Aoun, relevant que le chef de l’État avait adressé une note aux Nations Unies soulignant que le Liban considère que sa frontière maritime est basée sur la ligne 29.

Le Hezbollah souligne pour sa part qu’il reste attaché à l’adoption de la ligne 29. Un nouveau point de discorde pourrait de ce fait poindre à l’horizon au niveau des rapports entre le parti chiite pro-iranien et la présidence de la République. Le Hezbollah pourrait en effet tenter d’empêcher l’État central d’aller trop loin dans les négociations avec Israël, même au prix d’un gel de la délimitation des frontières maritimes.