Troisième volet de notre enquête sur le basket libanais: les diffuseurs TV et numériques de ce sport. Ils s’accordent tous sur le fait que la rentabilité des programmes de basket libanais est difficile, spécialement en ces temps de crise, tout en louant les retombées positives en termes d’image et les bienfaits sociétaux de leurs partenariats.

Le Liban passe par une crise économique sans précédent. Preuve que le basket résiste bien à la crise, les droits TV et numériques du championnat de basket libanais, ont pu – certes au rabais – trouver preneurs. L’investissement dans le sport résiste généralement bien à la crise, du fait qu’il peut être guidé par des considérations qui ne sont pas qu’économiques, mais aussi une recherche d’amélioration de l’image et la notoriété d’un média.

Habib Ghobril, le directeur général de la MTV, chaîne détentrice des droits TV du championnat de basket libanais pour cette saison et jusqu’en 2024 (pour un montant total de 700.000 dollars), indique dans un entretien à ICI Beyrouth qu’"un des objectifs de cet investissement est sociétal. Nous essayons d’abord d’aider et d’encourager le sport. En effet, comme partout dans le monde, quand il y a un sport développé, les externalités sociétales sont positives avec notamment moins de délinquance. Nous investissons dans le sport pour le bien-être de la société libanaise".

Sur l’aspect économique et le retour financier de cet investissement, Ghobril explique qu’"à court terme, la profitabilité du produit basket ne sera pas évidente. En effet, le marché publicitaire est en net recul et la situation économique du pays est mauvaise. Mais nous pensons qu’à plus long terme, dans deux ou trois ans, nous pourrons avoir un retour sur investissement".

Ghobril explique aussi, pour justifier cet investissement dans la diffusion du basket, le fait que "la tendance à regarder le sport à la télévision est toujours importante. Pour d’autres types de programmes, la consommation peut se faire sur mobile, comme pour les nouvelles qui sont lues et écoutées en instantané par les individus sur leurs téléphones. Alors que pour le sport, un match de basket est plus agréable à regarder à la télévision plutôt que sur mobile".

Avant la MTV, c’est la chaîne LBCI qui a diffusé le championnat pendant plus de vingt ans. Interrogé par ICI Beyrouth sur les raisons de ce retrait de la retransmission du sport local roi, le P.-D.G. de la LBCI, Pierre Daher, explique, en réponse au fait que le montant des droits de diffusion du basket ait baissé de 67%, ce qui laisserait entrevoir une bonne affaire, qu’en parallèle, "la taille du marché publicitaire TV a baissé de 95%". Cela rend, en effet, la viabilité du produit plus difficile.

Il est à noter que la LBCI est toujours diffuseur de basket, après avoir acquis des droits pour des compétitions FIBA, qui lui permettent notamment de diffuser les matches qualificatifs du Liban pour la coupe du monde 2023 sur LB2.

Des audiences qui devraient augmenter pour le "Final 4"

Pour ce qui est du niveau des audiences, Ghobril explique que "le basket enregistre des chiffres moins élevés que les séries dramatiques qui ont un public très large, alors que le sport dispose avant tout d’un public de jeunes". Il explique également que "nous prévoyons qu’au cours du "Final 4", les audiences augmentent. Le niveau sera, en effet, plus élevé et les équipes auront enregistré le renfort de joueurs étrangers. L’issue des matches sera plus difficile à prédire, ce qui rendra les rencontres plus attractives pour les téléspectateurs".

Le produit basket, vitrine de Sawt Beirut International (SBI)

Quant aux droits numériques, ils ont été acquis par SBI, pour 400.000 dollars, pour la période allant de 2021 à 2024. Dans un entretien avec Ici Beyrouth, le chef du service des sports de SBI, Fares Karam, explique que le choix du basket était dû "à la notoriété de ce sport et au fait que nous avons un niveau de basket très élevé. Dans ce sport, nous pouvons nous qualifier pour le mondial. SBI a relevé le défi de prendre un sport de premier plan. Et les droits numériques du football étaient déjà pris par MTV, d’où le choix du basket". Karam souligne que "le basket ne va pas avoir des retombées économiques fortes pour la SBI. D’ailleurs ce n’est pas là notre but. De surcroît, il n’y a pas de produit sport au Liban, aussi bien pour le basket que pour le football, qui soit profitable. La diffusion de ces programmes génère des pertes d’un point de vue financier. Cependant, la retransmission du basket est très bonne pour l’image du média, et nous encourageons ainsi le sport libanais".

Les audiences de la SBI pour le basket sont très bonnes avec, par exemple, l’émission hebdomadaire "5 on 5", qui rassemble plus de 20.000 personnes chaque semaine sur Facebook.

La transition vers le numérique

La transition vers le numérique s’accélère mondialement. Daher explique ainsi qu’il "était avant tout intéressé par les droits numériques du dernier appel d’offres, mais le montant atteint pour l’acquisition de ces droits n’était pas justifié d’un point de vue économique".

Si la diffusion TV sportive a encore quelques années devant elle, le passage progressif vers les diffusions numériques semble toutefois inéluctable. Les jeunes générations sont, en effet, très à l’aise avec le transfert d’un support numérique sur grand écran pour ne rien enlever au plaisir d’assister à une rencontre sportive; on peut donc logiquement s’attendre à ce que les courbes des montants des droits TV et numériques pour le basket libanais se croisent dans les années à venir. Peut-être même dès le prochain appel d’offres en 2024.