Après une première visite en 2018, le président français Emmanuel Macron se rend de nouveau aux États-Unis jeudi. Cette visite sera l’occasion de rappeler les liens importants entre les deux pays, mais également d’aborder des dossiers brûlants, comme l’invasion russe en Ukraine. 

Emmanuel Macron se rend cette semaine à Washington pour sa deuxième visite d’État, un " honneur " dont le président français espère profiter pour pousser auprès de Joe Biden son plaidoyer diplomatique sur la guerre en Ukraine et hausser le ton face au protectionnisme américain.

Même endroit, autre ambiance. En 2018, Donald Trump avait invité son jeune homologue pour une rencontre hautement médiatisée entre deux dirigeants qui, chacun à sa manière, s’employaient à casser les codes.

 

Quatre ans plus tard, l’apparat sera le même, jeudi, à la Maison-Blanche — avec les vingt-et-un coups de canon de l’accueil et les fastes du dîner d’État. Mais l’intérêt s’est émoussé : Emmanuel Macron n’est plus une nouveauté, et Joe Biden fascine moins.

Reste que le milliardaire républicain comme l’octogénaire démocrate ont tous deux choisi, pour la première visite d’État de leur mandat, le président français, qui atterrira mardi soir et repartira vendredi après une étape à la Nouvelle-Orléans.

" La France est le plus vieil allié des États-Unis ", rappelle à l’AFP un haut responsable américain. S’il s’attend à des " progrès " sur plusieurs dossiers, " cette visite est avant tout axée sur la relation personnelle et l’alliance " avec ce " partenaire vital ".

C’est " un honneur qui est fait à la France plutôt qu’à tout autre pays européen ", se félicite-t-on, côté français.

Il s’agit d’abord de solder une crise franco-américaine assez rare.

Les dirigeants du G7 lors du sommet de Schloss Elmau, en Allemagne, en juin dernier.

 

Entre Joe Biden et Emmanuel Macron, cela avait mal commencé : en septembre 2021, l’annonce par Washington de l’alliance AUKUS avec l’Australie et le Royaume-Uni avait suscité l’ire de Paris, privé d’un mégacontrat de sous-marins avec Canberra. Mais aussi vexé d’avoir été tenu à l’écart dans une région-clé, " l’Indopacifique ".

Cette visite, " est un peu la queue de comète d’AUKUS " et du rapprochement lancé depuis pour panser ces plaies, explique à l’AFP Célia Belin, chercheuse invitée à la Brookings Institution de Washington.

Selon elle, les Américains ont intérêt à garder un lien étroit avec cet allié qui prône " l’autonomie stratégique " de l’Europe. " Les Français ne sont pas toujours faciles à gérer, mais quand Français et Américains se mettent d’accord, ça fait énormément avancer les choses ".

Dialogue " exigeant "

Au-delà du protocole, l’Élysée espère donc avoir un dialogue " exigeant ". " Nous ne sommes pas des alliés alignés ", relève un conseiller présidentiel.

Tout d’abord sur l’Ukraine. Depuis l’invasion russe, Emmanuel Macron fait entendre une petite musique qui a longtemps agacé le partenaire américain : soutien total à Kiev, mais aussi dialogue avec Moscou pour que, quand les Ukrainiens le décideront, la guerre se termine " autour de la table des négociations ".

Le président Macron en visioconférence avec les dirigeants du G7.

 

Le chef de l’État français continue de concilier cet " en-même-temps " diplomatique en organisant le 13 décembre à Paris une conférence de soutien à la résistance civile de l’Ukraine tout en promettant de reparler, " dans les prochains jours ", à Vladimir Poutine.

Or Washington semble se rapprocher de cette position depuis que son chef d’état-major, le général Mark Milley, a évoqué une possible fenêtre d’opportunité pour des négociations.

Mais Emmanuel Macron veut aussi une " resynchronisation " de la réponse économique, des deux côtés de l’Atlantique, à la crise provoquée par le conflit et, plus largement, en matière de transition écologique et de compétition avec la Chine.

Le principal sujet de friction devrait donc être commercial : Paris cherche la parade à l' "Inflation Reduction Act " (IRA), qui prévoit des investissements massifs pour la transition énergétique – accompagnés de généreuses subventions pour les véhicules électriques, batteries et énergies renouvelables produits aux États-Unis.

Macron et Biden avec Kristalina Georgieva, la cheffe du FMI.

 

" Nous ne resterons pas les bras croisés " face à ce plan d’investissement jugé protectionniste, a assuré la Première ministre française Elisabeth Borne.

Paris se veut toutefois réaliste. Si le président Macron espère obtenir des " exemptions " pour quelques industries européennes, selon l’Elysée, il sait qu’il est improbable que Joe Biden revienne sur l’architecture de ce plan crucial pour son bilan.

L’idée est donc plutôt d’en tirer les leçons pour aller défendre une politique semblable auprès des Européens afin d’éviter des délocalisations massives.

" La Chine privilégie ses productions ; l’Amérique privilégie ses productions. Il serait peut-être temps que l’Europe privilégie ses productions ", a martelé dimanche sur France 3 le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire, déplorant que le Vieux Continent vive " encore dans la mondialisation d’hier ", " ouverte à tous les vents ".

Avec AFP