Les autorités ukrainiennes ont affiché leur optimisme samedi dans la guerre contre la Russie, annonçant avoir repoussé des offensives dans l’Est, alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky recevait à Kiev une délégation de parlementaires américains menée par Mitch McConnell. Le chef de la minorité républicaine au Sénat américain n’a pas fait de déclarations, mais sa visite à Kiev montre le soutien fort de Washington à l’Ukraine. De plus, la visite de McConnell montre que ce soutien américain est bipartisan et n’est pas l’apanage des seuls démocrates.

 

Avancées ukrainiennes à l’est

Au 80e jour de l’invasion de l’Ukraine, les forces russes continuent d’essayer de progresser dans le Donbass, région stratégique de l’Est que des séparatistes prorusses contrôlent partiellement depuis 2014, et dont elles ont fait leur objectif principal depuis leur retrait des environs de Kiev fin mars.

Samedi soir, " les principaux efforts russes sont concentrés sur la préparation d’opérations offensives " autour des localités de Severodonetsk, Soledar et Bakhmout, a précisé le ministère ukrainien des Affaires étrangères, qui observe aussi un effort de la Marine russe pour se renforcer en mer Noire.

Un missile a atterri, sans s’exploser, devant la porte d’une garderie à Lysychansk, à l’est de l’Ukraine

 

Samedi matin, le ministère ukrainien de la Défense recensait une trentaine de bombardements en 24 heures dans la région de Lougansk, une des deux provinces du Donbass avec celle de Donetsk. Dix attaques russes ont aussi été repoussées en 24 heures dans les deux régions, selon l’état-major ukrainien.

Les Russes tentent notamment depuis trois semaines, sans succès, de franchir la rivière Severskyi Donets, au niveau du village de Bilogorivka, dans la région de Lougansk.

Dans ce village quasi désert, une équipe de l’AFP a vu les routes jonchées d’équipements militaires abandonnés.

Il ne restait que trois coins couverts de suie d’une école bombardée, il y a une semaine, une frappe que Kiev présente comme l’un des plus graves crimes commis par les forces russes depuis le début de leur invasion de l’Ukraine, avec 60 civils tués.

Dans cette région de l’Est ukrainien, les Russes ne parviennent pas à faire de " prise significative ", a estimé un responsable américain de la Défense sous couvert d’anonymat.

Selon l’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW), les troupes russes ont poursuivi leurs efforts le long de l’axe Izioum-Donetsk, sans enregistrer de succès majeur. Elles tentent aussi d’encercler Severodonetsk et Lysychansk depuis le nord et le sud, mais la réduction de cette poche, une fois fermée, promettrait un très long combat.

 

 

Contre-offensive ukrainienne à Kharkiv

Plus au nord, dans la province de Kharkiv, les autorités ukrainiennes ont affirmé avoir lancé une " contre-offensive " dans les environs d’Izioum. La ville elle-même, stratégique pour l’offensive de Moscou sur le Donbass, est sous contrôle russe depuis le 1er avril.

La situation semble aussi avoir basculé autour de Kharkiv, deuxième ville du pays. Les forces russes ont dû se retirer de plusieurs localités au nord-est de la ville, selon l’état-major ukrainien.

Dans ce secteur, samedi soir, le ministre ukrainien des Affaires étrangères a précisé que les soldats russes " concentraient leurs efforts sur le maintien de leurs positions, le contrôle des voies d’approvisionnement (…) au nord et à l’est de Kharkiv, ainsi que l’empêchement de l’avancée des troupes ukrainiennes vers la frontière ".

" L’armée russe a probablement décidé de se retirer complètement de ses positions autour de la ville de Kharkiv face aux contre-offensives ukrainiennes et à cause de la disponibilité limitée de ses renforts ", estime l’ISW, selon lequel Kiev " a probablement gagné la bataille de Kharkiv ".

 

Poutine " pourrait annexer le sud et l’est de l’Ukraine dans les prochains mois "

La guerre connaîtra un " tournant " en août et la Russie sera défaite " avant la fin de l’année ", a assuré le chef du renseignement militaire ukrainien, Kyrylo Boudanov, dans un entretien à la chaîne britannique Sky News diffusé vendredi soir.

Mais selon l’Institut américain d’étude de la guerre (ISW), " l’Ukraine et ses partenaires occidentaux ne disposent probablement que d’une fenêtre d’opportunité réduite pour appuyer une contre-offensive dans les territoires occupés " par la Russie. Vladimir Poutine " entend probablement annexer le sud et l’est de l’Ukraine à la Fédération de Russie dans les prochains mois ", selon cet institut.

 

Le temps semble aussi compté pour les derniers combattants ukrainiens de l’aciérie Azovstal, dernière poche de résistance dans le port stratégique de Marioupol, à la pointe sud du Donbass.

Alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a évoqué vendredi des " négociations très difficiles " pour obtenir l’évacuation de 38 combattants gravement blessés – sur quelque 600 blessés au total -, certains de leurs proches ont appelé samedi le président chinois Xi Jinping à intervenir auprès de Vladimir Poutine.

Des sénateurs républicains américains chez Zelensky

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accueilli à Kiev une délégation de parlementaires américains menée par Mitch McConnell, le chef de la minorité républicaine au Sénat américain, selon un communiqué publié samedi par la présidence ukrainienne.

" J’attends avec impatience le soutien américain à de nouvelles sanctions. En outre, nous estimons que la Russie devrait être officiellement reconnue comme un Etat sponsor du terrorisme ", a déclaré durant leur rencontre Volodymyr Zelensky, cité dans le communiqué.

Il a également remercié " les Etats-Unis pour leur leadership dans le soutien à l’Ukraine ", estimant qu’ils ne protégeaient pas seulement son pays " mais aussi les valeurs et libertés démocratiques, le droit des nations à choisir librement leur futur ".

 

Dans son allocution vidéo quotidienne, Volodymyr Zelensky a dans la soirée précisé que " cette visite démontre une fois de plus le solide soutien bipartisan à notre Etat, la puissance des liens entre les peuples américain et ukrainien ", précisant avoir discuté du " soutien financier et militaire " à l’Ukraine et des " sanctions contre la Russie ".

Une vidéo publiée plus tôt dans la journée sur le compte Instagram de Volodymyr Zelensky montrait le petit groupe de parlementaires américains marchant dans l’enceinte du palais présidentiel à Kiev, avant d’être accueillis sur le perron par le président ukrainien. (VOIR VIDÉO)

Outre Mitch McConnell, plusieurs sénateurs républicains expérimentés composaient la délégation américaine. La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, avait déjà effectué une visite surprise à Kiev fin avril, dévoilée le lendemain.

Cette visite intervient alors que le Congrès américain a franchi mardi une première étape vers le déblocage d’une enveloppe faramineuse de près de 40 milliards de dollars pour l’Ukraine, qui doit encore être votée par le Sénat avant d’être promulgué par le président Joe Biden.

 

 

La Finlande dans l’Otan: blocage russe et turc

Hors d’Ukraine, la candidature imminente de la Finlande – et sans doute aussi de la Suède – à l’Otan est le principal point de tension avec Moscou.

Le président finlandais Sauli Niinistö en a officiellement informé samedi Vladimir Poutine par téléphone. " La conversation a été directe et sans détours et s’est passée sans contrariété. Eviter les tensions a été considéré comme important ", a affirmé M. Ninistö, interlocuteur très régulier du président russe ces dernières années.

M. Poutine lui a signifié que le renoncement d’Helsinki à son non-alignement militaire historique " serait une erreur, puisqu’il n’y a aucune menace à la sécurité de la Finlande ", selon le Kremlin.

Moscou a jeudi menacé de riposter avec des mesures " technico-militaires ", sans préciser lesquelles. Dans la nuit de vendredi à samedi, l’exportation d’électricité à la Finlande – environ 10% de la consommation du pays nordique — a été suspendue.

 

La plupart des pays de l’Otan ont apporté leur soutien à une adhésion d’Helsinki, sauf la Turquie qui menace de bloquer.

La Finlande et la Suède ne peuvent être admises dans l’Otan qu’après un vote à l’unanimité de ses membres. Le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu n’a cependant pas complètement fermé la porte et proposé d’en parler avec ses alliés et les pays concernés.

La Turquie reproche à ces deux pays d’abriter des membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation considérée comme terroriste par Ankara (mais aussi par l’UE et les Etats-Unis), et pourrait leur demander des contreparties.

Le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu lors d’une réunion informelle des ministres des AE des pays de l’Otan samedi en Allemagne.

 

" Décommunisation " de Kiev

A Kiev, où la vie quotidienne revient à la normale, le conseil municipal a rebaptisé samedi un emblématique monument soviétique: l’Arche de l’Amitié des Peuples est devenu l’Arche de la Liberté du Peuple ukrainien, a annoncé le maire de la capitale, Vitali Klitschko.

Si de nombreux lieux ou monuments de la capitale sont appelés à être ainsi " décommunisés ", le maire a souligné que la désignation des nouveaux noms impliquerait " des spécialistes ", notamment des historiens, " pour ne pas prendre de décision hâtive ".

Victoire de l’Ukraine à l’Eurovision

L’Ukraine a remporté samedi soir en Italie le concours Eurovision de la chanson, devant le Royaume-Uni et l’Espagne, grâce au vote des téléspectateurs qui ont plébiscité le groupe représentant le pays envahi fin février par les troupes russes.

" Notre courage impressionne le monde, notre musique conquiert l’Europe ", a réagi le président ukrainien Volodymyr Zelensky sur Facebook.

C’est la seconde victoire de l’Ukraine dans ce concours après celle de 2016 – deux ans après l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie – avec Jamala et le titre " 1944 ", une chanson racontant la déportation des Tatars par Staline.

Comme lors des deux demi-finales organisées cette semaine à Turin, une marée de drapeaux bleu et jaune du pays sous la mitraille de l’armée russe a déferlé dans l’arène du Pala Olimpico de la capitale piémontaise où se sont produits les 25 finalistes.

" S’il vous plaît, aidez l’Ukraine et Marioupol! Aidez Azоvstal ", a appelé sur scène le chanteur du Kalush Orchestra, Oleh Psiuk, dont la prestation a été ovationnée.

 

Avec AFP