Yvan Colonna, un militant indépendantiste corse condamné à la perpétuité pour l’assassinat d’un préfet français, est mort lundi soir des suites de son agression en prison, qui avait entraîné de violentes manifestations dans l’île.

 

Le militant nationaliste de 61 ans se trouvait entre la vie et la mort depuis sa violente agression début mars à la maison centrale d’Arles (Sud), où il purgeait sa peine pour la participation à l’assassinat du préfet Claude Erignac en 1998 à Ajaccio (Corse). Il avait été grièvement blessé par un codétenu islamiste radicalisé, Franck Elong Abé, un Camerounais de 36 ans présenté comme un jihadiste qui s’était acharné sur lui dans la salle de sport de la prison.

Selon plusieurs sources, l’agresseur d’Yvan Colonna avait justifié son acte par le fait que le militant corse aurait blasphémé et " mal parlé du prophète ". Ce dernier avait été victime " d’une strangulation à mains nues puis d’un étouffement " avec un sac plastique. Franck Elong Abé, qui purgeait plusieurs peines, dont une de neuf ans d’emprisonnement pour " association de malfaiteurs terroriste ", a depuis été mis en examen pour tentative d’assassinat terroriste.

Symbole indépendantiste

" Yvan Colonna, patriote corse, bien vivant pour l’éternité! Nous serons toujours à tes côtés ", a réagi sur Twitter, en langue corse, le parti Femu a Corsica de Gilles Simeoni, le président autonomiste du conseil exécutif de l’île. " Yvan Colonna, mort pour la Corse ", a posté, toujours en corse, et encore sur le même réseau social, Core in Fronte, le principal parti indépendantiste.

La mort du militant corse a été doublement saluée en Espagne. Sur Twitter, l’Assemblée nationale de Catalogne a présenté ses " condoléances (…) à l’ensemble du mouvement indépendantiste corse ", tout en redisant son " soutien aux mobilisations contestataires ". " Deux peuples, un combat. Solidarité et condoléances ", a salué de son côté le parti basque Sortu.

L’annonce de ce décès n’a pas bouleversé le calme sur l’île de Beauté lundi soir. À Bastia, seules quelques dizaines de personnes se sont réunies, devant les grilles du palais de justice, où elles ont accroché deux banderoles frappées du slogan " Statu francese assassinu " (NDLR: " Etat français assassin "). Un autre rassemblement avait lieu à Ajaccio, devant la cathédrale, dans le silence.

Le seul message de colère est venu de l’association de défense des prisonniers politiques corses, Sulidarita, qui, via sa secrétaire générale, a tweeté: " Malheur à cet état français assassin ".  L’agression d’Yvan Colonna avait provoqué une explosion de colère, avec des manifestations parfois violentes, à travers toute la Corse, et ce pendant près de deux semaines, derrière un mot d’ordre largement partagé d' "État français assassin ". Ces tensions avaient culminé en émeutes le dimanche 13 mars à Bastia, avec une manifestation qui avait fait 102 blessés, dont 77 du côté des forces de l’ordre.

Cette colère était notamment motivée par la longueur de l’agression d’Yvan Colonna, près de huit minutes, sous le regard d’une caméra de surveillance, sans qu’aucun surveillant ne vienne intervenir. C’est l’agresseur lui même qui avait alerté les gardiens, expliquant que Colonna avait " fait un malaise ".

Vers l’autonomie ?

Quelques jours avant les émeutes de Bastia, après avoir fait la même démarche pour Yvan Colonna, le Premier ministre Jean Castex avait levé le statut de " détenu particulièrement signalé " (DPS) d’Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, les deux autres membres du " commando Erignac " condamnés à la perpétuité.

Le calme est finalement revenu en Corse la semaine passée avec une visite de trois jours du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, visite lors de laquelle ce dernier a promis des discussions avec les élus corses et les forces vives de l’île qui pourraient mener jusqu’à une éventuelle autonomie pour la collectivité. Ce processus de négociations sur l’autonomie de la Corse commencera en avril et devra être conclu fin 2022.

AFP