Les négociations sur le nucléaire iranien, qui semblaient sur le point d’aboutir il y a tout juste une semaine, sont suspendues, alors que la demande par Moscou de garanties supplémentaires a compliqué la donne. En effet, la Russie a exigé que les mesures de sanction imposées par l’Occident à la Russie n’affectent pas sa coopération avec Téhéran, une demande que les Etats-Unis ont qualifié de " hors-sujet " avec l’accord sur le nucléaire iranien. Il est à rappeler que l’Iran s’est rapprochée de la Russie ces derniers mois, refusant de condamner l’offensive russe en Ukraine et rejetant la faute de la situation actuelle sur l’OTAN et sa tentative d’élargissement vers l’Est. Les deux partenaires ont ainsi mené un exercice militaire commun en janvier 2022, tandis que le président iranien Ebrahim Raïsi a échangé un appel téléphonique avec Vladimir Poutine en fin février dernier durant lequel il a qualifié l’invasion russe de " réponse légitime à des décennies de violation des traités de sécurité internationaux par l’Occident". De nombreux observateurs estiment que le conflit en Ukraine pourrait jouer en faveur de Téhéran, qui se placerait potentiellement en substitut de la Russie dans l’approvisionnement énergétique de l’Europe et des Etats-Unis.

Les négociations sur le nucléaire iranien, qui semblaient sur le point d’aboutir il y a tout juste une semaine, sont suspendues, alors que la demande par Moscou de garanties supplémentaires a compliqué la donne.

" Nous devons faire une pause dans les pourparlers en raison de facteurs externes ", a tweeté Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’Union européenne qui coordonne le processus. " Un texte final est quasiment prêt et sur la table ", a-t-il ajouté, disant rester " en contact " avec les différentes parties et les Etats-Unis " pour surmonter la situation actuelle et conclure un accord ".

Il y a tout juste une semaine, les diplomates évoquaient un accord imminent, mais le lendemain Moscou, pilier essentiel des négociations, jetait un froid.

La Russie, frappée par des sanctions occidentales après son invasion de l’Ukraine, a ainsi demandé des garanties américaines que ces mesures de rétorsion n’affecteraient pas sa coopération économique avec l’Iran.

Des demandes jugées " hors sujet " par le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, mais qui ont mis un coup d’arrêt aux discussions.
Téhéran est engagé depuis onze mois dans des pourparlers à Vienne, en Autriche, avec les grandes puissances pour tenter de sauver l’accord de 2015.

Conclu par l’Iran d’un côté, et les Etats-Unis, la Chine, la France, le Royaume-Uni, la Russie et l’Allemagne de l’autre, ce pacte était censé empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique en échange de la levée des sanctions économiques qui asphyxient son économie.
Mais il s’est délité après le retrait en 2018 de Washington qui a rétabli ses mesures contre l’Iran. En réaction, l’Iran s’est progressivement affranchi des limites imposées à son programme nucléaire.

A sa sortie du palais Cobourg, où se déroulent les pourparlers, le négociateur russe Mikhaïl Oulianov a dénoncé " les tentatives de rejeter toute la faute " sur Moscou. " La conclusion de l’accord ne dépend pas que de la Russie ", a-t-il insisté, assurant être en faveur d’une conclusion " rapide ".

De son côté, l’Iran, proche de la Russie, se retrouve dans une position difficile et avait rejeté jeudi la faute sur les Etats-Unis, qui auraient formulé de " nouvelles exigences ".

Vendredi, le porte-parole des Affaires étrangères iraniennes, Saïd Khatibzadeh, s’est voulu rassurant. " Aucun facteur externe ne va affecter notre vœu commun d’un accord collectif ", a-t-il réagi sur Twitter. " La pause peut fournir l’élan pour résoudre les problèmes restants ".
Des experts s’inquiètent cependant d’une " instrumentalisation par Moscou de la question iranienne pour défendre les intérêts nationaux russes face au régime de sanctions de Washington ", selon Clément Therme, universitaire français spécialiste du Moyen-Orient. " Le jeu de la Russie peut être d’obtenir un délai pour la réactivation de l’accord afin d’éviter un afflux de pétrole iranien sur le marché ", qui ferait baisser les cours, explique-t-il à l’AFP. " En maintenant le baril à un prix élevé, le Kremlin peut utiliser l’arme énergétique contre l’Occident ", souligne l’expert.

Les Etats-Unis, qui participent indirectement aux pourparlers, avaient de leur côté réaffirmé jeudi qu’un " accord " restait " proche " .
" Nous exhortons toutes les parties, y compris bien sûr la Fédération de Russie, à se concentrer sur la résolution des questions en suspens pour parvenir à notre objectif commun, qui est de faire en sorte que l’Iran soit empêché de manière permanente et vérifiable d’obtenir une arme nucléaire ", avait insisté le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price.

Avec AFP