Premier procès pour crimes de guerre à Kiev

Un militaire russe a plaidé coupable mercredi d’avoir abattu un civil ukrainien, devant un tribunal à Kiev où se tient le premier procès pour crime de guerre depuis le début de l’entrée en Ukraine de troupes de Moscou.

Crâne rasé et vêtu d’un sweat-shirt à capuche, Vadim Chichimarine, 21 ans, a été transféré en début d’après-midi au tribunal de district Solomiansky, où il comparaissait enfermé dans un box vitré. Après la lecture de l’acte d’accusation par le procureur, le juge lui a demandé s’il reconnaissait les faits " dans leur intégralité ".  " Oui ", a-t-il répondu.

Accusé de violation du droit de la guerre et assassinat, le militaire, originaire d’Irkoutsk en Sibérie, encourt la prison à perpétuité.

Le sergent Vadim Chichimarine, 21 ans, dans le box des accusés

Après une courte intervention de son avocat, l’audience a été suspendue. Elle reprendra jeudi avec l’audition de l’accusé, de la veuve de sa victime et de deux autres témoins.

Ce procès, qui devrait être rapidement suivi par plusieurs autres, a valeur de test pour le système judiciaire ukrainien, au moment où les institutions internationales mènent leurs propres enquêtes sur les exactions commises depuis le début de l’invasion russe.

Ce procès envoie un " message clair: aucun bourreau, aucune personne ayant ordonné ou aidé à commettre des crimes en Ukraine n’échappera à la justice ", avait dit sur Twitter la procureure générale d’Ukraine Iryna Venediktova en amont de l’audience.

Ses services ont, selon elle, déjà ouvert plus de 11.000 enquêtes pour crimes de guerre et identifié 40 suspects.

 

" Ces procédures sont beaucoup plus rapides que d’habitude ", quand il faut parfois cinq ans entre un crime et un verdict, selon Olexandre Pavlitchenko, directeur de la branche ukrainienne de l’association de défense des droits humains Helsinki Group. " C’est probablement parce que les motivations sont à la fois légales et politiques ", a-t-il dit à l’AFP.

Pour lui, la question est donc de savoir si " on aura un vrai processus judiciaire ou juste une représentation théâtrale pour le public ". Et la réponse dépendra, selon lui, du sort réservé au sergent Chichimarine après le verdict: purgera-t-il sa peine en Ukraine ou bénéficiera-t-il d’un échange de prisonniers ?

Sans attendre la sentence, ses proches, interviewés par la presse russe, ont commencé à plaider en ce sens. " On est dans une guerre de l’information ", a déploré son père Evguéni, cité dans le journal Nastoïachtchee Vremia, en demandant son retour.

 

Reddition de 959 soldats ukrainiens à Marioupol

Sur le site d’Azovstal à Marioupol, " 959 combattants (ukrainiens) dont 80 blessés se sont constitués prisonniers " depuis lundi, a annoncé mercredi le ministère russe de la Défense.  Des informations que l’Ukraine n’avait pas commentées.

" Les commandants et les combattants de haut rang du (régiment) Azov ne sont pas encore sortis " du dernier bastion de la résistance ukrainienne dans cette cité portuaire, a assuré Denis Pouchiline, un chef séparatiste prorusse. D’après lui, un millier de membres de cette unité paramilitaire intégrée à l’armée ukrainienne s’y terrent toujours.

L’Ukraine avait donné ce même chiffre, mais la semaine dernière.  L’armée russe concentrait mercredi ses efforts " sur le blocage de nos unités près d’Azovstal " avec des tirs d’artillerie et des frappes aériennes, a signalé l’état-major des forces ukrainiennes.

 

Dans les rues de la capitale ukrainienne, la population a rendu hommage aux " surhommes " de ce complexe sidérurgique. Ils " ont réussi des choses impossibles ", a commenté Andriï, 37 ans.

La prise totale de Marioupol, sur la mer d’Azov, constituerait une avancée importante pour la Russie.

Elle lui permettrait de relier par voie terrestre la péninsule de Crimée, que Moscou a annexée en 2014, aux parties du Donbass déjà aux mains de séparatistes prorusses.

 

Grande bataille pour Severodonetsk

Dans l’est de l’Ukraine, " les occupants ont bombardé 43 localités dans les régions de Donetsk et de Lougansk ", provoquant la mort d' "au moins 15 civils ", a affirmé dans la soirée l’armée ukrainienne.

Les Russes tentent une percée près de Popasna et en direction de Severodonetsk, l’une des grandes villes aux mains des Ukrainiens dans cette zone, a averti un haut responsable local.

L’armée russe cherche à " encercler " et à " vaincre " les unités ukrainiennes " afin de prendre le contrôle total des régions de Donetsk, Lougansk et Kherson ", a noté mercredi le ministère ukrainien de la Défense.

 

L’Institut américain des études de la guerre (ISW) a à cet égard évoqué la préparation d’une grande bataille pour Severodonetsk.

L’est de l’Ukraine est l’objectif prioritaire des troupes russes depuis leur retrait des environs de la capitale ukrainienne fin mars.

L’ISW a en outre constaté une intensification des tirs d’artillerie sur les installations frontalières ukrainiennes dans le nord, non loin de Tcherniguiv et de Soumy, ces dernières semaines, dont 70 frappes pour la seule journée de mardi.

 

Le président Volodymyr Zelensky s’est toutefois voulu rassurant : " les forces armées ukrainiennes (…) vont libérer notre terre pas à pas. Combien de temps cela prendra-t-il ? Seule la situation réelle sur le champ de bataille répondra à cette question. Nous tentons de le faire le plus vite possible, c’est sûr ", a-t-il insisté dans son message-vidéo de la soirée.

Dans ce contexte, les pourparlers entre Moscou et Kiev " n’avancent pas ", a jugé mercredi le Kremlin, qui a accusé les négociateurs ukrainiens d' "absence totale de volonté " de parvenir à un règlement politique.

La veille, la présidence ukrainienne avait fait retomber sur la Russie la responsabilité de la suspension des négociations.

 

Washington rassure la Finlande et de la Suède

Les Etats-Unis ont affiché mercredi un soutien déterminé à la demande d’adhésion à l’Otan de la Finlande et de la Suède, promettant d’être à leur côté en cas de " menace " russe et s’activant pour lever l’opposition turque.

Les deux pays nordiques ont soumis mercredi leur candidature formelle.  Historiquement non-alignés, ils ont opéré un revirement spectaculaire depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie fin février, qui a également fait basculer leur opinion publique, auparavant réticente à rejoindre l’Alliance atlantique.

Stockholm et Helsinki ont donc fait le choix de se placer sous la protection militaire des autres Européens et surtout des Etats-Unis, face à Moscou qui n’a pas hésité à attaquer un de ses voisins.

Mais la Turquie agite la menace d’un veto à cet élargissement.

La Première ministre finlandaise Sanna Marin, dont le pays a officiellement présenté mercredi sa demande d’adhésion à l’Otan, a rencontré son homologue italien Mario Draghi dans le cadre d’une tournée européenne. (AFP)

 

Ankara accuse la Suède d’être " la pépinière d’organisations terroristes " comme le PKK kurde et reproche aux deux pays de ne pas approuver les demandes d’extradition de personnes accusées d’être des " terroristes " ainsi que d’avoir gelé des exportations d’armes vers la Turquie.

Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, qui s’est entretenu au téléphone avec le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg, a surtout rencontré mercredi à New York son homologue turc Mevlut Cavusoglu pour tenter de débloquer la situation.

" Nous comprenons leurs inquiétudes liées à la sécurité ", mais celles de la Turquie " doivent aussi obtenir une réponse ", a plaidé le ministre turc, tout en se disant prêt à en " discuter avec les amis et alliés, dont les Etats-Unis ".

" Nous voulons surmonter les divergences par le dialogue et la diplomatie ", a encore assuré, plus globalement, Mevlut Cavusoglu, semblant laisser la porte ouverte à une solution.

 

Après la rencontre, qu’il a qualifiée d' "extrêmement positive ", il a évoqué une médiation américaine. " Blinken a assuré que les Etats-Unis allaient transmettre les messages nécessaires pour dissiper les préoccupations de la Turquie ", a-t-il affirmé.

Plusieurs experts estiment qu’Ankara entend obtenir des contreparties en échange de son soutien aux pays d’Europe du Nord, par exemple en matière d’armement américain — la Turquie négocie l’acquisition de nouveaux avions de combat F-16, un dossier qui avance " de manière très positive " selon Mevlut Cavusoglu.

L’autre question en suspens concernait les garanties de sécurité, autrement dit ce que l’armée américaine est disposée à faire pour voler au secours des néo-candidats en cas de menace russe d’ici à leur entrée formelle dans l’Otan.  Sans entrer dans le détail, les responsables américains ont tenu à faire savoir qu’ils soutiendraient les deux pays.

" Pendant que leurs demandes d’adhésion à l’Otan sont examinées, les Etats-Unis travailleront avec la Finlande et la Suède pour rester vigilants face à toute menace contre notre sécurité commune, et pour décourager et faire face à toute agression ou menace d’agression ", a prévenu Joe Biden.

Réouverture de l’ambassade US à Kiev

Mesure symbolique forte, les Etats-Unis ont rouvert mercredi leur ambassade à Kiev, fermée mi-février avant l’invasion russe de l’Ukraine, a annoncé le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken.  " Le peuple ukrainien, avec notre aide sécuritaire, a défendu sa patrie face à l’invasion irresponsable de la Russie, et, en conséquence, la Bannière étoilée flotte à nouveau sur l’ambassade ", a-t-il déclaré dans un communiqué après la levée du drapeau américain.

Les Etats-Unis avaient décidé de déplacer leur ambassade en Ukraine de Kiev à Lviv, proche de la frontière polonaise, le 14 février, dix jours avant le début de l’invasion russe, avant d’évacuer totalement tout leur personnel du pays.

Antony Blinken a précisé avoir pris des " mesures additionnelles pour renforcer la sécurité " des diplomates américains, sans plus de détails.

Le président américain Joe Biden a nommé une nouvelle ambassadrice des Etats-Unis en Ukraine, la diplomate Bridget Brink, qui doit encore être confirmée par un vote du Sénat.

 

Nouvelle aide européenne de neuf milliards d’euros

La Commission européenne a proposé mercredi une " nouvelle assistance macrofinancière " à l’Ukraine d’un montant " allant jusqu’à 9 milliards d’euros en 2022 ", sous forme de prêts, pour aider ce pays à faire face aux conséquences de la guerre.

L’Union européenne a déjà mobilisé près de 4,1 milliards d’euros pour soutenir l’Ukraine dans le domaine économique, social et financier, selon l’exécutif européen. Dont 1,2 milliard d’euros d’assistance macrofinancière, mais aussi notamment une aide humanitaire. L’UE a également fourni à ce pays une aide militaire de 1,5 milliard d’euros, à laquelle doit s’ajouter une tranche de 500 millions.

L’assistance macrofinancière (AMF) est une aide que l’UE fournit à des pays voisins confrontés à de graves problèmes de balance des paiements, en complément d’une aide du Fonds monétaire international (FMI). Elle peut prendre la forme de prêts à moyen ou long terme, de subventions, ou d’une combinaison des deux. Le FMI a évalué à 14,3 milliards d’euros le déficit de la balance des paiements de l’Ukraine.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a salué ce soutien européen qui " aidera l’Ukraine à gagner la guerre, surmonter les conséquences de l’agression russe et accélérera le mouvement vers son adhésion à l’UE ", dans un message sur Twitter.

Cette aide doit faire l’objet d’une approbation par le Parlement européen et les Etats membres. Elle est soumise à des conditions, notamment le respect des droits humains et un fonctionnement démocratique.

La salle du Conseil européen à Bruxelles lors d’une réunion de la Commission

 

Le gouvernement ukrainien estime avoir besoin de cinq milliards de dollars par mois pour continuer à faire fonctionner l’économie du pays, avait rappelé le ministre ukrainien des Finances Serguiï Martchenko la semaine dernière, demandant aussi aux donateurs internationaux de réfléchir au financement de la future reconstruction du pays.

Le Congrès américain a franchi la semaine dernière une première étape vers le déblocage d’une enveloppe de près de 40 milliards de dollars pour l’Ukraine, qui doit encore être votée par le Sénat avant promulgation par le président Joe Biden.

Sur le long terme, la présidente de l’exécutif européen a également évoqué la question de la reconstruction du pays, soulignant que " l’Union a une responsabilité et un intérêt stratégique à mener cet effort " qui devra aussi associer des donateurs et des institutions financières internationales.

Pour le mener à bien, elle a proposé la création d’une " plateforme de reconstruction ", pilotée par l’Ukraine et la Commission, pour " assurer une synergie maximale entre tous les efforts ".

Pour financer cette reconstruction, la Commission a évoqué l’option d’un emprunt commun, sur le modèle du plan de relance post-Covid mis en place par les Vingt-Sept en 2021.

L’ambassade de France à Moscou

 

Diplomates européens expulsés en masse par Moscou

La Russie a annoncé mercredi expulser des dizaines de diplomates français, italiens et espagnols en représailles aux expulsions similaires de diplomates russes décidées dans la foulée de l’offensive russe en Ukraine, suscitant les protestations des capitales européennes.

Au total, 34 diplomates français doivent quitter la Russie d’ici deux semaines, alors que 27 diplomates espagnols ont sept jours pour quitter le pays, 24 diplomates italiens ayant eux huit jours pour partir, a indiqué la diplomatie russe dans des communiqués séparés.

La Russie a également annoncé mercredi fermer le bureau de Moscou de la radio-télévision canadienne CBC et l’annulation des accréditations et visas de ses journalistes, en réplique à l’interdiction de diffusion de chaînes du groupe russe RT au Canada.

" CBC est devenu un mégaphone de propagande " antirusse, a affirmé, lors d’un briefing hebdomadaire, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova.

La France avait annoncé en avril l’expulsion de 41 diplomates russes qui se livraient selon elle à des activités d’espionnage sous couvert de leur ambassade, précisant que la sanction s’inscrivait dans " une démarche européenne ".

et celle de l’Espagne

 

De nombreux autres pays européens, comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Slovénie, l’Autriche, la Pologne, la Grèce ou la Croatie, ont massivement expulsé des diplomates russes depuis le début de l’offensive russe en Ukraine le 24 février. Dans certains cas, ces expulsions ont été accompagnées d’accusations d’espionnage.

L’Italie a qualifié mercredi d' "acte hostile " l’expulsion par Moscou des diplomates européens, mais appelé à ne pas rompre les canaux diplomatiques avec la Russie.

Dans ce contexte de tensions sans précédent entre les Russes et les Occidentaux, les élus municipaux de Moscou ont proposé mercredi de baptiser " Place des Défenseurs du Donbass " une zone – jusqu’ici sans nom – située devant l’ambassade des Etats-Unis dans la capitale russe.

En 2018, une portion d’avenue longeant l’ambassade de Russie à Washington avait été officiellement baptisée " Boris Nemtsov Plaza ", en mémoire de l’opposant russe assassiné à Moscou en 2015.

L’aide européenne a plusieurs formes: militaire, financière, humanitaire, et même technico-légale, à l’image de ce policier lituanien lors d’une mission d’investigation de crimes de guerre à l’est de l’Ukraine