La Pologne a placé mardi son armée en état d’alerte renforcée après avoir été atteinte par un missile, qui a fait deux morts et pourrait marquer une escalade majeure du conflit en Ukraine avec l’implication d’un membre de l’Otan. L’Ukraine a accusé la Russie, tandis que le président polonais a souligné qu’il n’y avait pas de " preuve univoque " sur l’origine du tir. 

L’armée était mercredi en alerte en Pologne au lendemain de la chute d’un missile dans un village près de la frontière avec l’Ukraine, qui a accusé la Russie, alors que les alliés occidentaux de Kiev, réunis au G20 en Indonésie, sont restés prudents sur une implication de Moscou.

Le président polonais Andrzej Duda a souligné qu’il n’y avait à ce stade pas de " preuve univoque " sur l’origine du tir du missile meurtrier, " très probablement de fabrication russe ". " Une enquête est en cours ", a-t-il relevé, affirmant qu’il s’agissait d’un incident " isolé ".

" Selon une très forte probabilité, nous avons affaire aux conséquences des actions de la Russie. Ces conséquences, pour la première fois depuis le début de la guerre (…) ont touché la Pologne, des citoyens polonais ont été tués ", a souligné mercredi Pawel Jablonski, vice-ministre des Affaires étrangères à l’agence PAP.

Une réunion d’urgence des ambassadeurs de l’Otan a débuté mercredi matin.

Dans le village de Przewodow où le missile a tué deux personnes, les forces de l’ordre ont formé un barrage infranchissable autour de la zone, a constaté l’AFP. Les sirènes policières retentissent sous un ciel gris et pluvieux.

Après l’incident, les Occidentaux ont apporté un soutien prudent à la Pologne, le président américain Joe Biden estimant " improbable " que le missile ait été " tiré depuis la Russie ".

" Je vais m’assurer que nous puissions déterminer ce qu’il s’est passé exactement " avant de décider d’une réaction, a-t-il ajouté, à l’issue d’une réunion d’urgence mercredi des dirigeants des grandes puissances du G7 (Etats-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Canada, Japon), en Indonésie, en marge du sommet G20.

 

Les médias polonais ont montré un fragment du missile qui a frappé le village de Przewodow. (Chaîne Telegram " Truxa ")

 

Mao Ning, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a appelé mercredi " toutes les parties concernées " à " rester calmes et faire preuve de retenue afin d’éviter une escalade ".

Paris appelle aussi à " la plus grande prudence ", " beaucoup de pays " de la région disposant du même type de missile, mettant en garde contre " les risques d’escalade importants ".

Il est " absolument essentiel d’éviter l’escalade de la guerre en Ukraine ", a exhorté le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, réclamant une " enquête approfondie ".

La frappe d’un missile en Pologne " n’est rien d’autre qu’un message de la Russie adressé au sommet du G20 ", a estimé, quant à lui, le président ukrainien Volodymyr Zelensky par visioconférence devant les dirigeants réunis à Bali.

" Provocations " et " théories du complot " selon Moscou

 

 

La Maison Blanche a fait savoir que M. Biden avait discuté avec son homologue polonais et avec M. Stoltenberg. Son secrétaire d’Etat Antony Blinken a parlé avec ses homologues polonais Zbigniew Rau et ukrainien Dmytro Kouleba.

" Nous nous sommes engagés à rester étroitement coordonnés dans les jours à venir alors que l’enquête avance et que nous déterminons les prochaines étapes opportunes ", a tweeté M. Blinken.

Plus tôt, le président ukrainien a exprimé ses " condoléances pour la mort de citoyens polonais victimes de la terreur des missiles russes ".

 

Un bombardier lourd russe Tupolev Tu-95.

 

Son chef de la diplomatie a qualifié de " théories du complot " les allégations, publiées sur internet, selon lesquelles il pourrait s’agir d’un missile ukrainien.

De son côté, Moscou a qualifié les accusations de tirs russes sur le sol polonais de " provocations ".

" Les déclarations de médias polonais et de responsables officiels sur une prétendue chute de missiles russes près de Przewodow relèvent de la provocation intentionnelle dans le but de créer une escalade de la situation ", a réagi le ministère russe de la Défense, sur Telegram.

" Aucune frappe n’a été menée sur des objectifs proches de la frontière ukraino-polonaise " par l’armée russe, affirmait le ministère.

Une aggravation du conflit
Un navire de guerre russe croisant dans la mer Noire tire des missiles de croisière  " Kalibr  " vers des cibles en Ukraine.

 

Si une attaque d’origine russe était confirmée, cela constituerait une aggravation sérieuse du conflit en Ukraine.

L’article 5 du traité de l’Alliance atlantique affirme que si un État membre est victime d’une attaque armée, les autres considèreront cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l’ensemble des membres et prendront les mesures jugées nécessaires pour venir en aide au pays attaqué.

La Pologne, qui partage une frontière avec l’Ukraine, envahie le 24 février par la Russie, est membre de l’Otan. Quelque 10.000 militaires américains se trouvent sur son territoire.

Le président polonais Andrzej Duda. (Chaîne Telegram " Truxa)

 

Le tir est intervenu au soir d’une journée marquée par d’intenses bombardements russes sur les infrastructures ukrainiennes, qualifiés par le président Zelensky de " gifle au visage du G20 ".

Ce sommet se déroule sans le président russe Vladimir Poutine, qui n’a pas souhaité s’y exprimer, même par visioconférence.

Les frappes, qui ont fait au moins un mort à Kiev, ont entraîné des coupures de courant généralisées en Ukraine et jusqu’en Moldavie voisine.

La fumée s’élève au-dessus de Lviv, à l’ouest de l’Ukraine, alors que des missiles russes frappent des infrastructures essentielles dans plusieurs villes du pays.

 

Les attaques russes ont eu lieu quatre jours après l’humiliant retrait des forces russes d’une partie de la région de Kherson, dont la ville du même nom, dans le sud, après plus de huit mois d’occupation.

Signe des difficultés des Russes sur le terrain, les autorités d’occupation dans la région de Kherson, dont Moscou revendique l’annexion, ont dû abandonner une nouvelle ville, Nova Kakhovka.

 

Avec AFP