Une publication qui a fait l’effet d’une bombe et qui a enflammé les réseaux sociaux: une enquête menée par la chaîne américaine CNN révèle des informations sur les traitements sordides subis par les jeunes manifestants iraniens lors de leurs interrogatoires par les forces de l’ordre. Le rapport cite plusieurs cas démontrant que les autorités utilisent " l’arme " du viol pour réprimer les protestataires. Les témoignages de rescapés dénoncent les sévices sexuels exercés aussi bien sur des femmes que sur des hommes mineurs. 

L’enquête de CNN montre comment les autorités iraniennes agissent en toute impunité pour écraser le mouvement de contestation déclenché par la mort de Mahsa Amini.

CNN rappelle que " l’accès des médias à l’intérieur de l’Iran étant sévèrement limité, les enquêteurs se sont rendus dans la région frontalière de l’Irak ". Dans cette région à majorité kurde, " ils ont interrogé des témoins oculaires qui avaient quitté le pays ".

La chaîne précise également qu’elle a " corroboré plusieurs informations faisant état de violences sexuelles contre des manifestants et en a entendu de nombreux autres ". Dans certains des cas, l’agression sexuelle a été filmée et utilisée pour faire chanter les manifestants au silence, selon des sources qui ont parlé aux victimes.

Le premier cas présenté par le média américain est celui de Armita Abbasi, 20 ans, que les forces de sécurité iraniennes semblent l’avoir soumise à certaines des " pires brutalités ", selon les termes de CNN.

CNN souligne que la jeune Armita a, " contrairement à la plupart des dissidents iraniens à l’intérieur du pays ", commis l’erreur de ne pas anonymiser ses messages anti-régime sur les réseaux sociaux, essentiellement sur Twitter.

Selon les informations révélées par CNN, " Abbasi a été transportée d’urgence à l’hôpital Imam Ali de Karaj, une localité proche de Téhéran, accompagnée d’agents en civil. Sa tête avait été rasée et elle tremblait violemment. Dans les récits, le personnel médical qui s’occupait d’elle a parlé de l’horreur qu’ils ont ressentie lorsqu’ils ont vu des preuves d’un viol sauvage ".

 

Selon CNN " lorsque Abbasi est arrivée pour la première fois, (les policiers) ont dit qu’elle avait une hémorragie rectale… en raison de viols répétés. Les hommes en civil ont insisté pour que le médecin précise que le viol avait eu lieu avant l’arrestation ".

Selon l’enquête, " les fuites indiquent un processus hautement secret et fortement contrôlé par les forces de sécurité iraniennes ". Selon les récits divulgués, les forces de sécurité ont fait sortir Abbasi de l’hôpital par une entrée arrière juste avant que sa famille n’arrive pour la voir. CNN ajoute que Abbasi est actuellement détenue dans la tristement célèbre prison Fardis de Karaj, d’après le gouvernement iranien.

Une autre femme kurdo-iranienne, que CNN appelle Hana pour sa sécurité, affirme qu’elle a été à la fois témoin et victime des violences sexuelles pendant sa détention. " Il y avait des filles agressées sexuellement puis transférées dans d’autres villes ", a-t-elle déclaré. " Elles ont peur de parler de ces choses. "

Hana a déclaré à CNN qu’elle a été détenue dans un centre " où il y avait environ 30 à 40 femmes et le reste étaient des garçons ". " Il y avait des enfants aussi jeunes que 13 et 14 ans, capturés lors des manifestations. Ils ont été brutalement blessés. Les filles sont davantage violentées et même agressées sexuellement ".

Livrant les détails de son temps passé en détention, Hana a raconté aux enquêteurs qu’un " officier choisissait une jolie fille, l’emmenait dans une pièce pour être seul avec elle et l’agressait sexuellement. "

CNN souligne que Hana vit maintenant avec ses proches dans le Kurdistan irakien. " Ses cheveux noir de jais tombent jusqu’à sa taille. Un foulard blanc est enroulé autour de son cou. Il recouvre une marque violette où un agent de sécurité l’a violemment embrassée ".

Le rapport de CNN ajoute que le policier assaillait Hana de promesses de liberté alors qu’il faisait fortement allusion à des demandes de faveurs sexuelles. A l’extérieur de la minuscule cellule d’interrogatoire, une bagarre avait éclaté, distrayant le policier.

 

Hana raconte comment une fille avait été enfermée dans une autre salle d’interrogatoire, tandis que son frère adolescent demandait de la rejoindre pour s’assurer que rien " ne lui arrivait ". " La police frappait le garçon avec des matraques. Il gisait par terre, blessé après le passage à tabac ", se souvient-elle. Pendant ce temps, sa sœur hurlait dans la salle d’interrogatoire. Hana dit croire que la femme a été agressée sexuellement.

Dans un autre cas, CNN a reçu le témoignage audio d’un garçon de 17 ans. Il déclare que, lui et ses amis, avaient été violés et électrocutés lors de leur détention après avoir été arrêtés lors des manifestations. Les témoignages entendus par CNN suggèrent que l’agression sexuelle du garçon mineur n’était pas un incident isolé.

 

"Ils ont amené quatre hommes et les avaient battus, criant intensément dans une autre cellule. Un des hommes torturés a été envoyé dans la salle d’attente où j’étais ", a déclaré le garçon à CNN.  " Je lui ai demandé à quoi servaient tous ces cris ? Il a répondu que les policiers violaient les hommes ".

CNN cite également Rebin Rahmani, chef du réseau des droits de l’homme du Kurdistan. Rahmani a déclaré à la chaîne que deux femmes en détention, avec lesquelles il s’était entretenu, avaient été menacées du viol de leurs sœurs adolescentes, qui se trouvaient avec elles dans les mêmes cellules. Les femmes étaient ainsi contraintes à faire des aveux forcés à la télévision.

Roger Barake avec CNN