Notre propos n’est pas de défendre une personne déterminée, un établissement précis ou un secteur donné. L’enjeu aujourd’hui n’est pas de défendre Raja Salamé, la Fransabank ou les banques, en général. L’enjeu est de défendre tout simplement le bon sens, le droit du citoyen lambda à vivre une vie normale, à ne pas faire les frais des manœuvres et des desseins obscurs du régime et de ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre, en l’occurrence le Hezbollah, pour le compte de son mentor régional.

La décision de saisir les biens de cinq grandes banques de la place, la mise sous scellés du siège de la Fransabank et de ses agences, mercredi, et l’arrestation, jeudi, de Raja Salamé, le frère du Gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé ne sont certainement pas des mesures fortuites, sans lien entre elles, ou isolées d’un contexte global bien précis.

Cela fait plusieurs années que le secteur bancaire est la cible d’une cabale sans relâche et que les propriétaires et PDG des principaux établissements bancaires sont l’objet d’une véritable chasse aux sorcières, parallèlement à des menaces et des actions d’intimidation. Cette " croisade " a débuté en 2016 et s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui sous le coup des attaques frontales lancées depuis plus de six ans par les dirigeants du parti pro-iranien.

Les attaques répétées et soutenues contre le Gouverneur de la Banque du Liban cachent mal une volonté de l’axe Hezbollah-CPL de nommer un gouverneur qui lui soit acquis et qui serve les intérêts partisans et réducteurs des deux formations. L’arrestation jeudi du frère du Gouverneur, au terme de trois heures d’interrogatoire par la Procureure Ghada Aoun, laisse planer des points d’interrogation sur le véritable objectif de cette interpellation que d’aucuns inscrivent dans le cadre des pressions croissantes exercées contre Riad Salamé afin de le forcer à quitter son poste.

Tout aussi troublante est la mise sous scellés du siège central et des branches de la Fransabank, suite à une plainte déposée par un client qui désirait récupérer son argent en dollars "frais" et non pas par le biais d’un chèque bancaire, comme le proposait la banque en question. Nombre d’observateurs avertis relèvent à cet égard que la banque a fait l’objet d’une mesure radicale de grande envergure au profit d’un seul client, en portant préjudice à tous les autres déposants de l’établissement. Pour donner satisfaction à un seul client, on pénalise des milliers d’autres !

Si l’on applique cette logique aux 63 autres banques de la place, il suffirait que 63 clients portent plainte pour que les 63 établissements soient placés sous scellés ! Et tant pis pour les dizaines de milliers de déposants, et surtout pour l’économie nationale dans son ensemble … Ou ce qu’il en reste.

La mesure prise contre la Fransabank et, d’une manière générale, la cabale lancée depuis plusieurs années contre le secteur bancaire auraient pu relever simplement de l’absurde, n’était le contexte politique du moment, car l’aboutissement d’un tel débordement est la création d’une situation d’instabilité sécuritaire qui aurait pour but final une mainmise encore plus pesante du Hezbollah et de ses alliés, notamment le CPL, sur les différents échelons du pouvoir.

De là à supposer que cette " gesticulation théâtrale " malsaine, comme l’a qualifiée sur un ton critique le Premier ministre Nagib Mikati, vise à créer une atmosphère d’instabilité profonde afin de justifier un report des élections législatives, il n’y a qu’un pas que nombre d’opposants n’ont pas manqué de franchir jeudi soir. Si bien qu’il serait légitime de se demander, au cas où cette supputation se révélerait exacte, jusqu’où le régime et le Hezbollah cherchent-ils à nous entraîner afin de satisfaire leurs desseins hégémoniques.

Ces interrogations et ces appréhensions sont d’autant plus justifiées que la cabale contre le secteur bancaire s’accompagne d’une déconstruction parallèle, ou d’une tentative de déconstruction, de tous les piliers de l’État et des secteurs vitaux du pays, comme le démontre la situation à laquelle sont parvenus la Justice, l’armée libanaise, les administrations, les finances publiques, le secteur hospitalier, l’enseignement scolaire et universitaire (sous le poids de la chute de la monnaie nationale), sans compter d’autres centres vitaux, tels que le port, l’aéroport et le domaine des télécommunications. De sorte qu’il ne s’agit pas aujourd’hui de défendre Raja ou Riad Salamé, la Fransabank ou le secteur bancaire en général, mais de dénoncer et stigmatiser cette vaste entreprise diabolique de déconstruction de tous les secteurs vitaux du pays pour servir les desseins stratégiques du camp pro-iranien.